Résumé Premier épisode de la saga des Rougon-Macquart, ce récit fonde et inaugure l’histoire d’une famille minée par une fêlure originelle. Mettant en scène les amours de Miette et de Silvère et l’égoïsme féroce du clan
COMMENTAIRE 1 CH. II p 77-78 Quand le jeune homme sentit sa mère en sa possession … lui sembla cacher quelque piège » INTRODUCTION – Situation du passage C’est un extrait du chapitre 2 qui raconte l’histoire de la famille Rougon de 1768 jusqu’à 1848 depuis son origine avec Adélaïde Fouque jusqu’à l’échelle sociale des Rougon en 1848. Ce passage raconte commentPierre Rougon réussit à prendre le pouvoir dans sa famille. – Intérêt du passage A travers le récit de la prise du pouvoir familial de PR se dessine un portrait des personnages. Chacun d’entre eux est emporté par des valeurs différentes parfois opposées. Ici s’explique pour la 1er fois le titre du roman La Fortune des Rougon ». PLAN 1° PR prend le pouvoir dans lafamille 2° Chaque personnage agit en fonction d’une valeur qui lui est propre 3° Observation et analyse des personnages par un romancier naturaliste 1° A Une prise de pouvoir réfléchie Il y a tout d’abord la présence du champ lexical du pouvoir dans le &1 en sa possession 1, exploiter dans son intérêt » 2, il fut maître du logis » l5, il prit la haute directionde la maison »7 Par ailleurs, P est presque tjs le sujet des verbes, ce qui prouve qu’il agit tandis que les autres sont passifs donc COD P se débarrassa d’Ursule » P prend le pouvoir calmement, sans précipitation. Il procède méthodiquement puisque d’abord il prend sa mère en sa possession et après il commence à exploiter il prend le soin »4, ses actions se font est patient il attendit un événement »14, deux ans plus tard »17. Dans le & précédent lorsqu’il soumet A, le narrateur dit il exécuta pas à pas avec une patience tenace, un plan dont il avait longtemps mûri chaque détail ». PR commence son ascension sociale à 17 ans en 1804 et il attendit jusqu’en 1851; il met 64 ans. B P prend le pouvoir sur les personnes et les biens de safamille Le plan du texte correspond aux actions successives de PR. Le 1er & correspond à la prise en main de la fortune, 2 & P se débarrasse d’Antoine, 3 & P se débarrasse d’Ursule. Pierre procède en éliminant un à un les gens qui l’entourent et le gênent. Il se retrouve seul il congédie le maraîcher 5, il refuse de payer un homme A voulut le sauver du service »19, P sedébarrassa d’U »35, il tient éloigné A par ses regards » et la terreur folle qu’un seul de ses regards lui inspirait »4, il la regarda d’une telle façon qu’elle n’osa même pas achever »24 P considère les autres comme des créatures », des choses qu’il manipule il traite sa mère comme une esclave »2, le maraîcher est remplacé par une créature à lui »8. Il se débarrasse d’U et An comme deschoses que l’on achète, vend ou jette. C L’ origine de la fortune des R tromperie et hasard – Tromperie D’abord envers An il joua le rôle d’un homme désespéré »29, An est partit dupé »34. Il était encore en train d’essayer de donner une explication à Mouret pour ne pas donner de dot à sa sœur surpris de ce désintéressement, s’était mis à balbutier,cherchant à lui donner des explications »53. Toute la fortune de P est basée sur une énorme tromperie, celle des 50 000 francs avec sa mère. – Hasard Les circonstances le servirent régulièrement »15. An échappe à la conscription »16. 2ème hasard celui qui oblige An à partir, on utilise les termes An tomba au sort »17, sa mauvaise chance ». 3ème hasard, celui oùil se débarrasse d’U d’une façon encore plus inattendue »35 La fortune. Il faut comprendre le titre comme le destin ou le hasard des R Effectivement tout ce passage est centré sur la manière dont PR fait sa fortune. Par conséquent, le récit est très rapide et efficace car il est centré sur cette seule idée. Il n’y a pas de scène mais que des sommaires et une ellipse …
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Les Rougon-Macquart - E-book - ePub Née en 1852 dans la misère du monde ouvrier, Anna Coupeau, dite Nana, est la fille de Gervaise Macquart et de Coupeau dont l'histoire est narrée dans... Lire la suite 2,99 € E-book - ePub Poche Nana Paru le 29/01/2019 En stock 3,90 € Nana Paru le 22/05/2002 En stock 4,00 € Nana Paru le 28/08/2013 Expédié sous 3 à 6 jours 4,00 € Expédié sous 3 à 6 jours 4,20 € Nana Paru le 04/03/1999 Actuellement indisponible 4,60 € Ebook Nana Multi-format Paru le 09/04/2012 Téléchargement immédiat 0,99 € Nana Multi-format Paru le 19/01/2013 Téléchargement immédiat 0,99 € Nana Multi-format Paru le 04/01/2014 Téléchargement immédiat 1,99 € Nana Multi-format Paru le 04/02/2015 Téléchargement immédiat 2,99 € Nana Multi-format Paru le 04/06/2018 Téléchargement immédiat 5,49 € Nana ePub Paru le 14/08/2022 Téléchargement immédiat 0,99 € Nana ePub Paru le 17/04/2015 Téléchargement immédiat 0,99 € Nana ePub Paru le 31/12/2014 Téléchargement immédiat 2,99 € Nana ePub Paru le 31/12/2011 Téléchargement immédiat 2,99 € Nana ePub Paru le 01/09/2017 Téléchargement immédiat 3,99 € Nana ePub Paru le 06/04/2012 Téléchargement immédiat 3,99 € Nana Edition en anglais ePub Paru le 06/05/2013 Téléchargement immédiat 0,75 € Nana PDF Paru le 31/12/2014 Téléchargement immédiat 2,99 € Nana PDF Paru le 01/09/2017 Téléchargement immédiat 3,99 € Nana Multi-format Paru le 09/06/2015 Téléchargement immédiat 0,00 € Grand format Nana Paru le 28/01/2014 Expédié sous 2 à 4 semaines 20,00 € Expédié sous 2 à 4 semaines 21,00 € Nana Paru le 21/11/2012 Expédié sous 2 à 4 semaines 22,90 € Nana Paru le 14/04/2021 Expédié sous 2 à 4 semaines 25,00 € Nana Paru le 29/01/2014 Expédié sous 2 à 4 semaines 26,50 € Nana Paru le 01/06/2013 Expédié sous 2 à 4 semaines 27,70 € Nana Paru le 22/11/2012 Expédié sous 2 à 4 semaines 29,90 € Nana Paru le 23/10/2018 Expédié sous 2 à 4 semaines 39,90 € Nana Paru le 23/10/2018 Expédié sous 2 à 4 semaines 59,90 € Nana Paru le 05/11/2009 Actuellement indisponible 3,00 € Nana Paru le 20/11/2001 Sous réserve de l'éditeur 8,99 € Livre audio Nana Paru le 25/08/2022 Expédié sous 3 à 6 jours 25,90 € Expédié sous 3 à 6 jours 26,50 € Vous pouvez lire cet ebook sur les supports de lecture suivants Téléchargement immédiat Dès validation de votre commande Offrir maintenant Ou planifier dans votre panier Née en 1852 dans la misère du monde ouvrier, Anna Coupeau, dite Nana, est la fille de Gervaise Macquart et de Coupeau dont l'histoire est narrée dans L'Assommoir. Le début du roman la montre dans la gêne, manquant d'argent pour élever son fils Louis qu'elle a eu à l'âge de seize ans d'un père inconnu ; elle se prostitue, faisant des passes pour arrondir ses fins de mois. Ceci ne l'empêche pas d'habiter un riche appartement où l'un de ses amants, un riche marchand de Moscou, l'a installée. Date de parution 22/08/2022 Editeur ISBN 978-2-322-44965-1 EAN 9782322449651 Format ePub Nb. de pages 324 pages Caractéristiques du format ePub Pages 324 Taille 535 Ko Protection num. Digital Watermarking Biographie d'Emile Zola Émile Zola est un écrivain et journaliste français, né le 2 avril 1840 à Paris et mort le 29 septembre 1902 dans la même ville. Considéré comme le chef de file du naturalisme, c'est l'un des romanciers français les plus populaires. "Nana" est un roman publié sous forme de feuilleton dans "Le Voltaire" du 16 octobre 1879 au 5 février 1880, puis en volume chez Georges Charpentier, le 14 février 1880.
Rédigéede manière claire et accessible, la fiche de lecture propose d’abord un résumé chapitre par chapitre du roman, puis s’intéresse aux différents personnages : Adélaïde Fouque, Pierre Rougon, Félicité Rougon, Eugène Rougon, Pascal Rougon, Aristide Rougon, Antoine Macquart, Silvère Macquart et Miette. On aborde ensuite le naturalisme, puis le

Dissertation Français, éditions Ellipses, par Nathalie Leclercq Préface Je veux expliquer comment une famille, un petit groupe d’êtres, se comporte dans une société, en s’épanouissant pour donner naissance à dix, à vingt individus qui paraissent, au premier coup d’œil, profondément dissemblables, mais que l’analyse montre intimement liés les uns aux autres. L’hérédité a ses lois, comme la pesanteur. Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire. Titre scientifique Les Origines. 1871 I Le livre s’ouvre sur la description de Plassans et de son cimetière lentement transformé en terrain vague. Silvère, avec un fusil, attend Miette. Il part le soir même pour rejoindre les républicains. Ils ont du mal à se séparer, ils se promènent longuement, dans la grande pelisse de la jeune fille de treize ans. Puis ils rencontrent la troupe de républicains qui chantent la Marseillaise, Miette s’empare du drapeau et tous deux rejoignent la troupe. II Une nouvelle description de Plassans et de ses trois quartiers celui des nobles, celui de la bourgeoisie et celui du peuple. Ce fut dans ce milieu particulier que végéta jusqu’en 1848 une famille obscure et peu estimée, dont le chef, Pierre Rougon, joua plus tard un rôle important, grâce à certaines circonstances. » Adélaïde Fouque, née en 1768, orpheline à 18 ans, dont le père mourut fou, était une grande créature mince, dont le bruit courait qu’elle avait le cerveau fêlé, comme son père. Elle épousera un paysan mal dégrossi, Rougon, dont elle aura un fils Pierre. Mais Rougon meurt subitement quinze mois après leur mariage, Adélaïde prend un amant, ce gueux de Macquart » qu’elle rejoint aussi souvent que possible dans sa masure qui est voisine à sa propriété. Pour mieux se rejoindre, ils percent même une porte dans le mur mitoyen. Elle aura deux enfants de cette union, Antoine Macquart, une brute où la franchise sanguine du père tournait en sournoiserie pleine d’hypocrisie et Ursule, créature chétive et maladive. Adélaïde ne s’en occupe guère, ils sont complètement libres. Pierre, juste milieu entre le paysan Rougon et la fille nerveuse Adélaïde, un paysan moins rude, à l’intelligence plus large et plus souple, comprend sa situation et s’arrange pour se rendre maître de sa mère, par des regards pleins de sous-entendus. Il la martyrise psychologiquement. Puis, une fois sa mère réduite en esclavage, il prend en mains le domaine de la Fouque, laisse partir Antoine au service militaire, accepte sans problème que Mouret, un ouvrier chapelier, épouse Ursule et parte à Marseille. Mouret est très amoureux de sa femme et refuse même l’argent de Pierre, à la grande surprise de celui-ci. Le hasard sert encore ses desseins. Désireux de se débarrasser de sa mère, il l’envoie dans la masure de l’impasse Saint-Mittre du contrebandier Macquart qui vient de se faire tuer par les gendarmes. Elle pendit la carabine au-dessus de la cheminée, et vécut là, étrangère au monde, solitaire, muette. » Pierre vend La Fouque, fait signer un reçu à Adélaïde qui était censé avoir reçu 50 000 francs, et épouse la fille d’un marchand d’huile, Félicité Puech, qui avait une ruse de chatte au fond de ses yeux noirs. Toute sa physionomie de naine futée était comme le masque vivant de l’intrigue, de l’ambition active et envieuse. Les premières années se passent assez bien, mais par la suite, le guignon revint implacable. Pendant plus de trente ans, la bataille dura. A la mort de son père, Félicité apprend qu’il est ruiné… En plus, de 1811 à 1815, elle eut trois garçons et deux filles. Elle reconstruisit sur la tête de ses fils l’édifice de sa fortune et fait tout pour qu’ils fassent des études. Deux firent leur droit, le troisième fit médecine. La race des Rougon devait s’épurer par les femmes, ses fils furent d’une intelligence plus haute, capables de grands vices et de grandes vertus. Eugène, l’aîné, semblait apporté la preuve que Félicité avait du sang noble dans les veines. Il part très vite faire carrière à Paris, une fois devenu avocat. Aristide est tout son opposé. Il avait le visage de sa mère, et des avidités, un caractère sournois, apte aux intrigues vulgaires où les instincts de son père dominaient. Il aimait l’argent comme son frère aîné aimait le pouvoir. Il se marie à la fille du commandant Sicardot, et donne la dot de 10 000 francs à son père pour qu’il la place. Ainsi, ils vivent aux crochets des Rougon, Pierre ne pouvant lui rendre l’argent qu’il perdit très vite. Mais dès que Pierre fut en mesure de les lui rendre, il les met dehors. Aristide et sa femme s’installent dans le vieux quartier et très rapidement Aristide doit travailler à la préfecture, à son grand désespoir. Pascal, le dernier fils, ne paraissait pas appartenir à la famille. C’était un de ces cas fréquents qui font mentir les lois de l’hérédité. Droit, modeste, sobre, son métier de médecin lui procurait juste de quoi vivre et il se vouait corps et âme à la science. Il était si différent des siens que tout le monde l’appelait M. Pascal. Les deux sœurs, Marthe et Sidonie, sont vite mariées, l’une va à Marseille et l’autre à Paris. Félicité et Pierre vendent le magasin et s’installent dans la rue qui sépare le vieux quartier du neuf, en face des fenêtres du receveur particulier de la sous-préfecture. Félicité arrange le salon jaune de son mieux, dans la faible mesure de ses moyens et rêve devant les rideaux du receveur. Ils attendent. La révolution de 1848 trouva donc tous les Rougon sur le qui-vive, exaspérés par leur mauvaise chance et disposée à violer la fortune, s’ils la rencontraient jamais au détour d’un sentier. III Plassans est avant tout catholique et royaliste. Mais pour combattre les républicains, elle deviendra bonapartiste. Ce qui fera la fortune des Rougon. Félicité, dès février 48, comprend qu’il se passe quelque chose et que c’est le moment d’agir. Le noble marquis de Carnavant se prend d’amitié pour elle et vient lui rendre visite dans son salon jaune. Il sera de précieux conseil. Puis il se forme un noyau de conservateurs chez eux, faits de bourgeois frileux et de militaires qui préfèrent parler de politique en dehors de chez eux pour ne pas se compromettre M. Isidore Granoux, ancien marchand d’amandes et membre du conseil municipal, un riche propriétaire, M. Roudier, et la plus forte tête, le commandant Sicardot. Il y avait aussi le sournois Vuillet, libraire et vendeur d’illustrations pornographiques. Il dirigeait la gazette hebdomadaire de Plassans. En avril 1848, Eugène revient subitement de Paris et prépare son père aux futurs évènements, l’assurant que sa fortune était proche. Félicité est tenue à l’écart, mais elle réussira à lire ses lettres, pendant la nuit. Aristide publie des articles dans le journal L’Indépendant et se range du côté des vainqueurs, selon lui, les républicains. Mais il reste sans cesse à l’affût, tentant même d’avoir des infos par son frère qui, se méfiant de lui, se déroba. Le 1er décembre 1851, c’est le coup d’état qu’Eugène annonce à son père dans une de ses quarante lettres. Les villages voisins se soulèvent. La peur grandit. 3000 républicains arrivent, Pierre se réfugie chez sa mère. IV Antoine Macquart revient du service, toujours décidé à faire fortune sans rien faire. Il hurle de rage en apprenant que Pierre a vendu la Fouque sans rien lui laisser. Pierre et Félicité finissent par lui donner deux cents francs et par lui louer un logement, pour avoir la paix. Il apprend à tresser des paniers, puis épouse Joséphine Gavaudan, dite fine, lessiveuse, qui passera sa vie à l’entretenir, en buvant de l’anisette. Elle lui donnera trois enfants, Lisa, que la directrice des postes prit en affection et qui l’amena avec elle à Paris, à la mort de son mari, Gervaise, que Macquart sucera jusqu’à la moelle, petite fille fluette, buvant de l’anisette avec sa mère, et Jean, peu intelligent, mais décidé à se faire une situation et à partir de chez lui au plus vite. Gervaise, blanchisseuse, tombe enceinte dès l’âge de quatorze ans, d’un ouvrier tanneur, Lantier. Mais Antoine, trop désireux de garder les revenus de sa fille, la garde avec lui, l’enfant est donné à la mère de Lantier. Quatre ans plus tard, elle aura un second garçon que la mère Lantier réclamera de nouveau. Antoine connut des jours délicieux à vivre aux crochets de sa petite famille, mais il nourrissait toujours une haine féroce contre son frère. Il essaya de trouver des alliés auprès d’Aristide, son neveu, de son beau-frère Mouret et de sa sœur Ursule, sans résultat. Ursule meurt précocement en 1839. Elle laissait trois enfants, Hélène, mariée à un employé, François et Silvère. A la mort de leur père qui se pendit, un an après leur mère, François fut pris au service de son oncle Pierre et épousa même Marthe à qui il ressemblait étrangement, de 1840 à 1844, ils eurent trois enfants. Silvère alla vivre avec sa grand-mère Adélaïde, à qui il redonna la joie de vivre. Antoine s’empare de cet esprit idéaliste sans toutefois atteindre son innocence, même s’il prend un malin plaisir à lui faire du mal en lui racontant comment Pierre s’est moqué de sa grand-mère. Il se fait sa propre culture, assez dangereuse pour un esprit aussi fragile que le sien, et rêve d’une société idéale d’hommes libres et égaux. Fine meurt, Antoine est sans le sou, Gervaise et Jean sont partis, il est plus haineux que jamais. Il devient un fervent républicain, et le jour du coup d’état, il prend la tête de plusieurs ivrognes partisans et court chez son frère pour l’arrêter, mais celui-ci est parti. Félicité garde son sang froid. Antoine laisse un vigile en bas de chez lui, et attend son heure. Les républicains entrent dans Plassans, s’emparent de la gendarmerie, Silvère crève un œil de Rengade, croit l’avoir tué et se précipite chez sa grand-mère, en promettant à Miette qu’il reviendrait. Les insurgés font prisonniers M. Garçonnet, le commandant Sicardot et M. Peirotte, le receveur, ainsi que plusieurs autres fonctionnaires. Puis ils quittent la ville, Antoine se propose de la garder avec vingt hommes; Miette porte toujours le drapeau, accompagné de Silvère. V C’est la nuit noire et froide, l’enthousiasme des insurgés retombe, Miette est fatiguée, Silvère l’accompagne au haut d’une colline pour se reposer, comptant rejoindre la troupe au matin. Ils vivent une étrange nuit, un baiser fiévreux éveillent leurs sens, mais ils ne vont pas plus loin. Miette perdit son père à neuf ans. Il fut envoyé au bagne pour avoir tué un gendarme, le nom de Chantegreil sonnera toujours comme une insulte; Elle est recueillie par son oncle, à la mort de son grand-père. Son oncle, Rébufat, un avare invétéré en fait son esclave. Son cousin Justin la hait. Seule Eulalie, sa tante, la défend un peu. La vie au Jas-Meiffrein est rude, mais elle s’y fait. Malheureusement, sa tante meurt, son oncle et son cousin deviennent odieux. Au fond du jardin, il y a un puits, c’est là qu’elle rencontre Silvère. Ils deviennent très vite amis et trouvent même un moyen de se parler et de se voir grâce au puits. Mais très vite, cela ne leur suffit plus, alors Silvère réussit à trouver la clef de la porte qui avait servi tant d’années à sa grand-mère. Mais dès leur première entrevue, la grand-mère les surprend et jette la clef dans le puits. Ils se retrouveront alors chaque soir à l’ancien cimetière, où tant de fois les morts semblaient les appeler à s’aimer. Ils trouvent même une tombe où gît une certaine Marie, du même nom que Miette. Celle-ci y voit l’annonce de sa mort prochaine. L’été, ils parcourent les champs et les forêts, Silvère apprend à Miette à nager, ils s’aiment, mais leur innocence et leur pureté les préservent, ainsi, malgré l’appel de leurs sens qui se fait de plus en plus fort, ils demeurent chastes. Au matin, ils rejoignent les insurgés à Orchères. Les soldats les attaquent, c’est un bain de sang, Silvère et Miette ne comprennent pas grand chose et continuent à marcher sous la mitraille. Une balle atteint la jeune fille à sa poitrine, elle tombe morte, Silvère est désespéré et comprend le regard fixe de la jeune fille qui lui reproche de mourir vierge. Il se laisse arrêter sans aucune résistance, abattu. Le docteur Pascal est parmi eux, il soigne les blessés, mais ne peut rien pour Miette. M. Peirotte meurt d’une balle perdue des soldats qui tirent n’importe où sans discontinuer, alors même qu’il n’y a plus d’insurgés. VI Pierre se résout à quitter sa cachette et aidé de Roudier et de trente-neuf autres, il va chercher les fusils qu’il avait caché dans un hangar, reprend la gendarmerie aux insurgés qui dormaient et dont le chef était Antoine et va jusqu’à la mairie où il arrête son propre frère. La fameuse glace est brisée pendant la courte lutte, un coup de fusil ayant été tiré par hasard. Cette histoire sera racontée et racontée le lendemain, déformée et travestie en combat épique. Rougon est un héros, on lui donne la mairie en attendant le retour des prisonniers. Il organise la commission provisoire, réarme les gardes nationaux et fait fermer les portes de la ville. Mais des bruits courent, les soldats n’arrivent pas, les insurgés pillent les villages voisins. Rougon et les autres croient même les voir incendier les communes voisines du haut de chez le marquis, et ils restent toute la nuit à scruter la noirceur de la plaine, transis de peur et de froid. La ville s’en prend à Rougon, les notables font courir le bruit que la lutte de la mairie n’était pas si glorieuse, jusqu’à Vuillet qui sort un article bien trop ronflant sur la barbarie des insurgés et sur le triomphe prochain de Bonaparte. Cela met la puce à l’oreille de Félicité, elle va le voir et comprend qu’il a intercepté une lettre d’Eugène qui leur apprend que le coup d’état a parfaitement réussi et qu’ils doivent se tenir prêts. Après avoir jouer un petit tour à son mari pour se venger de l’avoir tenue à l’écart, en lui faisant croire que la partie était perdue, elle finit par lui découvrir un plan judicieux. Elle va dès le lendemain matin voir Antoine, et lui propose de le libérer à condition qu’il accepte de reprendre la mairie, en échange de 1000 francs. Antoine, que la douceur du cabinet de toilette du maire qui lui tenait lieu de prison lui a fait comprendre la nécessité de s’entendre avec son frère, accepte. Le lendemain, Rougon, seul, dit à tout le monde qui se cloître chez soi qu’il préfère mourir plutôt que d’abandonner la ville aux insurgés. Sachant que son frère va attaquer, il place des gardes aux portes, Granoux, seul vient l’aider, il doit sonner du tocsin, des hommes sont cachés et attendent. Antoine trouve facilement une cinquantaine d’hommes. Ils attaquent la mairie avec des fusils chargés au plomb. C’est un massacre, quatre hommes seront tués, Rougon les laisse où ils sont pour que tout le monde les voit. Il marche même sur la main d’un cadavre avec son talon, étrange et horrible sensation qui ne le quittera plus. Granoux sonne du tocsin de toutes ses forces avec un marteau, c’est Rougon qui l’arrêtera. Le lendemain, la ville se réveille toute étonnée de voir qu’une sanglante bataille a eu lieu pendant qu’elle dormait, Rougon devient un véritable héros, Félicité est aux anges. VII Pierre va retrouver Antoine chez sa mère, pour le payer. Il lui demande de partir. Pascal soigne Adélaïde, dite la tante Dide, elle est revenue complètement ahurie et folle, elle a vu quelque chose… Rougon en a froid dans le dos, mais ne veut rien faire pour elle. Il retourne chez lui où une fête à son honneur l’attend, car il va être décoré de la légion d’honneur. Tous sont là, envieux, mais l’alcool aidant, la fête bat son plein. Aristide est revenu et s’est déclaré bonapartiste dans son journal. Il apprend à Félicité que Silvère est mort. Il état là et n’a rien fait. Chacun a donc son cadavre sur la conscience, y compris Félicité qui a l’impression d’être pour quelque chose dans la mort de M. Peirotte, qu’elle avait tant désirée. Le gendarme Rengade n’a de cesse de retrouver celui qui l’a éborgné. Il retrouve Silvère, l’emmène jusque sur la tombe de Marie, et lui loge une balle dans la tête, sous les regards d’Antoine, que cette mort arrange bien, sous celui de Justin, aux anges et sous ceux de tante Dide…De l’autre côté de la ville, la fête est à son paroxysme quand Sicardot prend un ruban et le met au veston de Pierre. Mais au loin, les trois meurtres sont omniprésents, recouvrant la scène de sang caillé.

Résumé La Fortune des Rougon inaugure l'oeuvre géante et visionnaire, " histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second Empire ", que Zola situe au confluent de Hugo et de Balazc. Issus de la paysannerie enrichie, les Rougon portent en eux l'avidité du pouvoir et de l'argent. Une des branches de la famille, les Macquart, sera marquée par
SommaireChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VIChapitre VIIChapitre VIIIChapitre IXChapitre XChapitre XIChapitre XIIChapitre XIIIChapitre XIVIPendant le rude hiver de 1860, l’Oise gela, de grandes neiges couvrirent les plaines de la basse Picardie ; et il en vint surtout une bourrasque du nord-est, qui ensevelit presque Beaumont, le jour de la Noël. La neige, s’étant mise à tomber dès le matin, redoubla vers le soir, s’amassa durant toute la nuit. Dans la ville haute, rue des Orfèvres, au bout de laquelle se trouve comme enclavée la façade nord du transept de la cathédrale, elle s’engouffrait, poussée par le vent, et allait battre la porte Sainte-Agnès, l’antique porte romane, presque déjà gothique, très ornée de sculptures sous la nudité du pignon. Le lendemain, à l’aube, il y en eut là près de trois rue dormait encore, emparessée par la fête de la veille. Six heures sonnèrent. Dans les ténèbres, que bleuissait la chute lente et entêtée des flocons, seule une forme indécise vivait, une fillette de neuf ans, qui, réfugiée sous les voussures de la porte, y avait passé la nuit à grelotter, en s’abritant de son mieux. Elle était vêtue de loques, la tête enveloppée d’un lambeau de foulard, les pieds nus dans de gros souliers d’homme. Sans doute elle n’avait échoué là qu’après avoir longtemps battu la ville, car elle y était tombée de lassitude. Pour elle, c’était le bout de la terre, plus personne ni plus rien, l’abandon dernier, la faim qui ronge, le froid qui tue ; et, dans sa faiblesse, étouffée par le poids lourd de son coeur, elle cessait de lutter, il ne lui restait que le recul physique, l’instinct de changer de place, de s’enfoncer dans ces vieilles pierres, lorsqu’une rafale faisait tourbillonner la heures, les heures coulaient. Longtemps, entre le double vantail des deux baies jumelles, elle s’était adossée au trumeau, dont le pilier porte une statue de sainte Agnès, la martyre de treize ans, une petite fille comme elle, avec la palme et un agneau à ses pieds. Et, dans le tympan, au-dessus du linteau, toute la légende de la vierge enfant, fiancée à Jésus, se déroule, en haut relief, d’une foi naïve ses cheveux qui s’allongèrent et la vêtirent, lorsque le gouverneur, dont elle refusait le fils, l’envoya nue aux mauvais lieux ; les flammes du bûcher qui, s’écartant de ses membres, brûlèrent les bourreaux, dès qu’ils eurent allumé le bois ; les miracles de ses ossements, Constance, fille de l’empereur, guérie de la lèpre, et les miracles d’une de ses figures peintes, le prêtre Paulin, tourmenté du besoin de prendre femme, présentant, sur le conseil du pape, l’anneau orné d’une émeraude à l’image, qui tendit le doigt, puis le rentra, gardant l’anneau qu’on y voit encore, ce qui délivra Paulin. Au sommet du tympan, dans une gloire, Agnès est enfin reçue au ciel, où son fiancé Jésus l’épouse, toute petite et si jeune, en lui donnant le baiser des éternelles lorsque le vent enfilait la rue, la neige fouettait de face, des paquets blancs menaçaient de barrer le seuil ; et l’enfant, alors, se garait sur les côtés, contre les vierges posées au-dessus du stylobate de l’ébrasement. Ce sont les compagnes d’Agnès, les saintes qui lui servent d’escorte trois à sa droite, Dorothée, nourrie en prison de pain miraculeux, Barbe, qui vécut dans une tour, Geneviève, dont la virginité sauva Paris ; et trois à sa gauche, Agathe, les mamelles tordues et arrachées, Christine, torturée par son père, et qui lui jeta de sa chair au visage, Cécile, qui fut aimée d’un ange. Au-dessus d’elles, des vierges encore, trois rangs serrés de vierges montent avec les arcs des claveaux, garnissent les trois voussures d’une floraison de chairs triomphantes et chastes, en bas martyrisées, broyées dans les tourments, en haut accueillies par un vol de chérubins, ravies d’extase au milieu de la cour rien ne la protégeait plus, depuis longtemps, lorsque huit heures sonnèrent et que le jour grandit. La neige, si elle ne l’eût foulée, lui serait allée aux épaules. L’antique porte, derrière elle, s’en trouvait tapissée, comme tendue d’hermine, toute blanche ainsi qu’un reposoir, au bas de la façade grise, si nue et si lisse, que pas un flocon ne s’y accrochait. Les grandes saintes de l’ébrasement surtout en étaient vêtues, de leurs pieds blancs à leurs cheveux blancs, éclatantes de candeur. Plus haut, les scènes du tympan, les petites saintes des voussures s’enlevaient en arêtes vives, dessinées d’un trait de clarté sur le fond sombre ; et cela jusqu’au ravissement final, au mariage d’Agnès, que les archanges semblaient célébrer sous une pluie de roses blanches. Debout sur son pilier, avec sa palme blanche, son agneau blanc, la statue de la vierge enfant avait la pureté blanche, le corps de neige immaculé, dans cette raideur immobile du froid, qui glaçait autour d’elle le mystique élancement de la virginité victorieuse. Et, à ses pieds, l’autre, l’enfant misérable, blanche de neige, elle aussi, raidie et blanche à croire qu’elle devenait de pierre, ne se distinguait plus des grandes le long des façades endormies, une persienne qui se rabattit en claquant lui fit lever les yeux. C’était, à sa droite, au premier étage de la maison qui touchait à la cathédrale. Une femme, très belle, une brune forte, d’environ quarante ans, venait de se pencher là ; et, malgré la gelée terrible, elle laissa une minute son bras nu dehors, ayant vu remuer l’enfant. Une surprise apitoyée attrista son calme visage. Puis, dans un frisson, elle referma la fenêtre. Elle emportait la vision rapide, sous le lambeau de foulard, d’une gamine blonde, avec des yeux couleur de violette ; la face allongée, le col surtout très long, d’une élégance de lis, sur des épaules tombantes ; mais bleuie de froid, ses petites mains et ses petits pieds à moitié morts, n’ayant plus de vivant que la buée légère de son machinale, était restée les yeux en l’air, regardant la maison, une étroite maison à un seul étage, très ancienne, bâtie vers la fin du quinzième siècle. Elle se trouvait scellée au flanc même de la cathédrale, entre deux contreforts, comme une verrue qui aurait poussé entre les deux doigts de pied d’un colosse. Et, accotée ainsi, elle s’était admirablement conservée, avec son soubassement de pierre, son étage en pans de bois, garnis de briques apparentes, son comble dont la charpente avançait d’un mètre sur le pignon, sa tourelle d’escalier saillante, à l’angle de gauche, et où la mince fenêtre gardait encore la mise en plomb du temps. L’âge toutefois avait nécessité des réparations. La couverture de tuiles devait dater de Louis XIV. On reconnaissait aisément les travaux faits vers cette époque une lucarne percée dans l’acrotère de la tourelle, des châssis à petits bois remplaçant partout ceux des vitraux primitifs, les trois baies accolées du premier étage réduites à deux, celle du milieu bouchée avec des briques, ce qui donnait à la façade la symétrie des autres constructions de la rue, plus récentes. Au rez-de-chaussée, les modifications étaient tout aussi visibles, une porte de chêne moulurée à la place de la vieille porte à ferrures, sous l’escalier, et la grande arcature centrale dont on avait maçonné le bas, les côtés et la pointe, de façon à n’avoir plus qu’une ouverture rectangulaire, une sorte de large fenêtre, au lieu de la baie en ogive qui jadis débouchait sur le pensées, l’enfant regardait toujours ce logis vénérable de maître artisan, proprement tenu, et elle lisait, clouée à gauche de la porte, une enseigne jaune, portant ces mots Hubert chasublier, en vieilles lettres noires, lorsque, de nouveau, le bruit d’un volet rabattu l’occupa. Cette fois, c’était le volet de la fenêtre carrée du rez-de-chaussée un homme à son tour se penchait, le visage tourmenté, au nez en bec d’aigle, au front bossu, couronné de cheveux épais et blancs déjà, malgré ses quarante-cinq ans à peine ; et lui aussi s’oublia une minute à l’examiner, avec un pli douloureux de sa grande bouche tendre. Ensuite, elle le vit qui demeurait debout, derrière les petites vitres verdâtres. Il se tourna, il eut un geste, sa femme reparut, très belle. Tous les deux, côte à côte, ne bougeaient plus, ne la quittaient plus du regard, l’air profondément y avait quatre cents ans que la lignée des Hubert, brodeurs de père en fils, habitait cette maison. Un maître chasublier l’avait fait construire sous Louis XI, un autre, réparer sous Louis XIV ; et l’Hubert actuel y brodait des chasubles, comme tous ceux de sa race. À vingt ans, il avait aimé une jeune fille de seize ans, Hubertine, d’une telle passion, que, sur le refus de la mère, veuve d’un magistrat, il l’avait enlevée, puis épousée. Elle était d’une beauté merveilleuse, ce fut tout leur roman, leur joie et leur malheur. Lorsque, huit mois plus tard, enceinte, elle vint au lit de mort de sa mère, celle-ci la déshérita et la maudit, si bien que l’enfant, né le même soir, mourut. Et, depuis, au cimetière, dans son cercueil, l’entêtée bourgeoise ne pardonnait toujours pas, car le ménage n’avait plus eu d’enfant, malgré son ardent désir. Après vingt-quatre années, ils pleuraient encore celui qu’ils avaient perdu, ils désespéraient maintenant de jamais fléchir la de leurs regards, la petite s’était renfoncée derrière le pilier de sainte Agnès. Elle s’inquiétait aussi du réveil de la rue les boutiques s’ouvraient, du monde commençait à sortir. Cette rue des Orfèvres, dont le bout vient buter contre la façade latérale de l’église, serait une vraie impasse, bouchée du côté de l’abside par la maison des Hubert, si la rue Soleil, un étroit couloir, ne la dégageait de l’autre côté, en filant le long du collatéral, jusqu’à la grande façade, place du Cloître ; et il passa deux dévotes, qui eurent un coup d’œil étonné sur cette petite mendiante, qu’elles ne connaissaient pas, à Beaumont. La tombée lente et obstinée de la neige continuait, le froid semblait augmenter avec le jour blafard, on n’entendait qu’un lointain bruit de voix, dans la sourde épaisseur du grand linceul blanc qui couvrait la sauvage, honteuse de son abandon comme d’une faute, l’enfant se recula encore, lorsque, tout d’un coup, elle reconnut devant elle Hubertine, qui, n’ayant pas de bonne, était sortie chercher son pain.– Petite, que fais-tu là ? qui es-tu ?Et elle ne répondit point, elle se cachait le visage. Cependant elle ne sentait plus ses membres, son être s’évanouissait, comme si son cœur, devenu de glace, se fût arrêté. Quand la bonne dame eut tourné le dos, avec un geste de pitié discrète, elle s’affaissa sur les genoux, à bout de forces, glissa ainsi qu’une chiffe dans la neige, dont les flocons, silencieusement, l’ensevelirent. Et la dame, qui revenait avec son pain tout chaud, l’apercevant ainsi par terre, de nouveau s’approcha.– Voyons, petite, tu ne peux rester sous cette Hubert, qui était sorti à son tour, debout au seuil de la maison, la débarrassa du pain, en disant – Prends-la donc, apporte-la !Hubertine, sans ajouter rien, la prit dans ses bras solides. Et l’enfant ne se reculait plus, emportée comme une chose, les dents serrées, les yeux fermés, toute froide, d’une légèreté de petit oiseau tombé de son rentra, Hubert referma la porte, tandis qu’Hubertine, chargée de son fardeau, traversait la pièce sur la rue, qui servait de salon et où quelques pans de broderie étaient en montre, devant la grande fenêtre carrée. Puis, elle passa dans la cuisine, l’ancienne salle commune, conservée presque intacte, avec ses poutres apparentes, son dallage raccommodé en vingt endroits, sa vaste cheminée au manteau de pierre. Sur les planches, les ustensiles, pots, bouilloires, bassines, dataient d’un ou deux siècles, de vieilles faïences, de vieux grès, de vieux étains. Mais, occupant l’âtre de la cheminée, il y avait un fourneau moderne, un large fourneau de fonte, dont les garnitures de cuivre luisaient. Il était rouge, on entendait bouillir l’eau du coquemar. Une casserole, pleine de café au lait, se tenait chaude, à l’un des bouts.– Fichtre ! il fait meilleur ici que dehors, dit Hubert, en posant le pain sur une lourde table Louis XIII qui occupait le milieu de la pièce. Mets cette pauvre mignonne près du fourneau, elle va se Hubertine asseyait l’enfant ; et tous les deux la regardèrent revenir à elle. La neige de ses vêtements fondait, tombait en gouttes pesantes. Par les trous des gros souliers d’homme, on voyait ses petits pieds meurtris, tandis que la mince robe dessinait la rigidité de ses membres, ce pitoyable corps de misère et de douleur. Elle eut un long frisson, ouvrit des yeux éperdus, avec le sursaut d’un animal qui se réveille pris au piège. Son visage sembla se renfoncer sous la guenille nouée à son menton. Ils la crurent infirme du bras droit, tellement elle le serrait, immobile, sur sa poitrine.– Rassure-toi, nous ne voulons pas te faire du mal… D’où viens-tu ? qui es-tu ?À mesure qu’on lui parlait, elle s’effarait davantage, tournant la tête, comme si quelqu’un était derrière elle, pour la battre. Elle examina la cuisine d’un coup d’œil furtif, les dalles, les poutres, les ustensiles brillants ; puis, son regard, par les deux fenêtres irrégulières, laissées dans l’ancienne baie, alla au-dehors, fouilla le jardin jusqu’aux arbres de l’Évêché, dont les silhouettes blanches dominaient le mur du fond, parut s’étonner de retrouver là, à gauche, le long d’une allée, la cathédrale, avec les fenêtres romanes des chapelles de son abside. Et elle eut de nouveau un grand frisson, sous la chaleur du fourneau qui commençait à la pénétrer ; et elle ramena son regard par terre, ne bougeant plus.– Est-ce que tu es de Beaumont ?… Qui est ton père ?Devant son silence, Hubert s’imagina qu’elle avait peut-être la gorge trop serrée pour répondre.– Au lieu de la questionner, dit-il, nous ferions mieux de lui servir une bonne tasse de café au lait bien si raisonnable, que, tout de suite, Hubertine donna sa propre tasse. Pendant qu’elle lui coupait deux grosses tartines, l’enfant se défiait, reculait toujours ; mais le tourment de la faim fut le plus fort, elle mangea et but goulûment. Pour ne pas la gêner, le ménage se taisait, ému de voir sa petite main trembler, au point de manquer sa bouche. Et elle ne se servait que de sa main gauche, son bras droit demeurait obstinément collé à son corps. Quand elle eut fini, elle faillit casser la tasse, qu’elle rattrapa du coude, maladroite, avec un geste d’estropiée.– Tu es donc blessée au bras ? lui demanda Hubertine. N’aie pas peur, montre un peu, ma comme elle la touchait, l’enfant, violente, se leva, se débattit ; et, dans la lutte, elle écarta le bras. Un livret cartonné, qu’elle cachait sur sa peau même, glissa par une déchirure de son corsage. Elle voulut le reprendre, resta les deux poings tordus de colère, en voyant que ces inconnus l’ouvraient et le un livret d’élève, délivré par l’Administration des Enfants assistés du département de la Seine. À la première page, audessous d’un médaillon de saint Vincent de Paul, il y avait, imprimées, les formules nom de l’élève, et un simple trait à l’encre remplissait le blanc ; puis, aux prénoms, ceux d’Angélique, Marie ; aux dates, née le 22 janvier 1851, admise le 23 du même mois, sous le numéro matricule 1634. Ainsi, père et mère inconnus, aucun papier, pas même un extrait de naissance, rien que ce livret d’une froideur administrative, avec sa couverture de toile rose pâle. Personne au monde et un écrou, l’abandon numéroté et classé.– Oh ! une enfant trouvée ! s’écria alors, parla, dans une crise folle d’emportement.– Je vaux mieux que tous les autres, oui ! je suis meilleure, meilleure, meilleure… Jamais je n’ai rien volé aux autres, et ils me volent tout… Rendez-moi ce que vous m’avez tel orgueil impuissant, une telle passion d’être la plus forte soulevaient son corps de petite femme, que les Hubert en demeurèrent saisis. Ils ne reconnaissaient plus la gamine blonde, aux yeux couleur de violette, au long col d’une grâce de lis. Les yeux étaient devenus noirs dans la face méchante, le cou sensuel s’était gonflé d’un flot de sang. Maintenant qu’elle avait chaud, elle se dressait et sifflait, ainsi qu’une couleuvre ramassée sur la neige.– Tu es donc mauvaise ? dit doucement le brodeur. C’est pour ton bien, si nous voulons savoir qui tu par-dessus l’épaule de sa femme, il parcourait le livret, que feuilletait celle-ci. À la page 2, se trouvait le nom de la nourrice. L’enfant Angélique, Marie, a été confiée le 25 janvier 1851 à la nourrice Françoise, femme du sieur Hamelin, profession de cultivateur, demeurant commune de Soulanges, arrondissement de Nevers ; laquelle nourrice a reçu, au moment du départ, le premier mois de nourriture, plus un trousseau. » Suivait un certificat de baptême, signé par l’aumônier de l’hospice des Enfants assistés ; puis, des certificats de médecins, au départ et à l’arrivée de l’enfant. Les paiements des mois, tous les trimestres, emplissaient plus loin les colonnes de quatre pages, où revenait chaque fois la signature illisible du percepteur.– Comment, Nevers ! demanda Hubertine, c’est près de Nevers que tu as été élevée ?Angélique, rouge de ne pouvoir les empêcher de lire, était retombée dans son silence farouche. Mais la colère lui desserra les lèvres, elle parla de sa nourrice.– Ah ! bien sûr que maman Nini vous aurait battus. Elle me défendait, elle, quoique tout de même elle m’allongeât des claques… Ah ! bien sûr que je n’étais pas si malheureuse, là-bas, avec les bêtes…Sa voix s’étranglait, elle continuait, en phrases coupées, incohérentes, à parler des prés où elle conduisait la Rousse, du grand chemin où l’on jouait, des galettes qu’on faisait cuire, d’un gros chien qui l’avait l’interrompit, lisant tout haut – En cas de maladie grave ou de mauvais traitements, le sous-inspecteur est autorisé à changer les enfants de nourrice. »Au-dessous, il y avait que l’enfant Angélique, Marie, avait été confiée, le 20 juin 1860, à Thérèse, femme de Louis Franchomme, tous les deux fleuristes, demeurant à Paris.– Bon ! je comprends, dit Hubertine. Tu as été malade, on t’a ramenée à ce n’était pas encore ça, les Hubert ne surent toute l’histoire que lorsqu’ils l’eurent tirée d’Angélique, morceau à morceau. Louis Franchomme, qui était le cousin de maman Nini, avait dû retourner vivre un mois dans son village, afin de se remettre d’une fièvre ; et c’était alors que sa femme Thérèse, se prenant d’une grande tendresse pour l’enfant, avait obtenu de l’emmener à Paris, où elle s’engageait à lui apprendre l’état de fleuriste. Trois mois plus tard, son mari mourait, elle se trouvait obligée, très souffrante elle-même, de se retirer chez son frère, le tanneur Rabier, établi à Beaumont. Elle y était morte dans les premiers jours de décembre, en confiant à sa belle-sœur la petite, qui, depuis ce temps, injuriée, battue, souffrait le martyre.– Les Rabier, murmura Hubert, les Rabier, oui, oui ! des tanneurs, au bord du Ligneul, dans la ville basse… Le mari boit, la femme a une mauvaise conduite.– Ils me traitaient d’enfant de la borne, poursuivit Angélique révoltée, enragée de fierté souffrante. Ils disaient que le ruisseau était assez bon pour une bâtarde. Quand elle m’avait rouée de coups, la femme me mettait de la pâtée par terre, comme à son chat ; et encore je me couchais sans manger souvent… Ah ! je me serais tuée à la fin !Elle eut un geste de furieux désespoir.– Le matin de la Noël, hier, ils ont bu, ils se sont jetés sur moi, en menaçant de me faire sauter les yeux avec le pouce, histoire de rire. Et puis, ça n’a pas marché, ils ont fini par se battre, à si grands coups de poing, que je les ai crus morts, tombés tous les deux en travers de la chambre… Depuis longtemps, j’avais résolu de me sauver. Mais je voulais mon livre. Maman Nini me le montrait des fois, en disant Tu vois, c’est tout ce que tu possèdes, car, si tu n’avais pas ça, tu n’aurais rien. » Et je savais où ils le cachaient, depuis la mort de maman Thérèse, dans le tiroir du haut de la commode… Alors, je les ai enjambés, j’ai pris le livre, j’ai couru en le serrant sous mon bras, contre ma peau. Il était trop grand, je m’imaginais que tout le monde le voyait, qu’on allait me le voler. Oh ! j’ai couru, j’ai couru ! et, quand la nuit a été noire, j’ai eu froid sous cette porte, oh ! j’ai eu froid, à croire que je n’étais plus en vie. Mais ça ne fait rien, je ne l’ai pas lâché, le voilà !Et, d’un brusque élan, comme les Hubert le refermaient pour le lui rendre, elle le leur arracha. Puis, assise, elle s’abandonna sur la table, le tenant entre ses bras et sanglotant, la joue contre la couverture de toile rose. Une humilité affreuse abattait son orgueil, tout son être semblait se fondre, dans l’amertume de ces quelques pages aux coins usés, de cette pauvre chose, qui était son trésor, l’unique lien qui la rattachât à la vie du monde. Elle ne pouvait vider son cœur d’un si grand désespoir, ses larmes coulaient, coulaient sans fin ; et, sous cet écrasement, elle avait retrouvé sa jolie figure de gamine blonde, à l’ovale un peu allongé, très pur, ses yeux de violette que la tendresse pâlissait, l’élancement délicat de son col qui la faisait ressembler à une petite vierge de vitrail. Tout d’un coup, elle saisit la main d’Hubertine, elle y colla ses lèvres avides de caresses, elle la baisa Hubert en eurent l’âme retournée, bégayant, près de pleurer eux-mêmes.– Chère, chère enfant !Elle n’était donc pas encore tout à fait mauvaise ? Peut-être pourrait-on la corriger de cette violence qui les avait effrayés.– Oh ! je vous en prie, ne me reconduisez pas chez les autres, balbutia-t-elle, ne me reconduisez pas chez les autres !Le mari et la femme s’étaient regardés. Justement, depuis l’automne, ils faisaient le projet de prendre une apprentie à demeure, quelque fillette qui égaierait la maison, si attristée de leurs regrets d’époux stériles. Et ce fut décidé tout de suite.– Veux-tu ? demanda répondit sans hâte, de sa voix calme – Je veux ils s’occupèrent des formalités. Le brodeur alla conter l’aventure au juge de paix du canton nord de Beaumont, M. Grandsire, un cousin de sa femme, le seul parent qu’elle eût revu ; et celui-ci se chargea de tout, écrivit à l’Assistance publique, où Angélique fut aisément reconnue, grâce au numéro matricule, obtint qu’elle resterait comme apprentie chez les Hubert, qui avaient un grand renom d’honnêteté. Le sous-inspecteur de l’arrondissement, en venant régulariser le livret, passa avec le nouveau patron le contrat, par lequel ce dernier devait traiter l’enfant doucement, la tenir propre, lui faire fréquenter l’école et la paroisse, avoir un lit pour la coucher seule. De son côté, l’Administration s’engageait à lui payer les indemnités et délivrer les vêtures, conformément à la dix jours, ce fut fait. Angélique couchait en haut, près du grenier, dans la chambre du comble, sur le jardin ; et elle avait déjà reçu ses premières leçons de brodeuse. Le dimanche matin, avant de la conduire à la messe, Hubertine ouvrit devant elle le vieux bahut de l’atelier, où elle serrait l’or fin. Elle tenait le livret, elle le mit au fond d’un tiroir, en disant – Regarde où je le place, pour que tu puisses le prendre, si tu en as l’envie, et que tu te matin-là, en entrant à l’église, Angélique se trouva de nouveau sous la porte Sainte-Agnès. Un faux dégel s’était produit dans la semaine, puis le froid avait recommencé, si rude, que la neige des sculptures, à demi fondue, venait de se figer en une floraison de grappes et d’aiguilles. C’était maintenant toute une glace, des robes transparentes, aux dentelles de verre, qui habillaient les vierges. Dorothée tenait un flambeau dont la coulure limpide lui tombait des mains ; Cécile portait une couronne d’argent d’où ruisselaient des perles vives ; Agathe, sur sa gorge mordue par les tenailles, était cuirassée d’une armure de cristal. Et les scènes du tympan, les petites vierges des voussures semblaient être ainsi, depuis des siècles, derrière les vitres et les gemmes d’une châsse géante. Agnès, elle, laissait traîner un manteau de cour, filé de lumière, brodé d’étoiles. Son agneau avait une toison de diamants, sa palme était devenue couleur de ciel. Toute la porte resplendissait, dans la pureté du grand se souvint de la nuit qu’elle avait passée là, sous la protection des vierges. Elle leva la tête et leur est fait de deux villes complètement séparées et distinctes Beaumont-l’Église, sur la hauteur, avec sa vieille cathédrale du douzième siècle, son évêché qui date seulement du dix-septième, ses mille âmes à peine, serrées, étouffées au fond de ses rues étroites ; et Beaumont-la-Ville, en bas du coteau, sur le bord du Ligneul, un ancien faubourg que la prospérité de ses fabriques de dentelles et de batistes a enrichi, élargi, au point qu’il compte près de dix mille habitants, des places spacieuses, une jolie sous-préfecture, de goût moderne. Les deux cantons, le canton nord et le canton sud, n’ont guère ainsi, entre eux, que des rapports administratifs. Bien qu’à une trentaine de lieues de Paris, où l’on va en deux heures, Beaumont-l’Église semble muré encore dans ses anciens remparts, dont il ne reste pourtant que trois portes. Une population stationnaire, spéciale, y vit de l’existence que les aïeux y ont menée de père en fils, depuis cinq cents cathédrale explique tout, a tout enfanté et conserve tout. Elle est la mère, la reine, énorme au milieu du petit tas des maisons basses, pareilles à une couvée abritée frileusement sous ses ailes de pierre. On n’y habite que pour elle et par elle ; les industries ne travaillent, les boutiques ne vendent que pour la nourrir, la vêtir, l’entretenir, elle et son clergé ; et, si l’on rencontre quelques bourgeois, c’est qu’ils y sont les derniers fidèles des foules disparues. Elle bat au centre, chaque rue est une de ses veines, la ville n’a d’autre souffle que le sien. De là, cette âme d’un autre âge, cet engourdissement religieux dans le passé, cette cité cloîtrée qui l’entoure, odorante d’un vieux parfum de paix et de de toute la cité mystique, la maison des Hubert, où désormais Angélique allait vivre, était la plus voisine de la cathédrale, celle qui tenait à sa chair même. L’autorisation de bâtir là, entre deux contreforts, avait dû être accordée par quelque curé de jadis, désireux de s’attacher l’ancêtre de cette lignée de brodeurs, comme maître chasublier, fournisseur de la sacristie. Du côté du midi, la masse colossale de l’église barrait l’étroit jardin d’abord le pourtour des chapelles latérales dont les fenêtres donnaient sur les plates-bandes, puis le corps élancé de la nef que les arcs-boutants épaulaient, puis le vaste comble couvert de feuilles de plomb. Jamais le soleil ne pénétrait au fond de ce jardin, les lierres et les buis seuls y poussaient vigoureusement ; et l’ombre éternelle y était pourtant très douce, tombée de la croupe géante de l’abside, une ombre religieuse, sépulcrale et pure, qui sentait bon. Dans le demi-jour verdâtre, d’une calme fraîcheur, les deux tours ne laissaient descendre que les sonneries de leurs cloches. Mais la maison entière en gardait le frisson, scellée à ces vieilles pierres, fondue en elles, vivant de leur sang. Elle tressaillait aux moindres cérémonies ; les grand-messes, le grondement des orgues, la voix des chantres, jusqu’au soupir oppressé des fidèles, bourdonnaient dans chacune de ses pièces, la berçaient d’un souffle sacré, venu de l’invisible ; et, à travers le mur attiédi, parfois même semblaient fumer des vapeurs d’ pendant cinq années, grandit là, comme dans un cloître, loin du monde. Elle ne sortait que le dimanche, pour aller entendre la messe de sept heures, Hubertine ayant obtenu de ne pas l’envoyer à l’école, où elle craignait les mauvaises fréquentations. Cette demeure antique et si resserrée, au jardin d’une paix morte, fut son univers. Elle occupait, sous le toit, une chambre passée à la chaux ; elle descendait, le matin, déjeuner à la cuisine ; elle remontait à l’atelier du premier étage, pour travailler ; et c’étaient, avec l’escalier de pierre tournant dans sa tourelle, les seuls coins où elle vécût, justement les coins vénérables, conservés d’âge en âge, car elle n’entrait jamais dans la chambre des Hubert, et ne faisait guère que traverser le salon du bas, les deux pièces rajeunies au goût de l’époque. Dans le salon, on avait plâtré les solives ; une corniche à palmettes, accompagnée d’une rosace centrale, ornait le plafond ; le papier à grandes fleurs jaunes datait du premier empire, de même que la cheminée de marbre blanc et que le meuble d’acajou, un guéridon, un canapé, quatre fauteuils, recouverts de velours d’Utrecht. Les rares fois qu’elle y venait renouveler l’étalage, quelques bandes de broderies pendues devant la fenêtre, si elle jetait un coup d’œil dehors, elle voyait la même échappée immuable, la rue butant contre la porte Sainte-Agnès une dévote poussait le vantail qui se refermait sans bruit, les boutiques de l’orfèvre et du cirier, en face, alignant leurs saints ciboires et leurs gros cierges, semblaient toujours vides. Et la paix claustrale de tout Beaumont-l’Église, de la rue Magloire, derrière l’Évêché, de la Grand-Rue où aboutit la rue des Orfèvres, de la place du Cloître où se dressent les deux tours, se sentait dans l’air assoupi, tombait lentement avec le jour pâle sur le pavé s’était chargée de compléter l’instruction d’Angélique. D’ailleurs, elle pratiquait cette opinion ancienne qu’une femme en sait assez long, quand elle met l’orthographe et qu’elle connaît les quatre règles. Mais elle eut à lutter contre le mauvais vouloir de l’enfant, qui se dissipait à regarder par les fenêtres, quoique la récréation fût médiocre, celles-ci ouvrant sur le jardin. Angélique ne se passionna guère que pour la lecture ; malgré les dictées, tirées d’un choix classique, elle n’arriva jamais à orthographier correctement une page ; et elle avait pourtant une jolie écriture, élancée et ferme, une de ces écritures irrégulières des grandes dames d’autrefois. Pour le reste, la géographie, l’histoire, le calcul, son ignorance demeura complète. À quoi bon la science ? C’était bien inutile. Plus tard, au moment de la première communion, elle apprit le mot à mot de son catéchisme, dans une telle ardeur de foi, qu’elle émerveilla le monde par la sûreté de sa première année, malgré leur douceur, les Hubert avaient désespéré souvent. Angélique, qui promettait d’être une brodeuse très adroite, les déconcertait par des sautes brusques, d’inexplicables paresses, après des journées d’application exemplaire. Elle devenait tout d’un coup molle, sournoise, volant le sucre, les yeux battus dans son visage rouge ; et, si on la grondait, elle éclatait en mauvaises réponses. Certains jours, quand ils voulaient la dompter, elle en arrivait à des crises de folie orgueilleuse, raidie, tapant des pieds et des mains, prête à déchirer et à mordre. Une peur, alors, les faisait reculer devant ce petit monstre, ils s’épouvantaient du diable qui s’agitait en elle. Qui était-elle donc ? d’où venait-elle ? Ces enfants trouvés, presque toujours, viennent du vice et du crime. À deux reprises, ils avaient résolu de s’en débarrasser, de la rendre à l’Administration, désolés, regrettant de l’avoir recueillie. Mais, chaque fois, ces affreuses scènes, dont la maison restait frémissante, se terminaient par le même déluge de larmes, la même exaltation de repentir, qui jetait l’enfant sur le carreau, dans une telle soif du châtiment, qu’il fallait bien lui à peu, Hubertine prit sur elle de l’autorité. Elle était faite pour cette éducation, avec la bonhomie de son âme, son grand air fort et doux, sa raison droite, d’un parfait équilibre. Elle lui enseignait le renoncement et l’obéissance, qu’elle opposait à la passion et à l’orgueil. Obéir, c’était vivre. Il fallait obéir à Dieu, aux parents, aux supérieurs, toute une hiérarchie de respect, en dehors de laquelle l’existence déréglée se gâtait. Aussi, à chaque révolte, pour lui apprendre l’humilité, lui imposait-elle, comme pénitence, quelque basse besogne, essuyer la vaisselle, laver la cuisine ; et elle demeurait là jusqu’au bout, la tenant courbée sur les dalles, enragée d’abord, vaincue enfin. La passion surtout l’inquiétait, chez cette enfant, l’élan et la violence de ses caresses. Plusieurs fois, elle l’avait surprise à se baiser les mains. Elle la vit s’enfiévrer pour des images, des petites gravures de sainteté, des Jésus qu’elle collectionnait ; puis, un soir, elle la trouva en pleurs, évanouie, la tête tombée sur la table, la bouche collée aux images. Ce fut encore une terrible scène, lorsqu’elle les confisqua, des cris, des larmes, comme si on lui arrachait la peau. Et, dès lors, elle la tint sévèrement, ne toléra plus ses abandons, l’accablant de travail, faisant le silence et le froid autour d’elle, dès qu’elle la sentait s’énerver, les yeux fous, les joues Hubertine s’était découvert un aide dans le livret de l’Assistance publique. Chaque trimestre, lorsque le percepteur le signait, Angélique en demeurait assombrie jusqu’au soir. Un élancement la poignait au cœur, si, par hasard, en prenant une bobine d’or dans le bahut, elle l’apercevait. Et, un jour de méchanceté furieuse, comme rien n’avait pu la vaincre et qu’elle bouleversait tout au fond du tiroir, elle était restée brusquement anéantie, devant le petit livre. Des sanglots l’étouffaient, elle s’était jetée aux pieds des Hubert, en s’humiliant, en bégayant qu’ils avaient bien eu tort de la ramasser et qu’elle ne méritait pas de manger leur pain. Depuis ce jour, l’idée du livret, souvent, la retenait dans ses fut ainsi qu’Angélique atteignit ses douze ans, l’âge de la première communion. Le milieu si calme, cette petite maison endormie à l’ombre de la cathédrale, embaumée d’encens, frissonnante de cantiques, favorisait l’amélioration lente de ce rejet sauvage, arraché on ne savait d’où, replanté dans le sol mystique de l’étroit jardin ; et il y avait aussi la vie régulière qu’on menait là, le travail quotidien, l’ignorance où l’on y était du monde, sans que même un écho du quartier somnolent y pénétrât. Mais surtout la douceur venait du grand amour des Hubert, qui semblait comme élargi par un incurable remords. Lui, passait les jours à tâcher d’effacer de sa mémoire, à elle, l’injure qu’il lui avait faite, en l’épousant malgré sa mère. Il avait bien senti, à la mort de leur enfant, qu’elle l’accusait de cette punition, et il s’efforçait d’être pardonné. Depuis longtemps, c’était fait, elle l’adorait. Il en doutait parfois, ce doute désolait sa vie. Pour être certain que la morte, la mère obstinée, s’était laissé fléchir sous la terre, il aurait voulu un enfant encore. Leur désir unique était cet enfant du pardon, il vivait aux pieds de sa femme, dans un culte, une de ces passions conjugales, ardentes et chastes comme de continuelles fiançailles. Si, devant l’apprentie, il ne la baisait pas même sur les cheveux, il n’entrait dans leur chambre, après vingt années de ménage, que troublé d’une émotion de jeune mari, au soir des noces. Elle était discrète, cette chambre, avec sa peinture blanche et grise, son papier à bouquets bleus, son meuble de noyer, recouvert de cretonne. Jamais il n’en sortait un bruit, mais elle sentait bon la tendresse, elle attiédissait la maison entière. Et c’était pour Angélique un bain d’affection, où elle grandissait très passionnée et très livre acheva l’œuvre. Comme elle furetait un matin, fouillant sur une planche de l’atelier, couverte de poussière, elle découvrit, parmi des outils de brodeur hors d’usage, un exemplaire très ancien de la Légende dorée, de Jacques de Voragine. Cette traduction française, datée de 1549, avait dû être achetée jadis par quelque maître chasublier, pour les images, pleines de renseignements utiles sur les saints. Longtemps elle-même ne s’intéressa guère qu’à ces images, ces vieux bois d’une foi naïve, qui la ravissaient. Dès qu’on lui permettait de jouer, elle prenait l’inquarto, relié en veau jaune, elle le feuilletait lentement d’abord, le faux titre, rouge et noir, avec l’adresse du libraire, à Paris, en la rue Neufve Nostre-Dame, à l’enseigne Saint Jehan Baptiste » ; puis, le titre, flanqué des médaillons des quatre évangélistes, encadré en bas par l’adoration des trois Mages, en haut par le triomphe de Jésus-Christ foulant des ossements. Et ensuite les images se succédaient, lettres ornées, grandes et moyennes gravures dans le texte, au courant des pages l’Annonciation, un Ange immense inondant de rayons une Marie toute frêle ; le Massacre des Innocents, le cruel Hérode au milieu d’un entassement de petits cadavres ; la Crèche, Jésus entre la Vierge et saint Joseph, qui tient un cierge ; saint Jean l’Aumônier donnant aux pauvres ; saint Mathias brisant une idole ; saint Nicolas, en évêque, ayant à sa droite des enfants dans un baquet ; et toutes les saintes, Agnès, le col troué d’un glaive, Christine, les mamelles arrachées avec des tenailles, Geneviève, suivie de ses agneaux, Julienne flagellée, Anastasie brûlée, Marie l’Égyptienne faisant pénitence au désert, Madeleine portant le vase de parfum. D’autres, d’autres encore défilaient, une terreur et une piété grandissaient à chacune d’elles, c’était comme une de ces histoires terribles et douces, qui serrent le cœur et mouillent les yeux de Angélique, peu à peu, fut curieuse de savoir au juste ce que représentaient les gravures. Les deux colonnes serrées du texte, dont l’impression était restée très noire sur le papier jauni, l’effrayaient, par l’aspect barbare des caractères gothiques. Pourtant, elle s’y accoutuma, déchiffra ces caractères, comprit les abréviations et les contractions, sut deviner les tournures et les mots vieillis ; et elle finit par lire couramment, enchantée comme si elle pénétrait un mystère, triomphante à chaque nouvelle difficulté vaincue. Sous ces laborieuses ténèbres, tout un monde rayonnant se révélait. Elle entrait dans une splendeur céleste. Ses quelques livres classiques, si secs et si froids, n’existaient plus. Seule, la Légende la passionnait, la tenait penchée, le front entre les mains, prise toute, au point de ne plus vivre de la vie quotidienne, sans conscience du temps, regardant monter, du fond de l’inconnu, le grand épanouissement du rêve. LaRaison Du Plus. La raison du plus fort est-elle toujours la meilleure ? _____ Analyse des termes du sujet Dans l'affirmation proverbiale "la raison du plus fort est toujours la meilleure", le mot raison aurait pu se mettre au pluriel : les raisons.Ce sont les arguments, les justifications invoquées pour se donner raison, c'est-à-dire se donner l'avantage moral sur

Table des matières Quelles sont les Rougon-macquart ? Qu'est-ce que le projet des Rougon-macquart ? Quel personnage de Germinal est issu de la famille des Rougon-macquart ? Pourquoi lire les Rougon-macquart ? Quel livre de Zola lire en premier ? Quel est le grand projet romanesque de Zola ? Qui mène la grève dans Germinal de Zola ? Quel cadre Spatio-temporel Zola Choisit-il pour son œuvre ? Quel cycle romanesque Zola A-t-il ecrit ? Quel est le but d Emile Zola ? Quelles sont les Rougon-macquart ? Le titre générique Les Rougon-Macquart regroupe un ensemble de 20 romans écrits par Émile Zola entre 18. Qu'est-ce que le projet des Rougon-macquart ? Les Rougon-Macquart, ou Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second Empire comptent vingt romans qui s'échelonnent de La Fortune des Rougon 1871 au Docteur Pascal 1893. Le projet remonte à 1868, alors qu'Émile Zola est plongé dans l'œuvre de Taine et La Comédie humaine de Balzac. Quel personnage de Germinal est issu de la famille des Rougon-macquart ? Étienne Lantier est un personnage de fiction créé par l'écrivain Émile Zola. C'est l'un des protagonistes du roman Germinal dans la série des Rougon-Macquart, qui se bat pour l'amélioration des conditions de vie des mineurs de charbon dans le Nord de la France. Pourquoi lire les Rougon-macquart ? Il porte comme sous-titre Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire, rappelant ainsi les ambitions de Zola Les Rougon-Macquart personnifieront l'époque, l'Empire lui-même. » Inspiré de La Comédie humaine de Balzac, l'ouvrage a notamment pour but d'étudier l'influence du milieu sur l'Homme et ... Quel livre de Zola lire en premier ? Si vous n'avez qu'un roman d'Émile Zola à lire, je vous suggère sans hésitation L'Assommoir, qui est selon moi un grand chef-d'œuvre. Quel est le grand projet romanesque de Zola ? En 1868, Zola s'engage dans un grand projet raconter "l'histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second Empire", et son "épanouissement dans le monde moderne, dans toutes les classes". Qui mène la grève dans Germinal de Zola ? Il rencontre aussi un des dirigeants de la grève Émile Basly, âgé d'une trentaine d'années, ancien mineur devenu cabaretier en face du coron Jean-Bart, avec pour enseigne Au xix e siècle, et qui vient d'être élu secrétaire général de la chambre syndicale des mineurs du Nord un homme qui a traversé les deux ... Quel cadre Spatio-temporel Zola Choisit-il pour son œuvre ? Dans ce chapitre 1, Zola établit de manière très claire le cadre spatio-temporel de son roman. Le récit se déroule à Paris. En témoigne la toponymie riche qui jalonne le récit gare Saint-Lazare » place Gaillon » ; à l'encoignure de la rue de la Michodière et de la rue Neuve-Saint-Augustin ». Quel cycle romanesque Zola A-t-il ecrit ? Les Rougon-Macquart Les Rougon-Macquart, ou Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second Empire compte 20 romans qui s'échelonnent de La Fortune des Rougon 1871 au Docteur Pascal 1893. Quel est le but d Emile Zola ? Le but du romancier est donc d'être objectif autant que possible, de rester neutre dans la représentation de la société et des individus qui la composent, afin de les montrer tels qu'ils sont.

Résuméde La Fortune des Rougon RÉSUMÉ PAR ZOLA « Ce roman sert d’introduction à toute l’œuvre. Il montre certains membres de la famille dont je veux écrire l’histoire, au début de leur carrière, fondant leur fortune sur le coup d’État, comptant sur l’Empire qu’ils prévoient pour contenter leurs appétits.

SommaireLivre premierChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VIChapitre VIIChapitre VIIIChapitre IXChapitre XChapitre XIChapitre XIIChapitre XIIIChapitre XIVChapitre XVChapitre XVIChapitre XVIILivre deuxièmeChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VIChapitre VIIChapitre VIIIChapitre IXChapitre XChapitre XIChapitre XIIChapitre XIIIChapitre XIVChapitre XVChapitre XVIChapitre XVIILivre troisièmeChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VIChapitre VIIChapitre VIIIChapitre IXChapitre XChapitre XIChapitre XIIChapitre XIIIChapitre XIVChapitre XVChapitre XVILivre premierILa Teuse, en entrant, posa son balai et son plumeau contre l’autel. Elle s’était attardée à mettre en train la lessive du semestre. Elle traversa l’église, pour sonner l’Angélus, boitant davantage dans sa hâte, bousculant les bancs. La corde, près du confessionnal, tombait du plafond, nue, râpée, terminée par un gros nœud, que les mains avaient graissé ; et elle s’y pendit de toute sa masse, à coups réguliers, puis s’y abandonna, roulant dans ses jupes, le bonnet de travers, le sang crevant sa face avoir ramené son bonnet d’une légère tape, essoufflée, la Teuse revint donner un coup de balai devant l’autel. La poussière s’obstinait là, chaque jour, entre les planches mal jointes de l’estrade. Le balai fouillait les coins avec un grondement irrité. Elle enleva ensuite le tapis de la table, et se fâcha, en constatant que la grande nappe supérieure, déjà reprisée en vingt endroits, avait un nouveau trou d’usure au beau milieu ; on apercevait la seconde nappe, pliée en deux, si émincée, si claire elle-même, qu’elle laissait voir la pierre consacrée, encadrée dans l’autel de bois peint. Elle épousseta ces linges roussis par l’usage, promena vigoureusement le plumeau le long du gradin, contre lequel elle releva les cartons liturgiques. Puis, montant sur une chaise, elle débarrassa la croix et deux des chandeliers de leurs housses de cotonnade jaune. Le cuivre était piqué de taches ternes.– Ah bien ! murmura la Teuse à demi-voix, ils ont joliment besoin d’un nettoyage ! Je les passerai au courant sur une jambe, avec des déhanchements et des secousses à enfoncer les dalles, elle alla à la sacristie chercher le Missel, qu’elle plaça sur le pupitre, du côté de l’Épître, sans l’ouvrir, la tranche tournée vers le milieu de l’autel. Et elle alluma les deux cierges. En emportant son balai, elle jeta un coup d’œil autour d’elle, pour s’assurer que le ménage du bon Dieu était bien fait. L’église dormait ; la corde seule, près du confessionnal, se balançait encore, de la voûte au pavé, d’un mouvement long et Mouret venait de descendre à la sacristie, une petite pièce froide, qui n’était séparée de la salle à manger que par un corridor.– Bonjour, monsieur le curé, dit la Teuse en se débarrassant. Ah ! vous avez fait le paresseux, ce matin ! Savez-vous qu’il est six heures un sans donner au jeune prêtre qui souriait le temps de répondre – J’ai à vous gronder, continua-t-elle. La nappe est encore trouée. Ça n’a pas de bon sens ! Nous n’en avons qu’une de rechange, et je me tue les yeux depuis trois jours à la raccommoder… Vous laisserez le pauvre Jésus tout nu, si vous y allez de ce Mouret souriait toujours. Il dit gaiement – Jésus n’a pas besoin de tant de linge, ma bonne Teuse. Il a toujours chaud, il est toujours royalement reçu, quand on l’aime se dirigeant vers une petite fontaine, il demanda – Est-ce que ma sœur est levée ? Je ne l’ai pas vue.– Il y a beau temps que mademoiselle Désirée est descendue, répondit la servante, agenouillée devant un ancien buffet de cuisine, dans lequel étaient serrés les vêtements sacrés. Elle est déjà à ses poules et à ses lapins… Elle attendait hier des poussins qui ne sont pas venus. Vous pensez quelle émotion !Elle s’interrompit, disant – La chasuble d’or, n’est-ce pas ?Le prêtre, qui s’était lavé les mains, recueilli, les lèvres balbutiant une prière, fit un signe de tête affirmatif. La paroisse n’avait que trois chasubles, une violette, une noire et une d’étoffe d’or. Cette dernière, servant les jours où le blanc, le rouge ou le vert étaient prescrits, prenait une importance extraordinaire. La Teuse la souleva religieusement de la planche garnie de papier bleu, où elle la couchait après chaque cérémonie ; elle la posa sur le buffet, enlevant avec précaution les linges fins qui en garantissaient les broderies. Un agneau d’or y dormait sur une croix d’or, entouré de larges rayons d’or. Le tissu, limé aux plis, laissait échapper de minces houpettes ; les ornements en relief se rongeaient et s’effaçaient. C’était, dans la maison, une continuelle inquiétude autour d’elle, une tendresse terrifiée, à la voir s’en aller ainsi paillette à paillette. Le curé devait la mettre presque tous les jours. Et comment la remplacer, comment acheter les trois chasubles dont elle tenait lier, lorsque les derniers fils d’or seraient usés !La Teuse, par-dessus la chasuble, étala l’étole, le manipule, le cordon, l’aube et l’amict. Mais elle continuait à bavarder, tout en s’appliquant à mettre le manipule en croix sur l’étole, et à disposer le cordon en guirlande, de façon à tracer l’initiale révérée du saint nom de Marie.– Il ne vaut plus grand-chose, ce cordon, murmurait-elle. Il faudra vous décider à en acheter un autre, monsieur le curé… Ce n’est pas l’embarras, je vous en tisserais bien un moi-même, si j’avais du Mouret ne répondait pas. Il préparait le calice sur une petite table, un grand vieux calice d’argent doré, à pied de bronze, qu’il venait de prendre au fond d’une armoire de bois blanc, où étaient enfermés les vases et les linges sacrés, les Saintes Huiles, les Missels, les chandeliers, les croix. Il posa en travers de la coupe un purificatoire propre, mit par-dessus ce linge la patène d’argent doré, contenant une hostie, qu’il recouvrit d’une petite pale de lin. Comme il cachait le calice, en pinçant les deux plis du voile d’étoffe d’or, appareillé à la chasuble, la Teuse s’écria – Attendez, il n’y a pas de corporal dans la bourse… J’ai pris hier soir tous les purificatoires, les pales et les corporaux sales pour les blanchir, à part bien sûr, pas dans la lessive… Je ne vous ai pas dit, monsieur le curé je viens de la mettre en train, la lessive. Elle est joliment grasse ! Elle sera meilleure que la dernière pendant que le prêtre glissait un corporal dans la bourse, et qu’il posait sur le voile la bourse, ornée d’une croix d’or sur un fond d’or, elle reprit vivement – À propos, j’oubliais ! ce galopin de Vincent n’est pas venu. Voulez-vous que je serve la messe, monsieur le curé ?Le jeune prêtre la regarda sévèrement.– Eh ! ce n’est pas un péché, continua-t-elle avec son bon sourire. Je l’ai servie une fois, la messe, du temps de monsieur Caffin. Je la sers mieux que des polissons qui rient comme des païens pour une mouche volant dans l’église… Allez, j’ai beau porter un bonnet, avoir soixante ans, être grosse comme une tour, je respecte plus le bon Dieu que ces vermines d’enfant, que j’ai surpris encore, l’autre jour, jouant à saute-mouton derrière l’ prêtre continuait à la regarder, refusant de la tête.– Un trou, ce village, gronda-t-elle. Ils ne sont pas cent cinquante… Il y a des jours, comme aujourd’hui, où vous ne trouveriez pas âme qui vive aux Artaud. Jusqu’aux enfants au maillot qui vont dans les vignes ! Si je sais ce qu’on fait dans les vignes, par exemple ! Des vignes qui poussent sous les cailloux, sèches comme des chardons ! Et un pays de loups, à une lieue de toute route !… À moins qu’un ange ne descende la servir, votre messe, monsieur le curé, vous n’avez que moi, ma parole ! ou un des lapins de mademoiselle Désirée, sauf votre respect !Mais, juste à ce moment, Vincent, le cadet des Brichet, poussa doucement la porte de la sacristie. Ses cheveux rouges en broussaille, ses minces yeux gris qui luisaient, fâchèrent la Teuse.– Ah ! le mécréant ! cria-t-elle, je parie qu’il vient de faire quelque mauvais coup !… Avance donc, polisson, puisque monsieur le curé a peur que je salisse le bon Dieu !En voyant l’enfant, l’abbé Mouret avait pris l’amict. Il baisa la croix brodée au milieu, posa le linge un instant sur sa tête ; puis, le rabattant sur le collet de sa soutane, il croisa et attacha les cordons, le droit par-dessus le gauche. Il passa ensuite l’aube, symbole de pureté, en commençant par le bras droit. Vincent, qui s’était accroupi, tournait autour de lui, ajustant l’aube, veillant à ce qu’elle tombât également de tous les côtés, à deux doigts de terre. Ensuite, il présenta le cordon au prêtre, qui s’en ceignit fortement les reins, pour rappeler ainsi les liens dont le Sauveur fut chargé dans sa Teuse restait debout, jalouse, blessée, faisant effort pour se taire ; mais la langue lui démangeait tellement, qu’elle reprit bientôt – Frère Archangias est venu… Il n’aura pas un enfant, à l’école, aujourd’hui. Il est parti comme un coup de vent, pour aller tirer les oreilles à cette marmaille, dans les vignes… Vous ferez bien de le voir. Je crois qu’il a quelque chose à vous Mouret lui imposa silence de la main. Il n’avait plus ouvert les lèvres. Il récitait les prières consacrées, en prenant le manipule, qu’il baisa, avant de le mettre à son bras gauche, au-dessous du coude, comme un signe indiquant le travail des bonnes œuvres, et en croisant sur sa poitrine, après l’avoir également baisée, l’étole, symbole de sa dignité et de sa puissance. La Teuse dut aider Vincent à fixer la chasuble, qu’elle attacha à l’aide de minces cordons, de façon à ce qu’elle ne retombât pas en arrière.– Sainte Vierge ! j’ai oublié les burettes ! balbutia-t-elle, se précipitant vers l’armoire. Allons, vite, galopin !Vincent emplit les burettes, des fioles de verre grossier, tandis qu’elle se hâtait de prendre un manuterge propre, dans un tiroir. L’abbé Mouret, tenant le calice de la main gauche par le nœud, les doigts de la main droite posés sur la bourse, salua profondément, sans ôter sa barrette, un Christ de bois noir pendu au-dessus du buffet. L’enfant s’inclina également ; puis, passant le premier, tenant les burettes, recouvertes du manuterge, il quitta la sacristie, suivi du prêtre qui marchait les yeux baissés, dans une dévotion vide, était toute blanche, par cette matinée de mai. La corde, près du confessionnal, pendait de nouveau, immobile. La veilleuse, dans un verre de couleur, brûlait, pareille à une tache rouge, à droite du tabernacle, contre le mur. Vincent, après avoir porté les burettes sur la crédence, revint s’agenouiller à gauche, au bas du degré, tandis que le prêtre, ayant salué le Saint-Sacrement d’une génuflexion sur le pavé, montait à l’autel, étalait le corporal, au milieu duquel il plaçait le calice. Puis, ouvrant le Missel, il redescendit. Une nouvelle génuflexion le plia ; il se signa à voix haute, joignit les mains devant la poitrine, commença le grand drame divin, d’une face toute pâle de foi et d’amour.– Introibo ad altare Dei.– Ad Deum qui lœtificat juventutem meam, bredouilla Vincent, qui mangea les réponds de l’antienne et du psaume, le derrière sur les talons, occupé à suivre la Teuse rôdant dans l’ vieille servante regardait un des cierges d’un air inquiet. Sa préoccupation parut redoubler, pendant que le prêtre, incliné profondément, les mains jointes de nouveau, récitait le Confiteor. Elle s’arrêta, se frappant à son tour la poitrine, la tête penchée, continuant à guetter le cierge. La voix grave du prêtre et les balbutiements du servant alternèrent encore pendant un instant.– Dominus vobiscum.– Et cum spiritu le prêtre, élargissant les mains, puis les rejoignant, dit avec une componction attendrie – Oremus…La Teuse ne put tenir davantage. Elle passa derrière l’autel, atteignit le cierge, qu’elle nettoya, du bout de ses ciseaux. Le cierge coulait. Il y avait déjà deux grandes larmes de cire perdues. Quand elle revint, rangeant les bancs, s’assurant que les bénitiers n’étaient pas vides, le prêtre, monté à l’autel, les mains posées au bord de la nappe, priait à voix basse. Il baisa l’ lui, la petite église restait blafarde des pâleurs de la matinée. Le soleil n’était encore qu’au ras des tuiles. Les Kyrie, eleison coururent comme un frisson dans cette sorte d’étable, passée à la chaux, au plafond plat, dont on voyait les poutres badigeonnées. De chaque côté, trois hautes fenêtres, à vitres claires, fêlées, crevées pour la plupart, ouvraient des jours d’une crudité crayeuse. Le plein air du dehors entrait là brutalement, mettant à nu toute la misère du Dieu de ce village perdu. Au fond, au-dessus de la grande porte, qu’on n’ouvrait jamais, et dont des herbes barraient le seuil, une tribune en planches, à laquelle on montait par une échelle de meunier, allait d’une muraille à l’autre, craquant sous les sabots les jours de fête. Près de l’échelle, le confessionnal, aux panneaux disjoints, était peint en jaune citron. En face, à côté de la petite porte, se trouvait le baptistère, un ancien bénitier, posé sur un pied en maçonnerie. Puis, à droite et à gauche, au milieu, étaient plaqués deux minces autels, entourés de balustrades de bois. Celui de gauche, consacré à la sainte Vierge, avait une grande Mère de Dieu en plâtre doré, portant royalement une couronne d’or fermée sur ses cheveux châtains ; elle tenait, assis sur son bras gauche, un Jésus, nu et souriant, dont la petite main soulevait le globe étoilé du monde ; elle marchait au milieu de nuages, avec des têtes d’anges ailées sous les pieds. L’autel de droite, où se disaient les messes de mort, était surmonté d’un Christ en carton peint, faisant pendant à la Vierge ; le Christ, de la grandeur d’un enfant de dix ans, agonisait d’une effrayante façon, la tête rejetée en arrière, les côtes saillantes, le ventre creusé, les membres tordus, éclaboussés de sang. Il y avait encore la chaire, une caisse carrée, où l’on montait par un escabeau de cinq degrés, qui s’élevait vis-à-vis d’une horloge à poids, enfermée dans une armoire de noyer, et dont les coups sourds ébranlaient l’église entière, pareils aux battements d’un cœur énorme, caché quelque part, sous les dalles. Tout le long de la nef, les quatorze stations du chemin de la Croix, quatorze images grossièrement enluminées, encadrées de baguettes noires, tachaient du jaune, du bleu et du rouge de la Passion, la blancheur crue des murs.– Deo gratias, bégaya Vincent, à la fin de l’ mystère d’amour, l’immolation de la sainte victime se préparait. Le servant prit le Missel, qu’il porta à gauche, du côté de l’Évangile, en ayant soin de ne point toucher les feuillets du livre. Chaque fois qu’il passait devant le tabernacle, il faisait de biais une génuflexion qui lui déjetait la taille. Puis, revenu à droite, il se tint debout, les bras croisés, pendant la lecture de l’Évangile. Le prêtre, après avoir fait un signe de croix sur le Missel, s’était signé lui-même au front, pour dire qu’il ne rougirait jamais de la parole divine ; sur la bouche, pour montrer qu’il était toujours prêt à confesser sa foi ; sur son cœur, pour indiquer que son cœur appartenait à Dieu seul.– Dominus vobiscum, dit-il en se tournant, le regard noyé, en face des blancheurs froides de l’église.– Et cum spiritu tuo, répondit Vincent, qui s’était remis à avoir récité l’Offertoire, le prêtre découvrit le calice. Il tint un instant, à la hauteur de sa poitrine, la patène contenant l’hostie, qu’il offrit à Dieu, pour lui, pour les assistants, pour tous les fidèles vivants ou morts. Puis, l’ayant fait glisser au bord du corporal, sans la toucher des doigts, il prit le calice, qu’il essuya soigneusement avec le purificatoire. Vincent était allé chercher sur la crédence les burettes, qu’il présenta l’une après l’autre, la burette du vin d’abord, ensuite la burette de l’eau. Le prêtre offrit alors, pour le monde entier, le calice à demi plein, qu’il remit au milieu du corporal, où il le recouvrit de la pale. Et, ayant prié encore, il revint se faire verser de l’eau par minces filets sur les extrémités du pouce et de l’index de chaque main, afin de se purifier des moindres taches du péché. Quand il se fut essuyé au manuterge, la Teuse, qui attendait, vida le plateau des burettes dans un seau de zinc, au coin de l’autel.– Orate, fratres, reprit le prêtre à voix haute, tourné vers les bancs vides, les mains élargies et rejointes, dans un geste d’appel aux hommes de bonne se retournant devant l’autel, il continua, en baissant la voix. Vincent marmotta une longue phrase latine dans laquelle il se perdit. Ce fut alors que des flammes jaunes entrèrent par les fenêtres. Le soleil, à l’appel du prêtre, venait à la messe. Il éclaira de larges nappes dorées la muraille gauche, le confessionnal, l’autel de la Vierge, la grande horloge. Un craquement secoua le confessionnal ; la Mère de Dieu, dans une gloire, dans l’éblouissement de sa couronne et de son manteau d’or, sourit tendrement à l’enfant Jésus, de ses lèvres peintes ; l’horloge, réchauffée, battit l’heure, à coups plus vifs. Il sembla que le soleil peuplait les bancs des poussières qui dansaient dans ses rayons. La petite église, l’étable blanchie, fut comme pleine d’une foule tiède. Au-dehors, on entendait les petits bruits du réveil heureux de la campagne, les herbes qui soupiraient d’aise, les feuilles s’essuyant dans la chaleur, les oiseaux lissant leurs plumes, donnant un premier coup d’ailes. Même la campagne entrait avec le soleil à une des fenêtres, un gros sorbier se haussait, jetant des branches par les carreaux cassés, allongeant ses bourgeons, comme pour regarder à l’intérieur ; et, par les fentes de la grande porte, on voyait les herbes du perron, qui menaçaient d’envahir la nef. Seul, au milieu de cette vie montante, le grand Christ, resté dans l’ombre, mettait la mort, l’agonie de sa chair barbouillée d’ocre, éclaboussée de laque. Un moineau vint se poser au bord d’un trou ; il regarda, puis s’envola ; mais il reparut presque aussitôt, et, d’un vol silencieux, s’abattit entre les bancs, devant l’autel de la Vierge. Un second moineau le suivit. Bientôt, de toutes les branches du sorbier, des moineaux descendirent, se promenant tranquillement à petits sauts, sur les dalles.– Sanctus, Sanctus, Sanctus, Dominus, Deus, Sabaoth, dit le prêtre à demi-voix, les épaules légèrement donna les trois coups de clochette. Mais les moineaux, effrayés de ce tintement brusque, s’envolèrent avec un tel bruit d’ailes, que la Teuse, rentrée depuis un instant dans la sacristie, reparut, en grondant – Les gueux ! ils vont tout salir… Je parie que mademoiselle Désirée est encore venue leur mettre des mies de redoutable approchait. Le corps et le sang d’un Dieu allait descendre sur l’autel. Le prêtre baisait la nappe, joignait les mains, multipliait les signes de croix sur l’hostie et sur le calice. Les prières du canon ne tombaient plus de ses lèvres que dans une extase d’humilité et de reconnaissance. Ses attitudes, ses gestes, ses inflexions de voix, disaient le peu qu’il était, l’émotion qu’il éprouvait à être choisi pour une si grande tâche. Vincent vint s’agenouiller derrière lui ; il prit la chasuble de la main gauche, la soutint légèrement, apprêtant la clochette. Et lui, les coudes appuyés au bord de la table, tenant l’hostie entre le pouce et l’index de chaque main, prononça sur elle les paroles de la consécration Hoc est enim corpus meum. Puis, ayant fait une génuflexion, il l’éleva lentement, aussi haut qu’il put, en la suivant des yeux, pendant que le servant sonnait, à trois fois, prosterné. Il consacra ensuite le vin Hic est enim calix, les coudes de nouveau sur l’autel, saluant, élevant le calice, le suivant à son tour des yeux, la main droite serrant le nœud, la gauche soutenant le pied. Le servant donna trois derniers coups de clochette. Le grand mystère de la Rédemption venait d’être renouvelé, le Sang adorable coulait une fois de plus.– Attendez, attendez, gronda la Teuse, en tâchant d’effrayer les moineaux, le poing les moineaux n’avaient plus peur. Ils étaient revenus, au beau milieu des coups de clochette, effrontés, voletant sur les bancs. Les tintements répétés les avaient même mis en joie. Ils répondirent par de petits cris, qui coupaient les paroles latines d’un rire perlé de gamins libres. Le soleil leur chauffait les plumes, la pauvreté douce de l’église les enchantait. Ils étaient là chez eux, comme dans une grange, dont on aurait laissé une lucarne ouverte, piaillant, se battant, se disputant les mies rencontrées à terre. Un d’eux alla se poser sur le voile d’or de la Vierge qui souriait ; un autre vint, lestement, reconnaître les jupes de la Teuse, que cette audace mit hors d’elle. À l’autel, le prêtre anéanti, les yeux arrêtés sur la sainte hostie, le pouce et l’index joints, n’entendait point cet envahissement de la nef par la tiède matinée de mai, ce flot montant de soleil, de verdures, d’oiseaux, qui débordait jusqu’au pied du Calvaire où la nature damnée agonisait.– Per omnia sœcula sœculorum, dit-il.– Amen, répondit Pater achevé, le prêtre, mettant l’hostie au-dessus du calice, la rompit au milieu. Il détacha ensuite, d’une des moitiés, une particule qu’il laissa tomber dans le précieux Sang, pour marquer l’union intime qu’il allait contracter avec Dieu par la communion. Il dit à haute voix l’Agnus Dei, récita tout bas les trois Oraisons prescrites, fit son acte d’indignité ; et, les coudes sur l’autel, la patène sous le menton, il communia des deux parties de l’hostie à la fois. Puis, après avoir joint les mains à la hauteur de son visage, dans une fervente méditation, il recueillit sur le corporal, à l’aide de la patène, les saintes parcelles détachées de l’hostie, qu’il mit dans le calice. Une parcelle s’étant également attachée à son pouce, il le frotta du bout de son index. Et, se signant avec le calice, portant de nouveau la patène sous son menton, il prit tout le précieux Sang, en trois fois, sans quitter des lèvres le bord de la coupe, consommant jusqu’à la dernière goutte le divin s’était levé pour retourner chercher les burettes sur la crédence. Mais la porte du couloir qui conduisait au presbytère, s’ouvrit toute grande, se rabattit contre le mur, livrant passage à une belle fille de vingt-deux ans, l’air enfant, qui cachait quelque chose dans son tablier.– Il y en a treize ! cria-t-elle. Tous les œufs étaient bons !Et entrouvrant son tablier, montrant une couvée de poussins qui grouillaient, avec leurs plumes naissantes et les points noirs de leurs yeux – Regardez donc ! sont-ils mignons, les amours !… Oh ! le petit blanc qui monte sur le dos des autres ! Et celui-là, le moucheté, qui bat déjà des ailes !… Les œufs étaient joliment bons. Pas un de clair !La Teuse, qui aidait à la messe quand même, passant les burettes à Vincent pour les ablutions, se tourna, dit à haute voix – Taisez-vous donc, mademoiselle Désirée ! Vous voyez bien que nous n’avons pas odeur forte de basse-cour venait par la porte ouverte, soufflant comme un ferment d’éclosion dans l’église, dans le soleil chaud qui gagnait l’autel. Désirée resta un instant debout, toute heureuse du petit monde qu’elle portait, regardant Vincent verser le vin de la purification, regardant son frère boire ce vin, pour que rien des saintes espèces ne restât dans sa bouche. Et elle était encore là, lorsqu’il revint tenant le calice à deux mains, afin de recevoir sur le pouce et sur l’index, le vin et l’eau de l’ablution, qu’il but également. Mais la poule, cherchant ses petits, arrivait en gloussant, menaçait d’entrer dans l’église. Alors, Désirée s’en alla, avec des paroles maternelles pour les poussins, au moment où le prêtre, après avoir appuyé le purificatoire sur ses lèvres, le passait sur les bords, puis dans l’intérieur du la fin, les actions de grâce rendues à Dieu. Le servant alla chercher une dernière fois le Missel, le rapporta à droite. Le prêtre remit sur le calice le purificatoire, la patène, la pale ; puis, il pinça de nouveau les deux larges plis du voile, et posa la bourse, dans laquelle il avait plié le corporal. Tout son être était un ardent remerciement. Il demandait au ciel la rémission de ses péchés, la grâce d’une sainte vie, le mérite de la vie éternelle. Il restait abîmé dans ce miracle d’amour, dans cette immolation continue qui le nourrissait chaque jour du sang et de la chair de son avoir lu les Oraisons, il se tourna, disant – Ite, missa est.– Deo gratias, répondit s’étant retourné pour baiser l’autel, il revint, la main gauche audessous de la poitrine, la main droite tendue, bénissant l’église pleine des gaietés du soleil et du tapage des moineaux.– Benedicat vos omnipotens Deus, Pater et Filius, et Spiritus Sanctus.– Amen, dit le servant en se soleil avait grandi, et les moineaux s’enhardissaient. Pendant que le prêtre lisait, sur le carton de gauche, l’Évangile de Saint-Jean, annonçant l’éternité du Verbe, le soleil enflammait l’autel, blanchissait les panneaux de faux-marbre, mangeait les clartés des deux cierges, dont les courtes mèches ne faisaient plus que deux taches sombres. L’astre triomphant mettait dans sa gloire la croix, les chandeliers, la chasuble, le voile du calice, tout cet or pâlissant sous ses rayons. Et lorsque le prêtre, prenant le calice, faisant une génuflexion, quitta l’autel pour retourner à la sacristie, la tête couverte, précédé du servant qui remportait les burettes et le manuterge, l’astre demeura seul maître de l’église. Il s’était posé à son tour sur la nappe, allumant d’une splendeur la porte du tabernacle, célébrant les fécondités de mai. Une chaleur montait des dalles. Les murailles badigeonnées, la grande Vierge, le grand Christ lui-même, prenaient un frisson de sève, comme si la mort était vaincue par l’éternelle jeunesse de la Teuse se hâta d’éteindre les cierges. Mais elle s’attarda à vouloir chasser les moineaux. Aussi, quand elle rapporta le Missel à la sacristie, ne trouva-t-elle plus l’abbé Mouret, qui avait rangé les ornements sacrés, après s’être lavé les mains. Il était déjà dans la salle à manger, debout, déjeunant d’une tasse de lait.– Vous devriez bien empêcher votre sœur de jeter du pain dans l’église, dit la Teuse en entrant. C’est l’hiver dernier qu’elle a inventé ce joli coup-là. Elle disait que les moineaux avaient froid, que le bon Dieu pouvait bien les nourrir… Vous verrez qu’elle finira par nous faire coucher avec ses poules et ses lapins.– Nous aurions plus chaud, répondit gaiement le jeune prêtre. Vous grondez toujours, la Teuse. Laissez donc notre pauvre Désirée aimer ses bêtes. Elle n’a pas d’autre plaisir, la chère servante se planta au milieu de la pièce.– Oh ! vous ! reprit-elle, vous accepteriez que les pies elles-mêmes bâtissent leurs nids dans l’église. Vous ne voyez rien, vous trouvez tout parfait… Votre sœur est joliment heureuse que vous l’ayez prise avec vous, au sortir du séminaire. Pas de père, pas de mère. Je voudrais savoir qui lui permettrait de patauger comme elle le fait, dans une basse-cour ?Puis, changeant de ton, s’attendrissant – Ça, bien sûr, ce serait dommage de la contrarier. Elle est sans malice aucune. Elle n’a pas dix ans d’âge, bien qu’elle soit une des plus fortes filles du pays… Vous savez, je la couche encore, le soir, et il faut que je lui raconte des histoires pour l’endormir, comme à une Mouret était resté debout, achevant sa tasse de lait, les doigts un peu rougis par la fraîcheur de la salle à manger, une grande pièce carrelée, peinte en gris, sans autres meubles qu’une table et des chaises. La Teuse enleva une serviette, qu’elle avait étalée sur un coin de la table, pour le déjeuner.– Vous ne salissez guère de linge, murmura-t-elle. On dirait que vous ne pouvez pas vous asseoir, que vous êtes toujours sur le point de partir… Ah ! si vous aviez connu monsieur Caffin, le pauvre défunt curé que vous avez remplacé ! Voilà un homme qui était douillet ! Il n’aurait pas digéré, s’il avait mangé debout… C’était un Normand, de Canteleu, comme moi. Oh ! je ne le remercie pas de m’avoir amené dans ce pays de loups. Les premiers temps, nous sommes-nous ennuyés, bon Dieu ! Le pauvre curé avait eu des histoires bien désagréables chez nous… Tiens ! monsieur Mouret, vous n’avez donc pas sucré votre lait ? Voilà les deux morceaux de prêtre posait sa tasse.– Oui, j’ai oublié, je crois, Teuse le regarda en face, en haussant les épaules. Elle plia dans la serviette une tartine de pain bis qui était également restée sur la table. Puis, comme le curé allait sortir, elle courut à lui, s’agenouilla, en criant – Attendez, les cordons de vos souliers ne sont seulement pas noués… Je ne sais pas comment vos pieds résistent, dans ces souliers de paysans. Vous, si mignon, qui avez l’air d’avoir été drôlement gâté !… Allez, il fallait que l’évêque vous connût bien, pour vous donner la cure la plus pauvre du département.– Mais, dit le prêtre en souriant de nouveau, c’est moi qui ai choisi les Artaud… Vous êtes bien mauvaise, ce matin, la Teuse. Est-ce que nous ne sommes pas heureux, ici ? Nous avons tout ce qu’il nous faut, nous vivons dans une paix de elle se contint, elle rit à son tour, répondant – Vous êtes un saint homme, monsieur le curé… Venez voir comme ma lessive est grasse. Ça vaudra mieux que de nous dut la suivre, car elle menaçait de ne pas le laisser sortir, s’il ne la complimentait sur sa lessive. Il quittait la salle à manger, lorsqu’il se heurta à un plâtras, dans le corridor.– Qu’est-ce donc ? demanda-t-il.– Rien, répondit la Teuse, de son air terrible. C’est le presbytère qui tombe. Mais vous vous trouvez bien, vous avez tout ce qu’il vous faut… Ah ! Dieu, les crevasses ne manquent pas. Regardez-moi ce plafond. Est-il assez fendu ! Si nous ne sommes pas écrasés un de ces jours, nous devrons un fameux cierge à notre ange gardien. Enfin, puisque ça vous convient… C’est comme l’église. Il y a deux ans qu’on aurait dû remettre les carreaux cassés. L’hiver, le bon Dieu gèle. Puis, ça empêcherait d’entrer ces gueux de moineaux. Je finirai par coller du papier, moi, je vous en avertis.– Eh ! c’est une idée, murmura le prêtre, on pourrait coller du papier… Quant aux murs, ils sont plus solides qu’on ne croit. Dans ma chambre, le plancher a fléchi seulement devant la fenêtre. La maison nous enterrera sous le petit hangar, près de la cuisine, il s’extasia sur l’excellence de la lessive, voulant faire plaisir à la Teuse ; il fallut même qu’il la sentit, qu’il mit les doigts dedans. Alors, la vieille femme, enchantée, se montra maternelle. Elle ne gronda plus, elle courut chercher une brosse, disant – Vous n’allez peut-être pas sortir avec de la boue d’hier à votre soutane ! Si vous l’aviez laissée sur la rampe, elle serait propre… Elle est encore bonne, cette soutane. Seulement, relevez-la bien, quand vous traversez un champ. Les chardons déchirent elle le faisait tourner, comme un enfant, le secouant des pieds à la tête, sous les coups violents de la brosse.– La, la, c’est assez, dit-il en s’échappant. Veillez sur Désirée, n’est-ce pas ? Je vais lui dire que je à ce moment, une voix claire appela – Serge ! Serge !Désirée arrivait en courant, toute rouge de joie, tête nue, ses cheveux noirs noués puissamment sur la nuque, avec des mains et des bras couverts de fumier, jusqu’aux coudes. Elle nettoyait ses poules. Quand elle vit son frère sur le point de sortir, son bréviaire sous le bras, elle rit plus fort, l’embrassant à pleine bouche, rejetant les mains en arrière, pour ne pas le toucher.– Non, non, balbutiait-elle, je te salirais… Oh ! je m’amuse ! Tu verras les bêtes, quand tu elle se sauva. L’abbé Mouret dit qu’il rentrerait vers onze heures, pour le déjeuner. Il partait, lorsque la Teuse, qui l’avait accompagné jusqu’au seuil, lui cria ses dernières recommandations.– N’oubliez pas de voir Frère Archangias… Passez aussi chez les Brichet ; la femme est venue hier, toujours pour ce mariage… Monsieur le curé, écoutez donc ! J’ai rencontré la Rosalie. Elle ne demanderait pas mieux, elle, que d’épouser le grand Fortuné. Parlez au père Bambousse, peut-être qu’il vous écoutera maintenant… Et ne revenez pas à midi, comme l’autre jour. À onze heures, dites, à onze heures, n’est-ce pas ?Mais le prêtre ne se tournait plus. Elle rentra, en disant entre ses dents – Si vous croyez qu’il m’écoute !… Ça n’a pas vingt-six ans, et ça n’en fait qu’à sa tête. Bien sûr, il en remontrerait pour la sainteté à un homme de soixante ans ; mais il n’a point vécu, il ne sait rien, il n’a pas de peine à être sage comme un chérubin, ce l’abbé Mouret ne sentit plus la Teuse derrière lui, il s’arrêta, heureux d’être enfin seul. L’église était bâtie sur un tertre peu élevé, qui descendait en pente douce jusqu’au village ; elle s’allongeait, pareille à une bergerie abandonnée, percée de larges fenêtres, égayée par des tuiles rouges. Le prêtre se retourna, jetant un coup d’œil sur le presbytère, une masure grisâtre, collée au flanc même de la nef ; puis, comme s’il eût craint d’être repris par l’intarissable bavardage bourdonnant à ses oreilles depuis le matin, il remonta à droite, il ne se crut en sûreté que devant le grand portail, où l’on ne pouvait l’apercevoir de la cure. La façade de l’église, toute nue, rongée par les soleils et les pluies, était surmontée d’une étroite cage en maçonnerie, au milieu de laquelle une petite cloche mettait son profil noir ; on voyait le bout de la corde, entrant dans les tuiles. Six marches rompues, à demi enterrées par un bout, menaient à la haute porte ronde, crevassée, mangée de poussière, de rouille, de toiles d’araignées, si lamentable sur ses gonds rompus, que les coups de vent semblaient devoir entrer, au premier souffle. L’abbé Mouret, qui avait des tendresses pour cette ruine, alla s’adosser contre un des vantaux, sur le perron. De là, il embrassait d’un coup d’œil tout le pays. Les mains aux yeux, il regarda, il chercha au loin.– Bambousse doit être à sa terre des Olivettes, mai, une végétation formidable, que brûlerait bientôt le ciel ardent de juin, crevait ce sol de cailloux. Des lavandes colossales, des buissons de genévriers, des nappes d’herbes rudes, montaient sur le perron, plantaient des bouquets de verdure sombre jusque sur les tuiles. La première poussée de la sève menaçait d’emporter l’église, dans le dur taillis des plantes noueuses, qui se coulaient au bord des moindres fissures, qui arrachaient les pierres sous les longs doigts nerveux de leurs racines. À cette heure matinale, en plein travail de croissance, c’était un bourdonnement de chaleur, un long effort silencieux soulevant les roches d’un frisson. Mais l’abbé ne sentait pas l’entêtement de vie, l’ardeur de ces couches laborieuses ; il crut que la marche basculait ; il s’adossa à l’autre battant de la porte, cherchant toujours au pays s’étendait à deux lieues, fermé par un mur de collines jaunes, que des bois de pins tachaient de noir ; pays terrible aux landes séchées, aux arêtes rocheuses déchirant le sol. Les quelques coins de terre labourable étalaient des mares saignantes, des champs rouges, où s’alignaient des files d’amandiers maigres, des têtes grises d’oliviers, des traînées de vignes, rayant la campagne de leurs souches brunes. On aurait dit qu’un immense incendie avait passé là, semant sur les hauteurs les cendres des forêts, brûlant les prairies, laissant son éclat et sa chaleur de fournaise dans les creux. À peine, de loin en loin, le vert pâle d’un carré de blé mettait-il une note tendre. L’horizon restait farouche, sans un filet d’eau, mourant de soif, s’envolant par grandes poussières aux moindres haleines. Et, tout au bout, par un coin écroulé des collines de l’horizon, on apercevait un lointain de verdures humides, une échappée de la vallée voisine, que fécondait la Viorne, une rivière descendue des gorges de la Mouret, ne trouvant pas ce qu’il cherchait au loin, les yeux éblouis, abaissa les regards sur le village, dont les quelques maisons s’en allaient à la débandade, en bas de l’église. Misérables maisons, faites de pierres sèches et de planches maçonnées, jetées le long d’un étroit chemin, sans rues indiquées. Elles étaient au nombre d’une trentaine, les unes tassées dans le fumier, noires de misère, les autres plus vastes, plus gaies, avec leurs tuiles roses. Des bouts de jardin, conquis sur le roc, étalaient des carrés de légumes, coupés de haies vives. À cette heure, les Artaud étaient vides ; pas une femme aux fenêtres, pas un enfant vautré dans la poussière ; seules, des bandes de poules allaient et venaient, fouillant la paille, quêtant jusqu’au seuil des maisons, dont les portes laissées ouvertes bâillaient complaisamment au soleil. Un grand chien noir, assis sur son derrière, à l’entrée du village, semblait le garder.– Voriau ! Voriau ! appela le le chien ne bougea pas. Une paresse engourdissait peu à peu l’abbé Mouret. Le soleil montant le baignait d’une telle tiédeur, qu’il se laissait aller contre la porte de l’église, envahi par une paix heureuse. Il songeait à ce village des Artaud, poussé là, dans les pierres, ainsi qu’une des végétations noueuses qui l’entouraient. Tous les habitants étaient parents, tous portaient le même nom, si bien qu’ils prenaient des surnoms dès le berceau, pour se distinguer entre eux. Un ancêtre, un Artaud, était venu, qui s’était fixé au milieu de cette lande, comme un paria ; puis, sa famille avait grandi, avec la vitalité farouche des herbes qui sucent la vie des rochers ; sa famille avait fini par être toute une tribu, toute une commune, dont les cousinages se perdaient, remontaient à des siècles. C’était, au fond de cette ceinture désolée de collines, un peuple à part, une race née du sol, une humanité de cent cinquante têtes qui semblait recommencer les gardait toute l’ombre morte du séminaire. Il voulait rester dans la clarté effacée de sa cellule, dans le silence des corridors, dans le recueillement de cet ancien couvent de Plassans, où pas un souffle ne vivait. Pendant des années, il n’avait pas connu le soleil. Il l’ignorait même encore, les yeux fermés, fixés sur l’âme, n’ayant que du mépris pour la nature damnée. Longtemps, aux heures de recueillement, lorsque la méditation le prosternait, il avait rêvé un désert d’ermite, quelque trou dans une montagne, où rien de la vie, ni être, ni plante, ni eau, ne le viendrait distraire de la contemplation de Dieu. C’était un élan d’amour pur, une horreur de la sensation physique. Là, mourant à lui-même, le dos tourné à la lumière, il aurait attendu de n’être plus, de se perdre dans la souveraine blancheur des âmes. Le ciel lui apparaissait tout blanc, d’un blanc de lumière, comme s’il neigeait des lis, comme si toutes les puretés, toutes les innocences, toutes les chastetés flambaient. Mais son confesseur le grondait, quand il lui racontait ses désirs de solitude, ses besoins de candeur divine ; il le rappelait aux luttes de l’église, aux nécessités du sacerdoce. Plus tard, après son ordination, le jeune prêtre était venu aux Artaud, sur sa propre demande, avec l’espoir de réaliser son rêve d’anéantissement humain. Au milieu de cette misère, sur ce sol stérile, il pourrait se boucher les oreilles aux bruits du monde, il vivrait dans l’oubli, dans le sommeil des saints. Et, depuis plusieurs mois, en effet, il demeurait souriant ; à peine un frisson du village le troublait-il de loin en loin ; à peine une morsure plus chaude du soleil le prenait-elle à la nuque, lorsqu’il suivait les sentiers, tout au ciel, sans entendre l’enfantement continu au milieu duquel il venait de se décider à monter auprès de l’abbé Mouret. Il s’était assis de nouveau sur son derrière, à ses pieds. Mais celui-ci restait perdu dans la douceur du matin. La veille, il avait commencé les exercices du Rosaire de Marie ; il attribuait la grande joie qui descendait en lui à l’intercession de la Vierge auprès de son divin Fils. Et que les biens de la terre lui semblaient méprisables ! Avec quelle reconnaissance il se sentait pauvre ! En entrant dans les ordres, ayant perdu son père et sa mère le même jour, à la suite d’un drame dont il ignorait encore les épouvantes, il avait laissé à un frère aîné toute la fortune. Il ne tenait plus au monde que par sa sœur. Il s’était chargé d’elle, pris d’une sorte de tendresse religieuse pour sa tête faible. La chère innocente était si puérile, si petite fille, qu’elle lui apparaissait avec la pureté de ces pauvres d’esprit, auxquels l’Évangile accorde le royaume des cieux. Cependant, elle l’inquiétait depuis quelque temps ; elle devenait trop forte, trop saine ; elle sentait trop la vie. Mais c’était à peine un malaise. Il passait ses journées dans l’existence intérieure qu’il s’était faite, ayant tout quitté pour se donner entier. Il fermait la porte de ses sens, cherchait à s’affranchir des nécessités du corps, n’était plus qu’une âme ravie par la contemplation. La nature ne lui présentait que pièges, qu’ordures ; il mettait sa gloire à lui faire violence, à la mépriser, à se dégager de sa boue humaine. Le juste doit être insensé selon le monde. Aussi se regardait-il comme un étranger, comme un exilé sur la terre, n’envisageant que les biens célestes, ne pouvant comprendre qu’on mît en balance une éternité de félicité avec quelques heures d’une joie périssable. Sa raison le trompait, ses désirs mentaient. Et s’il avançait dans la vertu, c’était surtout par son humilité et son obéissance. Il voulait être le dernier de tous, soumis à tous, pour que la rosée divine tombât sur son cœur comme sur un sable aride ; il se disait couvert d’opprobre et de confusion, indigne à jamais d’être sauvé du péché, n’espérant que dans la bonté du ciel. Être humble, c’est croire, c’est aimer. Il ne dépendait même plus de lui-même, aveugle, sourd, chair morte. Il était la chose de Dieu. Alors, de cette abjection où il s’enfonçait, un hosanna l’emportait au-dessus des heureux et des puissants, dans le resplendissement d’un bonheur sans Artaud, l’abbé Mouret avait ainsi trouvé les ravissements du cloître, si ardemment souhaités jadis, à chacune de ses lectures de l’Imitation. Rien en lui n’avait encore combattu. Il était parfait, dès le premier agenouillement, sans lutte, sans secousse, comme foudroyé par la grâce, dans l’oubli absolu de sa chair. Extase de l’approche de Dieu que connaissent quelques jeunes prêtres ; heure bienheureuse où tout se tait, où les désirs ne sont qu’un immense besoin de pureté. Il n’avait mis sa consolation chez aucune créature. Lorsqu’on croit qu’une chose est tout, on ne saurait être ébranlé, et il croyait que Dieu était tout, que son humilité, son obéissance, sa chasteté, étaient tout. Il se souvenait d’avoir entendu parler de la tentation comme d’une torture abominable qui éprouve les plus saints. Lui, souriait. Dieu ne l’avait jamais abandonné. Il marchait dans sa foi, ainsi que dans une cuirasse qui le protégeait contre les moindres souffles mauvais. Il se rappelait qu’à huit ans il pleurait d’amour, dans les coins ; il ne savait pas qui il aimait ; il pleurait parce qu’il aimait quelqu’un, bien loin. Toujours il était resté attendri. Plus tard, il avait voulu être prêtre, pour satisfaire ce besoin d’affection surhumaine qui faisait son seul tourment. Il ne voyait pas où aimer davantage. Il contentait là son être, ses prédispositions de race, ses rêves d’adolescent, ses premiers désirs d’homme. Si la tentation devait venir, il l’attendait avec sa sérénité de séminariste ignorant. On avait tué l’homme en lui, il le sentait, il était heureux de se savoir à part, créature châtrée, déviée, marquée de la tonsure ainsi qu’une brebis du le soleil chauffait la grande porte de l’église. Des mouches dorées bourdonnaient autour d’une grande fleur qui poussait entre deux des marches du perron. L’abbé Mouret, un peu étourdi, se décidait à s’éloigner, lorsque Voriau s’élança, en aboyant violemment, vers la grille du petit cimetière, qui se trouvait à gauche de l’église. En même temps, une voix âpre cria – Ah ! vaurien, tu manques l’école, et c’est dans le cimetière qu’on te trouve !… Ne dis pas non ! Il y a un quart d’heure que je te prêtre s’avança. Il reconnut Vincent, qu’un Frère des écoles chrétiennes tenait rudement par une oreille. L’enfant se trouvait comme suspendu au-dessus d’un gouffre qui longeait le cimetière, et au fond duquel coulait le Mascle, un torrent dont les eaux blanches allaient, à deux lieues de là, se jeter dans la Viorne.– Frère Archangias ! dit doucement l’abbé, pour inviter le terrible homme à l’ le Frère ne lâchait pas l’oreille.– Ah ! c’est vous, monsieur le curé, gronda-t-il. Imaginez-vous que ce gredin est toujours fourré dans le cimetière. Je ne sais pas quel mauvais coup il peut faire ici… Je devrais le lâcher pour qu’il allât se casser la tête, là-bas, au fond. Ce serait bien ne soufflait mot, cramponné aux broussailles, les yeux sournoisement fermés.– Prenez garde, Frère Archangias, reprit le prêtre ; il pourrait il aida lui-même Vincent à remonter.– Voyons, mon petit ami, que faisais-tu là ? On ne doit pas jouer dans les galopin avait ouvert les yeux, s’écartant peureusement du Frère, se mettant sous la protection de l’abbé Mouret.– Je vais vous dire, murmura-t-il en levant sa tête futée vers celui-ci. Il y a un nid de fauvettes dans les ronces, dessous cette roche. Voici plus de dix jours que je le guette… Alors, comme les petits sont éclos, je suis venu, ce matin, après avoir servi votre messe…– Un nid de fauvettes ! dit Frère Archangias. Attends, attends !Il s’écarta, chercha sur une tombe une motte de terre, qu’il revint jeter dans les ronces. Mais il manqua le nid. Une seconde motte lancée plus adroitement bouscula le frêle berceau, jeta les petits au torrent.– De cette façon, continua-t-il en se tapant les mains pour les essuyer, tu ne viendras peut-être plus rôder ici comme un païen… Les morts iront te tirer les pieds, la nuit, si tu marches encore sur qui avait ri de voir le nid faire le plongeon, regarda autour de lui, avec le haussement d’épaules d’un esprit fort.– Oh ! je n’ai pas peur, dit-il. Les morts, ça ne bouge cimetière, en effet, n’avait rien d’effrayant. C’était un terrain nu, où d’étroites allées se perdaient sous l’envahissement des herbes. Des renflements bossuaient la terre, de place en place. Une seule pierre, debout, toute neuve, la pierre de l’abbé Caffin, mettait sa découpure blanche, au milieu. Rien autre que des bras de croix arrachés, des buis séchés, de vieilles dalles enterrées, mangées de mousse. On n’enterrait pas deux fois l’an. La mort ne semblait point habiter ce sol vague, où la Teuse venait, chaque soir, emplir son tablier d’herbe pour les lapins de Désirée. Un cyprès gigantesque, planté à la porte, promenait seul son ombre sur le champ désert. Ce cyprès, qu’on voyait de trois lieues à la ronde, était connu de toute la contrée sous le nom du Solitaire.– C’est plein de lézards, ajouta Vincent, qui regardait le mur crevassé de l’église. On s’amuserait joliment…Mais il sortit d’un bond, en voyant le Frère allonger le pied. Celui-ci fit remarquer au curé le mauvais état de la grille. Elle était toute rongée de rouille, un gond descellé, la serrure brisée.– On devrait réparer cela, Mouret sourit, sans répondre. Et, s’adressant à Vincent, qui se battait avec Voriau – Dis, petit ? demanda-t-il, sais-tu où travaille le père Bambousse, ce matin ?L’enfant jeta un coup d’œil sur l’horizon.– Il doit être à son champ des Olivettes, répondit-il, la main tendue vers la gauche… D’ailleurs, Voriau va vous conduire, monsieur le curé. Il sait sûrement où est son maître, il tapa dans ses mains, criant – Eh ! Voriau ! eh !Le grand chien noir hésita un instant, la queue battante, cherchant à lire dans les yeux du gamin. Puis, aboyant de joie, il descendit vers le village. L’abbé Mouret et Frère Archangias le suivirent, en causant. Cent pas plus loin, Vincent les quittait sournoisement, remontant vers l’église, les surveillant, prêt à se jeter derrière un buisson, s’ils tournaient la tête. Avec une souplesse de couleuvre, il se glissa de nouveau dans le cimetière, ce paradis où il y avait des nids, des lézards, des tandis que Voriau les devançait sur la route poudreuse, Frère Archangias disait au prêtre, de sa voix irritée – Laissez donc ! monsieur le curé, de la graine de damnés, ces crapaudslà ! On devrait leur casser les reins, pour les rendre agréables à Dieu. Ils poussent dans l’irréligion, comme leurs pères. Il y a quinze ans que je suis ici, et je n’ai pas encore pu faire un chrétien. Dès qu’ils sortent de mes mains, bonsoir ! Ils sont tout à la terre, à leurs vignes, à leurs oliviers. Pas un qui mette le pied à l’église. Des brutes qui se battent avec leurs champs de cailloux !… Menez-moi ça à coups de bâton, monsieur le curé, à coups de bâton !Puis, reprenant haleine, il ajouta, avec un geste terrible – Voyez-vous, ces Artaud, c’est comme ces ronces qui mangent les rocs, ici. Il a suffi d’une souche pour que le pays fût empoisonné. Ça se cramponne, ça se multiplie, ça vit quand même. Il faudra le feu du ciel, comme à Gomorrhe, pour nettoyer ça.– On ne doit jamais désespérer des pécheurs, dit l’abbé Mouret, qui marchait à petits pas, dans sa paix intérieure.– Non, ceux-là sont au diable, reprit plus violemment le Frère. J’ai été paysan comme eux. Jusqu’à dix-huit ans, j’ai pioché la terre. Et plus tard, à l’Institution, j’ai balayé, épluché des légumes, fait les plus gros travaux. Ce n’est pas leur rude besogne que je leur reproche. Au contraire, Dieu préfère ceux qui vivent dans la bassesse… Mais les Artaud se conduisent en bêtes, voyez-vous ! Ils sont comme leurs chiens qui n’assistent pas à la messe, qui se moquent des commandements de Dieu et de l’Église. Ils forniqueraient avec leurs pièces de terre, tant ils les aiment !Voriau, la queue au vent, s’arrêtait, reprenait son trot, après s’être assuré que les deux hommes le suivaient toujours.– Il y a des abus déplorables, en effet, dit l’abbé Mouret. Mon prédécesseur, l’abbé Caffin…– Un pauvre homme, interrompit le Frère. Il nous est arrivé de Normandie, à la suite d’une vilaine histoire. Ici, il n’a songé qu’à bien vivre ; il a tout laissé aller à la débandade.– Non, l’abbé Caffin a certainement fait ce qu’il a pu ; mais il faut avouer que ses efforts sont restés à peu près stériles. Les miens eux-mêmes demeurent le plus souvent sans Archangias haussa les épaules. Il marcha un instant en silence, déhanchant son grand corps maigre taillé à coups de hache. Le soleil tapait sur sa nuque, au cuir tanné, mettant dans l’ombre sa dure face de paysan, en lame de sabre.– Écoutez, monsieur le curé, reprit-il enfin, je suis trop bas pour vous adresser des observations ; seulement, j’ai presque le double de votre âge, je connais le pays, ce qui m’autorise à vous dire que vous n’arriverez à rien par la douceur… Entendez-vous, le catéchisme suffit. Dieu n’a pas de miséricorde pour les impies. Il les brûle. Tenez-vous-en à comme l’abbé Mouret, la tête penchée, n’ouvrait point la bouche, il continua – La religion s’en va des campagnes, parce qu’on la fait trop bonne femme. Elle a été respectée, tant qu’elle a parlé en maîtresse sans pardon… Je ne sais ce qu’on vous apprend dans les séminaires. Les nouveaux curés pleurent comme des enfants avec leurs paroissiens. Dieu semble tout changé… Je jurerais, monsieur le curé, que vous ne savez même plus votre catéchisme par cœur ?Le prêtre, blessé de cette volonté qui cherchait à s’imposer si rudement, leva la tête, disant avec quelque sécheresse – C’est bien, votre zèle est louable… Mais n’avez-vous rien à me dire ? Vous êtes venu ce matin à la cure, n’est-ce pas ?Frère Archangias répondit brutalement – J’avais à vous dire ce que je vous ai dit… Les Artaud vivent comme leurs cochons. J’ai encore appris hier que Rosalie, l’aînée du père Bambousse, est grosse. Toutes attendent ça pour se marier. Depuis quinze ans, je n’en ai pas connu une qui ne soit allée dans les blés avant de passer à l’église… Et elles prétendent en riant que c’est la coutume du pays !– Oui, murmura l’abbé Mouret, c’est un grand scandale… Je cherche justement le père Bambousse pour lui parler de cette affaire. Il serait désirable, maintenant, que le mariage eût lieu au plus tôt… Le père de l’enfant, paraît-il, est Fortuné, le grand fils des Brichet. Malheureusement les Brichet sont pauvres.– Cette Rosalie ! poursuivit le Frère, elle a juste dix-huit ans. Ça se perd sur les bancs de l’école. Il n’y a pas quatre ans, je l’avais encore. Elle était déjà vicieuse… J’ai maintenant sa sœur Catherine, une gamine de onze ans qui promet d’être plus éhontée que son aînée. On la rencontre dans tous les trous avec ce petit misérable de Vincent… Allez, on a beau leur tirer les oreilles jusqu’au sang, la femme pousse toujours en elles. Elles ont la damnation dans leurs jupes. Des créatures bonnes à jeter au fumier, avec leurs saletés qui empoisonnent ! Ça serait un fameux débarras, si l’on étranglait toutes les filles à leur dégoût, la haine de la femme le firent jurer comme un charretier. L’abbé Mouret, après l’avoir écouté, la face calme, finit par sourire de sa violence. Il appela Voriau, qui s’était écarté dans un champ voisin.– Et, tenez ! cria Frère Archangias, en montrant un groupe d’enfants jouant au fond d’une ravine, voilà mes garnements qui manquent l’école, sous prétexte d’aller aider leurs parents dans les vignes !… Soyez sûr que cette gueuse de Catherine est au milieu. Elle s’amuse à glisser. Vous allez voir ses jupes par-dessus sa tête. Là, qu’est-ce que je vous disais !… À ce soir, monsieur le curé… Attendez, attendez, gredins !Et il partit en courant, son rabat sale volant sur l’épaule, sa grande soutane graisseuse arrachant les chardons. L’abbé Mouret le regarda tomber au milieu de la bande des enfants, qui se sauvèrent comme un vol de moineaux effarouchés. Mais il avait réussi à saisir par les oreilles Catherine et un autre gamin. Il les ramena du côté du village, les tenant ferme de ses gros doigts velus, les accablant d’ prêtre reprit sa marche. Frère Archangias lui causait parfois d’étranges scrupules ; il lui apparaissait dans sa vulgarité, dans sa crudité, comme le véritable homme de Dieu, sans attache terrestre, tout à la volonté du ciel, humble, rude, l’ordure à la bouche contre le péché. Et il se désespérait de ne pouvoir se dépouiller davantage de son corps, de ne pas être laid, immonde, puant la vermine des saints. Lorsque le Frère l’avait révolté par des paroles trop osées, par quelque expression trop brutale, il s’accusait ensuite de ses délicatesses, de ses fiertés de nature, comme de véritables fautes. Ne devait-il pas être mort à toutes les faiblesses de ce monde ? Cette fois encore, il sourit tristement, en songeant qu’il avait failli se fâcher de la leçon emportée du Frère. C’était l’orgueil, pensait-il, qui cherchait à le perdre, en lui faisant prendre les simples en mépris. Mais, malgré lui, il se sentait soulagé d’être seul, de s’en aller à petits pas, lisant son bréviaire, délivré de cette voix âpre qui troublait son rêve de tendresse route tournait entre des écroulements de rocs, au milieu desquels les paysans avaient, de loin en loin, conquis quatre ou cinq mètres de terre crayeuse, plantée de vieux oliviers. Sous les pieds de l’abbé, la poussière des ornières profondes avait de légers craquements de neige. Parfois, en recevant à la face un souffle plus chaud, il levait les yeux de son livre, cherchant d’où lui venait cette caresse ; mais son regard restait vague, perdu sans le voir, sur l’horizon enflammé, sur les lignes tordues de cette campagne de passion, séchée, pâmée au soleil, dans un vautrement de femme ardente et stérile. Il rabattait son chapeau sur son front, pour échapper aux haleines tièdes ; il reprenait sa lecture, paisiblement ; tandis que sa soutane, derrière lui, soulevait une petite fumée, qui roulait au ras du chemin.– Bonjour, monsieur le curé, lui dit un paysan qui bruits de bêche, le long des pièces de terre, le sortaient encore de son recueillement. Il tournait la tête, apercevait au milieu des vignes de grands vieillards noueux, qui le saluaient. Les Artaud, en plein soleil, forniquaient avec la terre, selon le mot de Frère Archangias. C’étaient des fronts suants apparaissant derrière les buissons, des poitrines haletantes se redressant lentement, un effort ardent de fécondation, au milieu duquel il marchait de son pas si calme d’ignorance. Rien de troublant ne venait jusqu’à sa chair du grand labeur d’amour dont la splendide matinée s’emplissait.– Eh ! Voriau, on ne mange pas le monde ! cria gaiement une voix forte, faisant taire le chien qui aboyait Mouret leva la tête.– C’est vous, Fortuné, dit-il, en s’avançant au bord du champ, dans lequel le jeune paysan travaillait. Je voulais justement vous avait le même âge que le prêtre. C’était un grand garçon, l’air hardi, la peau dure déjà. Il défrichait un coin de lande pierreuse.– Par rapport, monsieur le curé ? demanda-t-il.– Par rapport à ce qui s’est passé entre Rosalie et vous, répondit le se mit à rire. Il devait trouver drôle qu’un curé s’occupât d’une pareille chose.– Dame, murmura-t-il, c’est qu’elle a bien voulu. Je ne l’ai pas forcée… Tant pis si le père Bambousse refuse de me la donner ! Vous avez bien vu que son chien cherchait à me mordre tout à l’heure. Il le lance contre Mouret allait continuer, lorsque le vieil Artaud, dit Brichet, qu’il n’avait pas vu d’abord, sortit de l’ombre d’un buisson, derrière lequel il mangeait avec sa femme. Il était petit, séché par l’âge, la mine humble.– On vous aura conté des menteries, monsieur le curé, s’écria-t-il. L’enfant est tout prêt à épouser la Rosalie… Ces jeunesses sont allées ensemble. Ce n’est la faute de personne. Il y en a d’autres qui ont fait comme eux et qui n’en ont pas moins bien vécu pour cela… L’affaire ne dépend pas de nous. Il faut parler à Bambousse. C’est lui qui nous méprise, à cause de son argent.– Oui, nous sommes trop pauvres, gémit la mère Brichet, une grande femme pleurnicheuse, qui se leva à son tour. Nous n’avons que ce bout de champ, où le diable fait grêler les cailloux, bien sûr. Il ne nous donne pas du pain… Sans vous, monsieur le curé, la vie ne serait pas mère Brichet était la seule dévote du village. Quand elle avait communié, elle rôdait autour de la cure, sachant que la Teuse lui gardait toujours une paire de pains de la dernière cuisson. Parfois même, elle emportait un lapin ou une poule, que lui donnait Désirée.

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