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1 L’identité du macrocosme et du microcosme est semble-t-il ce qui a fasciné Marguerite Yourcenar da ... 1Œuvre méditative autant que narrative, les Mémoires d’Hadrien ont assez d’ampleur pour embrasser tout un empire, assez de hauteur pour relier l’avenir au souvenir. Si la profondeur du texte tient à la complexité du feuilletage générique et à la densité de l’expérience du protagoniste, elle relève également d’un vertigineux jeu de miroirs qui confine à la mise en abîme. L’histoire de l’homme dans l’empire est aussi l’histoire de l’un dans le tout. Tout nous échappe, et tous, et nous-même », concède Marguerite Yourcenar dans les Carnets de notes p. 331. Dans ce demi-aveu de faiblesse de l’écrivain réside sans doute la clef de sa force la certitude humaniste qu’il n’existe pas de solution de continuité de tout » à nous-même », que le microcosme d’un être peut refléter le macrocosme des hommes, et le microcosme d’un livre, le macrocosme du monde1. Aussi les Mémoires d’Hadrien peuvent-ils se lire comme une œuvre réflexive, voire autoréflexive. Dans le livre, la bibliothèque 2 Sur les rapports de Marguerite Yourcenar et Jorge Luis Borges, voir Achmy Halley, Marguerite Yourc ... 2Grande admiratrice de Borges2, auquel elle rendit visite six jours avant qu’il ne meure, Marguerite Yourcenar avait comme lui la fascination du labyrinthe Le Labyrinthe du monde, tel est le titre qu’elle donne à sa trilogie familiale, et le territoire que ne cesse d’explorer son œuvre. Comme Borges toujours, elle sait qu’une bibliothèque est tout ensemble un monde et un labyrinthe ; nouvelle Ariane, elle invite le lecteur à suivre le fil des lectures d’Hadrien, qui en disent aussi beaucoup sur son propre monde de livres. La bibliothèque d’Hadrien 3 L’une des meilleures manière de recréer la pensée d’un homme reconstituer sa bibliothèque » dans cette remarque des Carnets de notes p. 327, Marguerite Yourcenar livre l’un des secrets de fabrication » de son ouvrage, qui n’a cependant rien de la méthode servilement appliquée. La nécessité de cette reconstitution s’est, à l’en croire, imposée à elle comme en dépit d’elle Durant des années, d’avance, et sans le savoir, j’avais ainsi travaillé à remeubler les rayons de Tibur » ibid. De ces recherches mi-archéologiques, mi-bibliophiliques, les Mémoires d’Hadrien portent la trace. Ils sont jalonnés d’allusion aux lectures du protagoniste, qui agissent comme autant d’éléments de caractérisation d’Hadrien. Mais dans les goûts, les dégoûts et les engouements littéraires du personnage se lisent aussi, souvent en creux, certains choix littéraires de l’auteur. 4Que les préférences littéraires d’un individu contribuent à le définir, la diégèse le suggère comme les paratextes. Ainsi, lorsqu’Hadrien veut caractériser Lucius, il évoque le poète favori de l’adolescent, dont le nom seul suffit à dessiner l’audace séduisante du jeune patricien Martial était son Virgile il récitait ses poésies lascives avec une effronterie charmante » p. 122. Mais Lucius est surtout saisi à travers le prisme du regard et des lectures d’Hadrien très vite, c’est à ses propres goûts que celui-ci recourt pour compléter le portrait, et il affirme ainsi comme incidemment sa préférence pour la poésie amoureuse, qu’elle appartienne aux temps passé de la Grèce, avec Callimaque, ou qu’elle lui soit contemporaine, avec Straton L’image de Lucius adolescent se confine à des recoins plus secrets du souvenir un visage, un corps, l’albâtre d’un teint pâle et rose, l’exact équivalent d’une épigramme amoureuse de Callimaque, de quelques lignes nettes et nues du poète Straton » ibid. 5Très tôt dans sa lettre à Marc Aurèle, Hadrien a en effet affirmé sa passion de la poésie. Épris de rhétorique, il dit avoir été plus profondément marqué encore par ses lectures poétiques. L’amateur de la vie et de ses plaisirs est même alors tenté de donner la préséance à la littérature La lecture des poètes eut des effets plus bouleversants encore ; je ne suis pas sûr que la découverte de l’amour soit nécessairement plus délicieuse que celle de la poésie. Celle-ci me transforma l’initiation à la mort ne m’introduira pas plus loin dans un autre monde que tel crépuscule de Virgile. Plus tard, j’ai préféré la rudesse d’Ennius, si près des origines sacrées de la race, ou l’amertume savante de Lucrèce, ou, à la généreuse aisance d’Homère, l’humble parcimonie d’Hésiode. J’ai goûté surtout les poètes les plus compliqués et les plus obscurs, qui obligent ma pensée à la gymnastique la plus difficile, les plus récents ou les plus anciens, ceux qui me frayent des voies toutes nouvelles ou m’aident à retrouver les pistes perdues. Mais, à cette époque, j’aimais surtout dans l’art des vers ce qui tombe le plus immédiatement sous les sens, le métal poli d’Horace, Ovide et sa mollesse de chair. p. 44 6Dans cette énumération, Marguerite Yourcenar réunit bien des traits caractéristiques de son personnage, changeant, variable, attiré à la fois par la pureté de l’expression et la complexité de l’esprit humain, aimanté par les extrêmes, fasciné par la Grèce et attaché à Rome. Mais ce qu’Hadrien éprouve au fil de ses lectures reflète également ce que Marguerite Yourcenar offre à ses lecteurs une œuvre narrative, comme celles des poètes épiques, mythique, comme celle d’Hésiode et méditative, comme celle de Lucrèce, mais aussi une ouverture vers un autre monde » d’amour et de mort, que l’on pénètre au prix, sinon d’une gymnastique difficile », du moins d’un effort de compréhension, et dans lequel on parcourt autant de voies nouvelles » que de pistes perdues ». Ces pistes perdues », l’empereur les explore de nouveau après la mort d’Antinoüs, et les évoque dans une méditation sur ses lectures qui constitue en quelque sort le double endeuillé de celle de Varius, multiplex, multiformis ». Ses choix se sont alors resserrés, ses goûts se sont mués en obsessions, mais l’auteur entremêle de nouveau les caractéristiques de son personnage et celles de sa propre écriture Les poètes aussi m’occupèrent ; j’aimais à conjurer hors d’un passé lointain ces quelques voix pleines et pures. Je me fis un ami de Théognis, l’aristocrate, l’exilé, l’observateur sans illusion et sans indulgence des affaires humaines, toujours prêt à dénoncer ces erreurs et ces fautes que nous appelons nos maux. Cet homme avait goûté aux délices poignantes de l’amour ; [...] l’immortalité qu’il promettait au jeune homme de Mégare était mieux qu’un vain mot, puisque ce souvenir m’atteignait à une distance de plus de six siècles. Mais, parmi les anciens poètes, Antimaque surtout m’attacha ; j’appréciais ce style obscur et dense, ces phrases amples et pourtant condensées à l’extrême, grandes coupes de bronze emplies d’un vin lourd. [...] Il avait passionnément pleuré sa femme Lydé ; il avait donné le nom de cette morte à un long poème où trouvaient place toutes les légendes de douleur et de deuil. Cette Lydé, que je n’aurais peut-être pas remarquée vivante, devenait pour moi une figure familière, plus chère que bien des personnages féminins de ma propre vie. Ces poèmes, pourtant presque oubliés, me rendaient peu à peu ma confiance en l’immortalité. p. 235-236 7Les styles respectifs de Théognis et Antimaque ne sont pas sans rapport avec celui que Marguerite Yourcenar prête à Hadrien, sans illusion et sans indulgence », dense », ample et pourtant condensé à l’extrême », et de même que Théognis et Antimaque assurent l’immortalité de Cyrnus et Lydé, Marguerite Yourcenar fait revivre Hadrien et Antinoüs, les rend, le temps d’une lecture, plus familiers aux lecteurs que leurs contemporains. 3 Marguerite Yourcenar elle-même désigne très clairement Mémoires d’Hadrien comme une œuvre poétique ... 4 Sur ce sujet, voir Rémy Poignault, Hadrien et le monde des lettres », dans L’Antiquité dans l’œu ... 5 Les messages affluèrent ; Pancratès m’envoya son poème enfin terminé ; ce n’était qu’un médiocre ... 8La poésie, en particulier amoureuse ou élégiaque, occupe ainsi une large part de la bibliothèque d’Hadrien ; c’est encore à ce genre qu’il se réfère pour retracer l’atmosphère qui enveloppe ses liaisons adultères avec des patriciennes C’était le monde de Tibulle et de Properce une mélancolie, une ardeur un peu factice, mais entêtante comme une mélodie sur le mode phrygien » p. 74. Le théâtre en revanche semble tenir peu de place dans son paysage littéraire hormis le texte de Lycophron lu lors de la rencontre avec Antinoüs p. 169, l’unique évocation d’une pièce de théâtre réside dans l’anecdote sinistre de la tête de Crassus lancée de main en main comme une balle au cours d’une représentation des Bacchantes d’Euripide, qu’un roi barbare frotté d’hellénisme donnait au soir d’une victoire » p. 93 – la catharsis fait alors totalement défaut, puisque Crassus décapité redouble l’horreur de Penthée démembré. L’histoire, en revanche, figure en bonne place dans les lectures d’Hadrien. L’entreprise historique, même menée sans génie, lui semble toujours estimable, ainsi qu’en témoigne sa remarque à propos de Phlégon Le style de Phlégon est fâcheusement sec, mais ce serait déjà quelque chose que de rassembler et d’établir les faits » p. 235. Au même titre que la poésie, l’histoire est dotée d’une puissance émotionnelle telle que les vies lues transcendent l’expérience vécue ; la rencontre avec Plutarque, bien que relatée sur le mode pudique de l’allusion, constitue ainsi à n’en pas douter l’un des sommets de la vie littéraire d’Hadrien, et peut-être de toute son existence À Chéronée, où j’étais allé m’attendrir sur les antiques couples d’amis du Bataillon Sacré, je fus deux jours l’hôte de Plutarque. J’avais eu mon Bataillon Sacré bien à moi, mais, comme il m’arrive souvent, ma vie m’émouvait moins que l’histoire » p. 87. Poésie, histoire, les genres favoris de l’empereur sont donc ceux-là même qui constituent la matière des Mémoires d’Hadrien3. Si Marguerite Yourcenar cite les auteurs qu’a véritablement lus son personnage, et qu’elle-même a longuement fréquentés au cours de sa gigantesque entreprise de reconstruction documentée4, elle n’en met pas moins l’accent sur certaines préférences, ou certains aspects qui font signe vers sa propre écriture. Hadrien, laisse-t-elle entendre, n’a guère trouvé de poète ou d’historien à sa mesure pour chanter ses émotions ou retracer son règne les textes composés à l’occasion de la mort d’Antinoüs sont médiocres5, le style de Phlégon laisse à désirer. Aussi devient-elle ce patient biographe du futur dont, non sans ironie, elle fait décrire à Hadrien la tâche difficile Les Suétones de l’avenir auront fort peu d’anecdotes à récolter sur moi », présage-t-il en se félicitant de la discrétion de ses proches p. 140 ; une fois n’est pas coutume, les talents oraculaires d’Hadrien se trouvent démentis. 9Tout concorde dans la bibliothèque réinventée par Marguerite Yourcenar les événements de la vie d’Hadrien et ceux que retracent ses lectures, les goûts du personnage et les procédés de sa créatrice. Et c’est précisément dans des phénomènes d’étroites correspondances, gages de vérité, que réside le critère à l’aune duquel l’empereur juge de la qualité d’une œuvre littéraire. De Polémon notamment, il aime l’authenticité, perceptible dans l’inventio comme dans l’actio. La rhétorique chez lui n’est pas un masque mais un révélateur Le rhéteur Polémon, le grand homme de Laodicée, qui rivalisait avec Hérode d’éloquence, et surtout de richesses, m’enchanta par son style asiatique, ample et miroitant comme les flots d’un Pactole cet habile assembleur de mots vivait comme il parlait, avec faste » p. 176. De même, son jeu est on ne peut plus sérieux Il y avait de l’acteur en Polémon, mais les jeux de physionomie d’un grand comédien traduisent parfois une émotion à laquelle participent tout une foule, tout un siècle » p. 192. À l’inverse, dans la colère que Juvénal fait naître chez l’empereur, le dégoût de l’hypocrisie le dispute au sentiment de l’offense Juvénal osa insulter dans une de ses Satires le mime Pâris, qui me plaisait. J’étais las de ce poète enflé et grondeur ; j’appréciais peu son mépris pour l’Orient et la Grèce, son goût affecté pour la prétendue simplicité de nos pères, et ce mélange de descriptions détaillées du vice et de déclamations vertueuses qui titille les sens du lecteur tout en rassurant son hypocrisie. p. 249 10Trop conscient sans doute de ses propres faiblesses il ne cache pas que son attachement pour Pâris contribue à le dégoûter de Juvénal, Hadrien ne recourt lui-même que très rarement au registre de la satire, si ce n’est, précisément, pour railler Juvénal, ou pour dresser la galerie de portraits légèrement caricaturale des hommes de lettres dont il s’est entouré p. 139-140 – mais la raillerie se nuance alors de tendresse. Un personnage en particulier cristallise son mépris de la littérature inauthentique il s’agit de la bien nommée Julia Balbilla. Le nom de cette authentique poétesse proche de Sabine évoque irrésistiblement un babil ou un balbutiement au mieux insignifiant, au pire irritant. La première mention que fait d’elle Hadrien est déjà teintée de condescendance [Sabine] ne s’entourait que de femmes de lettres inoffensives. La confidente du moment, une certaine Julia Balbilla, faisait assez bien les vers grecs » p. 206. Mais bientôt, l’inoffensive faiseuse se métamorphose en personnage repoussoir, dont la prolixité est signe d’inauthenticité. Devant le colosse de Memnon, l’inépuisable Julia Balbilla enfant[e] sur-le-champ une série de poèmes » p. 222 qui contrastent avec l’inscription minimaliste laissée par Hadrien. Celui-ci grave en grec une forme abrégée et familière de son nom » p. 223 et, là où les vers de Julia Balbilla semblaient n’être que vacuité, cette inscription à proprement parler lapidaire suffit à faire naître la conscience de l’instant et le bouleversant souvenir des vingt ans qu’Antinoüs n’atteindra jamais. Au seuil de la mort, Hadrien se remémore sans le nommer cet épisode déchirant Audivi voces divinas... La sotte Julia Balbilla croyait entendre à l’aurore la voix mystérieuse de Memnon j’ai écouté les bruissements de la nuit » p. 309. L’obscur chant du monde peut être à de certains instants une poésie plus limpide que le verbe des hommes, parce qu’il dit sans détours ni faux-semblants l’exactitude de ce qui est. 11Un accord, tel semble être ce que recherche Hadrien dans le dédale de ses lectures – accord avec l’émotion, avec le monde, avec soi-même, avec d’autres hommes l’auteur, mais aussi ceux qui ont vécu et que les mots font renaître. Un accord, c’est également ce que compose Marguerite Yourcenar en parcourant la bibliothèque de l’empereur perdu, tant chacune des allusions intertextuelles qu’elle ménage est lourde de résonnances. Ainsi la rencontre avec Antinoüs, roman ou poème élégiaque vécu par Hadrien, est-elle placée sous le signe de la littérature On lut ce soir-là une pièce assez abstruse de Lycophron que j’aime pour ses folles juxtapositions de sons, d’allusions et d’images, son complexe système de reflets et d’échos » p. 169. Ce n’est certes pas le fait du hasard si cette notation prend place à l’orée du Sœculum aureum », à l’instant où le récit déploie au plus haut degré sa poésie de sons, d’allusions et d’images » alors qu’elle va faire apparaître Antinoüs au bord d’une source consacrée à Pan » ibid., c’est-à-dire à Tout, Marguerite Yourcenar fait résonner l’une des notes à la fois secrètes et claires du complexe système de reflets et d’échos » que sont les Mémoires d’Hadrien. La bibliothèque de Marguerite Yourcenar 12Il est un autre moment du Sœculum aureum » où Hadrien et Antinoüs écoutent de concert un texte bruissant d’échos. Alors qu’il relate ses expériences magiques et ses interrogations sur la nature de l’âme, l’empereur se souvient Vers la même époque, Phlégon, qui collectionnait les histoires de revenants, nous raconta un soir celle de La Fiancée de Corinthe dont il se porta garant. Cette aventure où l’amour ramenait une âme sur la terre, et lui rendait temporairement un corps, émut chacun de nous, mais à des profondeurs différentes. Plusieurs tentèrent d’amorcer une expérience analogue [...]. Aucune de ces tentatives ne réussit. Mais d’étranges portes s’étaient ouvertes. p. 199 6 Fantômes et statues sont explicitement mis en relation lors de la rencontre de la Sibylle bretonne ... 13L’épisode est troublant en ce qu’il préfigure les efforts à venir d’Hadrien pour ramener à la vie le fantôme d’Antinoüs par l’entremise de la statuaire6 ; il l’est également en ce qu’il éveille chez l’auteur et ses lecteurs des souvenirs nécessairement étrangers au narrateur. Marguerite Yourcenar fait état de sa surprise dans les Carnets de notes, où elle avoue Il faut s’enfoncer dans les recoins d’un sujet pour découvrir les choses les plus simples, et de l’intérêt littéraire le plus général. C’est seulement en étudiant Phlégon, secrétaire d’Hadrien, que j’ai appris qu’on doit à ce personnage oublié la première et l’une des plus belles entre les grandes histoires de revenants, cette sombre et voluptueuse Fiancée de Corinthe dont se sont inspirés Goethe et l’Anatole France des Noces corinthiennes p. 338-339. 14La superposition dans l’esprit du lecteur des textes de Phlégon, d’Anatole France et surtout de Goethe, dont le nom est spontanément associé au titre de La Fiancée de Corinthe, ouvre à son tour d’étranges portes », et fait partager au lecteur du XXe siècle l’émoi éprouvé par Hadrien et ses proches de même que l’apparition de la morte amoureuse, l’intertextualité brouille les frontières temporelles, et offre un moyen de rétrécir à son gré la distance des siècles » p. 331. 7 Dans Les Yeux ouverts, Marguerite Yourcenar dit plus explicitement encore son admiration pour Prou ... 8 Pierre Corneille, Sertorius, acte III, scène 1, dans Théâtre complet II, Pierre Lièvre et Roger Ca ... 15Dans la bibliothèque des Mémoires d’Hadrien, les volumens du narrateur cohabitent en effet avec les volumes de l’auteur, çà et là discrètement glissés sur les rayonnages du temps. Au-delà de ses recherches historiques, les lectures de Marguerite Yourcenar nourrissent nécessairement son écriture, comme en témoignent les Carnets de notes, qui évoquent abondamment les auteurs dans le sillage desquels elle se situe, et notamment Proust ; la reconstitution d’un passé perdu » qu’elle lui attribue p. 330 n’est sans doute pas tout à fait étrangère à cette recherche d’un temps perdu que sont les Mémoires d’Hadrien7. De tels souvenirs de lecture ont leur place dans les paratextes et les commentaires ; on s’attendrait en revanche moins à les trouver entremêlés au tissu même de la lettre d’Hadrien, dont l’auteur cherchait en quelque sorte à s’absenter, affirmant sa volonté de s’interdire les ombres portées ; ne pas permettre que la buée d’une haleine s’étale sur le tain du miroir » p. 332. Des réminiscences littéraires affleurent pourtant parfois en surimpression sur l’image d’Hadrien, sans jamais la ternir ni la troubler toutefois, tant elles sont discrètes. Un seul effet de citation clairement identifiable fait employer à l’empereur des mots d’un autre âge Rome n’est plus dans Rome elle doit périr ou s’égaler désormais à la moitié du monde », affirme Hadrien en préambule à l’exposé de ses principes politiques p. 124. Le roman résonne alors des accents classiques de la célèbre réplique de Sertorius Rome n’est plus dans Rome, elle est toute où je suis8 ». L’allusion est ludique Marguerite Yourcenar fait répéter à un empereur du IIe siècle les paroles d’un Romain de la République écrites quinze siècles après lui. La mise à distance est nette là où Sertorius affirme porter Rome en lui, Hadrien la veut universelle. Vertiges de l’espace et du temps, le jeu de la citation dit l’éternité de Rome dans la mémoire humaine. 16C’est également cette permanence de l’Antique que suggère le choix fait par Marguerite Yourcenar de traduire une citation de Virgile par ce qui est, peu ou prou, une phrase de Gide, ainsi que le remarque Rémy Poignault 9 Rémy Poignault, L’Antiquité dans l’œuvre de Marguerite Yourcenar, op. cit., t. II, p. 433. Quand, après avoir évoqué les portraits par lesquels il a essayé d’immortaliser Antinoüs, Hadrien explique sa conception esthétique du pouvoir – réaliser un idéal de beauté, et par conséquent d’harmonie et de justice alliées à la force –, il cite encore, mais sans se référer à son auteur, un extrait de Virgile, emprunté cette fois aux Bucoliques Trahit sua quemque uoluptas chacun est entraîné par son plaisir », qu’il rend par un à chacun sa pente » qui fait écho à la phrase des Faux-Monnayeurs 11 est bon de suivre sa pente, pourvu que ce soit en montant » ; dans l’églogue virgilienne, Corydon, déplorant qu’Alexis ne partageât pas son amour, prononçait ces mots avec quelque amertume, tandis qu’Hadrien exprime en toute sérénité son idéal de beauté glissant des œuvres d’art – et de l’amour – à la politique9. 17Le glissement subtil d’un intertexte à l’autre traduit le succès des vœux d’immortalité d’Hadrien au fil du temps et des livres, les mots se mêlent, se métamorphosent au gré de la pente » de ceux qui les prononcent, mais, mutatis mutandis, se survivent. S’élabore ainsi un imaginaire mythique des amours antiques, sédimenté autour de la figure d’Antinoüs, et qui se manifeste lorsque Marguerite Yourcenar se souvient de ceux qui, avant elle, ont fait revivre la silhouette du favori 10 Ibid., p. 480. L’image d’Antinoüs venant en canot à ce qui allait être sa dernière soirée et recevant de Lucius une guirlande doit peut-être quelque chose au tableau de Dorian Gray imaginé par Basil Hallward dans le roman d’Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray, couronné de grandes fleurs de lotus, à la proue de la barque d’Adrien le regard perdu au loin par-delà les eux verdâtres du Nil », comme la suite même du texte d’Oscar Wilde fait penser à la scène d’Antinoüs se tenant au bord d’une vasque Vous vous êtes penché ensuite sur un lac tranquille à l’orée d’un bois grec et vous avez contemplé dans les eaux calmes et argentées le reflet merveilleux de votre beauté10. » 18Oscar Wilde avait fait de Dorian Gray un nouvel Antinoüs, idéal de beauté dorienne » ; imperceptiblement, Marguerite Yourcenar fait en retour d’Antinoüs un nouveau Dorian, celui qui jamais ne vieillit. 11 Voir Jean-Marcel Paquette, L’autre genre la forme de l’essai dans Mémoires d’Hadrien », Bullet ... 12 Voir Henri Vergniolle de Chantal, Mémoires d’Hadrien, L’Œuvre au noir, Un homme obscur un imag ... 19Même lorsqu’ils s’affranchissent de toute référence à l’Antiquité, les souvenirs des lectures de Marguerite Yourcenar ajoutent une densité temporelle au récit d’Hadrien, et rappellent que la substance, la structure humaine ne changent guère » p. 333. Rien d’étonnant par exemple à trouver en Hadrien, dont la lettre est aussi un essai11 » consacré à la connaissance de l’homme et de soi, un peu de Montaigne. L’admiration de Marguerite Yourcenar pour ce dernier est bien connue il compte parmi les auteurs qu’elle dit relire régulièrement YO, p. 234, la bibliothèque de Petite Plaisance recelait plusieurs éditions des Essais, et lorsqu’elle s’attarde sur le goût du nomadisme qui caractérise l’empereur, elle paraît se remémorer l’éloge des voyages que fait l’essayiste12. Comme lui, Hadrien articule en effet liberté de mouvement, liberté du corps, et liberté de l’esprit [...] la grande ressource était avant tout l’état parfait du corps une marche forcée de vingt lieu n’était rien, une nuit sans sommeil n’était considérée que comme une invitation à penser. Peu d’hommes aiment longtemps le voyage, ce bris perpétuel de toutes les habitudes, cette secousse sans cesse donnée à tous les préjugés. Mais je travaillais à n’avoir nul préjugé et peu d’habitudes. l’appréciais la profondeur délicieuse des lits, mais aussi le contact et l’odeur de la terre nue, les inégalités de chaque segment de la circonférence du monde. l’étais fait à la variété des nourritures, gruau britannique ou pastèque africaine. Il m’arriva un jour de goûter au gibier à demi pourri qui fait les délices de certaines peuplades germaniques j’en vomis, mais l’expérience fut tentée. p. 137 20Détails triviaux et presque incongrus, les expériences culinaires en pays étranger sont en vérité l’indice d’un esprit de tolérance sans doute directement emprunté à Montaigne Outre ces raisons, le voyager me semble un exercice profitable. L’ame y a une continuelle exercitation, à remarquer des choses incogneuës et nouvelles ; et je ne sçache point meilleure escolle, comme j’ay dict souvent, à former la vie que de luy proposer incessamment la diversité de tant d’autres vies, fantaisies et usances, et lui faire gouster une si perpetuelle variété de formes de nostre nature. Le corps n’y est ny oisif ny travaillé, et cette modérée agitation le met en haleine. Je me tien à cheval sans sans demonter, tout choliqueux que je suis, et sans m’y ennuyer, huict et dix heures [...]. 13 Michel de Montaigne, Les Essais, livre III, chap. ix De la vanité », Pierre Villey éd., Pari ... J’ay la complexion du corps libre, et le goust commun, autant qu’homme du monde. La diversité des façons d’une nation à autre, ne me touche que par le plaisir de la variété. Chaque usage a sa raison. Soyent des assiettes d’estain, de bois, de terre, bouilly ou rosty, beurre ou huyle de nois ou d’olive, chaut ou froit, tout m’est un, et si un que, vieillissant, j’accuse cette genereuse faculté, et auroy besoin que la délicatesse et le chois arrestat l’indiscretion de mon appetit et par fois soulageat mon estomac. Quand j’ay esté ailleurs qu’en France et que, pour me faire courtoisie, on m’a demandé si je vouloy estre servy à la Françoise, je m’en suis mocqué et me suis toujours jetté aux tables les plus espesses d’étrangers13. 21La liberté commune aux deux voyageurs que sont Hadrien et Montaigne, Marguerite Yourcenar la vagabonde en use elle aussi, et entraîne à sa suite le lecteur dans un périple en littérature au cours duquel elle lui propose incessamment la diversité de tant d’autres vies, fantaisies, et usances ». 14 L’arbre est un exilé, la roche est un proscrit » Victor Hugo, Ce que dit la bouche d’ombre »,... 22Plus étonnantes peut-être que les traces humanistes de Montaigne sont les réminiscences romantiques que l’on peut déceler dans les Mémoires d’Hadrien. Marguerite Yourcenar a fréquenté très tôt la littérature romantique adolescente, la jeune Mlle de Crayencour en avait déjà lu toutes les œuvres majeures. Elle semble s’en être quelque peu éloignée par la suite, et il est parfois difficile de déterminer si les échos romantiques qu’éveille le récit d’Hadrien relèvent d’allusions intertextuelles délibérées ou de souvenirs plus fortuits de lectures de jeunesse. Il semble peu probable néanmoins que l’auteur n’ait pas songé par exemple à Hugo, en choisissant de dépeindre comme des bouches d’ombre » les oracles de mauvais augure parmi lesquels figure la sorcière de Canope p. 210. Voix panthéiste des mystères de la vie et de la mort, la Bouche d’Ombre hugolienne, qui dit jusqu’à l’âme des pierres14, a bien sa place à l’heure où Antinoüs marche vers son sacrifice et sa demi-résurrection minérale. La présence d’échos à des textes postérieurs à l’existence d’Hadrien instille dans la lettre une dimension prophétique. Celle-ci se trouve accentuée lorsque les textes évoqués possèdent eux-mêmes un caractère oraculaire ; de même qu’elle conjure les ombres des Contemplations de Hugo, Marguerite Yourcenar ravive les flammes du Paris » de Vigny, lorsqu’Hadrien, après la dédicace du temple de Vénus et de Rome, médite devant la ville en flamme La nuit qui suivit ces célébrations, du haut d’une terrasse, je regardai brûler Rome. Ces feux de joie valaient bien les incendies allumés par Néron ils étaient presque aussi terribles. Rome le creuset, mais aussi la fournaise, et le métal qui bout, le marteau, mais aussi l’enclume, la preuve visible du changement et des recommencements de l’histoire, l’un des lieux au monde où l’homme aura le plus tumultueusement vécu. La conflagration de Troie, d’où un fugitif s’était échappé, emportant avec lui son vieux père, son jeune fils, et ses Lares, aboutissait ce soir-là à ces grandes flammes de fête. Je songeais aussi, avec une sorte de terreur sacrée, aux embrasements de l’avenir. p. 186-187 23Si les incendies du passé – celui de Troie, celui qu’allume Néron – sont clairement identifiés, les embrasements de l’avenir », eux, demeurent innommés. Parmi ceux-ci figure sans doute cette autre vision d’une ville-fournaise, également contemplée de nuit et depuis une hauteur 15 Alfred de Vigny, Paris », Poèmes antiques et modernes, dans Œuvres complètes I. Poésie et théâtr ... Le vertige parfois est prophétique. – Il faitQu’une Fournaise ardente éblouit ta paupière ?C’est la Fournaise aussi que tu vois. – Sa lumièreTeint de rouge les bords du ciel noir et profond ;C’est un feu sous un dôme obscur, large et sans dans les nuits d’hiver et d’été, quand les heuresFont du bruit en sonnant sur le toit des demeuresParce que l’homme y dort, là veillent des Esprits,Grands ouvriers d’une œuvre et sans nom et sans nuit leur lampe brûle, et le jour elle fume,Le jour elle a fumé, le soir elle s’allume,Et toujours et sans cesse alimente les feuxDe la Fournaise d’or que nous voyons tous deux15. 16 Là, tout fume, tout brûle, tout brille, tout bouillonne, tout flambe, s’évapore, s’éteint, se ra ... 24 Preuve visible du changement et des recommencements de l’histoire », la flamme de l’activité humaine embrase les tableaux des capitales d’un siècle à l’autre, d’un texte à l’autre. Le vertige prophétique » causé par le procédé est d’autant plus grand que la vision de Vigny a pu inspirer celle par laquelle Balzac ouvre cette étonnante Fille aux yeux d’or16 » que les Carnets de notes citent avec fascination parmi les romans historiques p. 330. Mais le regard jeté sur l’avenir ne s’arrête pas là la contemplation d’Hadrien, qui entrevoit un énorme écueil aperçu au loin dans l’ombre » p. 187, se résout en pressentiment à la fois sombre et résigné, comme le poème de Vigny dans lequel un autre écueil menace Paris 17 Paris », op. cit., p. 111. Et je chancelle encor, n’osant plus sur la terreContempler votre ville et son double je crains bien pour elle et pour vous, car voilàQuelque chose de noir, de lourd, de vaste, là,Au plus haut point du ciel, où ne sauraient atteindreLes feux dont l’horizon ne cesse de se teindre ;Et je crois entrevoir ce rocher ténébreuxQu’annoncèrent jadis les prophètes hébreux17. 18 Deux enfants du classicisme Chateaubriand et Yourcenar », Bulletin de la SIEY, no 25, décembre ... 19 François-René de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, livre XIV, chap. I, Jean-Claude Berchet é ... 25Le regard prophétique d’Hadrien sur Rome reflète ainsi le brasier de Paris », poème qui déjà recelait le souvenir d’autres prophètes ce que l’empereur contemple ainsi d’en haut, c’est sans doute également la profondeur des pouvoirs de la littérature mis en abîme. C’est également cette profondeur que Marguerite Yourcenar rencontre chez un autre penseur romantique du temps, qu’elle n’évoque jamais directement, mais dont l’ombre plane sur les Mémoires d’Hadrien Chateaubriand. Écrits dans une Italie bien connue de Chateaubriand voyageur et secrétaire de légation, mais aussi composés au bord de la mort, et après cette traversée du Styx que représente le suicide d’Antinoüs, les souvenirs de l’empereur sont à proprement parler des Mémoires d’outre-tombe. Lorsqu’il conçoit les divisions d’Antinoé, Hadrien se souvient Tout y entrait, Hestia et Bacchus, les dieux du foyer et ceux de l’orgie, les divinités célestes et celles d’outre-tombe » p. 237. De même, tout entre dans l’œuvre de Marguerite Yourcenar, jusqu’à la mémoire d’autres Mémoires Laura Brignoli18 a signalé la parenté qui unit le dernier souffle d’Hadrien Un instant encore, regardons ensemble les rives familières, les objets que sans doute nous ne reverrons plus... », p. 316, et la conclusion du célèbre épisode de la grive de Montboissier Mettons à profit le peu d’instants qui me restent ; hâtons-nous de peindre ma jeunesse, tandis que j’y touche encore le navigateur, abandonnant pour jamais un rivage enchanté, écrit son journal à la vue de la terre qui s’éloigne et qui va bientôt disparaître19. » La réminiscence littéraire est ici très estompée ; elle se perd dans l’émotion poignante qui saisit le lecteur à l’instant des adieux d’Hadrien ; il n’en demeure pas moins que l’effet d’écho fait de celui qui se prépare à entrer dans la mort les yeux ouverts » le frère d’un navigateur en partance et qui touche encore » à sa jeunesse. Prestige et vertige de l’écriture et du souvenir, le dédale de la bibliothèque ouvre à un voyage qui pourrait ne finir jamais. Hadrien, lector in fabula 26La présence discrète des lectures de Marguerite Yourcenar confère à Hadrien une place légèrement décentrée dans la bibliothèque, dont il n’est pas l’unique propriétaire. L’auteur s’estompe certes, mais ne s’efface pas tout à fait, ce qui préserve son œuvre du danger d’être rangée dans le rayonnage des mémoires apocryphes » et des supercheries littéraires. Jamais elle ne cherche à faire passer Hadrien pour l’auteur d’un texte où il est somme toute moins écrivain que lecteur. 20 Jeanine S. Alec a montré qu’il s’agit là d’une constante chez les personnages yourcenariens Da ... 27Hadrien écrit, certes, et ses productions occupent une place de choix dans la bibliothèque de Marguerite Yourcenar elles figurent parmi les premières sources mentionnées dans la Note finale, où elles sont soigneusement inventoriées p. 353. Le plus célèbre de ces textes, le poème Animula, vagula, blandula », épitaphe de l’empereur, joue d’ailleurs un rôle structurant dans l’œuvre il en constitue l’épigraphe, donne son titre à la première section, et reparaît à la toute fin du récit, lorsque l’âme d’Hadrien, devenue un peu moins flottante » pour le lecteur qui a appris à mieux la connaître, s’apprête à un nouvel et incertain envol Petite âme, âme tendre et flottante, compagne de mon corps, qui fut ton hôte, tu vas descendre dans ces lieux pâles, durs et nus, où tu devras renoncer aux jeux d’autrefois » p. 316. Pour belle et fidèle que soit la traduction, ces mots, en prose et en français, ne sont déjà plus tout à fait ceux du versificateur latin en même temps que les derniers mots de Marguerite Yourcenar sont d’Hadrien, les ultima verba d’Hadrien sont de Marguerite Yourcenar. De manière significative, celle-ci leur ajoute une clausule bien à elle Tâchons d’entrer dans la mort les yeux ouverts... » ibid., et une inscription qui porte la marque de l’empereur, mais ne lui donne plus voix Au divin Hadrien Auguste / Fils de Trajan / Conquérant des Parthes [...] » p. 317. Du je de l’épistolier au tu du mourant qui oublie Marc Aurèle pour s’adresser à son âme ; du tu au nous d’une personnalité diverse enfin unifiée au seuil de la mort, mais aussi ouverte à l’universel, et du nous à la marmoréenne troisième personne de la titulature, Hadrien peu à peu quitte les rivages de sa lettre, et dans ce glissement Marguerite Yourcenar suggère qu’il n’a été auteur que passagèrement20. Le narrateur lui-même ne cesse en effet de se dire écrivain médiocre ou velléitaire. Adolescent, sa passion de la poésie lui inspire des ambitions littéraires auxquelles il doit renoncer avec amertume d’abord, puis avec la sérénité de celui qui a éprouvé que sa vie était ailleurs Scaurus me désespéra en m’assurant que je ne serais jamais qu’un poète des plus médiocres le don et l’application manquaient. J’ai cru longtemps qu’il s’était trompé j’ai quelque part, sous clef, un ou deux volumes de vers d’amour, le plus souvent imités de Catulle. Mais il m’importe désormais assez peu que mes productions personnelles soient détestables ou non. p. 44 28Bien plus tard, il est ressaisi du désir d’écrire, mais un nouveau renoncement s’impose à lui, dans la mesure où il se doit avant tout à sa charge impériale J’ébauchai [...] un ouvrage assez ambitieux, mi-partie prose, mi-partie vers, où j’entendais faire entrer à la fois le sérieux et l’ironie, les faits curieux observés au cours de ma vie, des méditations, quelques songes ; le plus mince des fils eût relié tout cela ; c’eût été une sorte de Satyricon plus âpre, J’y aurais exposé une philosophie qui était devenue la mienne, l’idée héraclitéenne du changement et du retour. Mais j’ai mis de côté ce projet trop vaste. p. 236-237 29Éternel changement, éternel retour, Hadrien, qui ne cesse d’écrire, est un homme qui n’a pas le temps de devenir écrivain peut-être est-ce en cela que le temps retrouvé yourcenarien se distingue le plus nettement du temps retrouvé proustien, et qui pourtant éprouve le besoin de revenir sur ses œuvres. 30Le narrateur est ainsi avant tout lecteur, et lecteur de lui-même telle est la place qu’il s’assigne lorsqu’en écrivant à Marc Aurèle il part à la découverte de ce qu’il est J’ignore à quelles conclusions ce récit m’entraînera. Je compte sur cet examen des faits pour me définir, me juger peut-être, ou tout au moins pour me mieux connaître avant de mourir » p. 30. Avant même cette décisive lecture de soi, il a été l’impartial lecteur de ses propres œuvres Je revisais mes propres œuvres les vers d’amour, les pièces de circonstance, l’ode à la mémoire de Plotine. Un jour, quelqu’un aurait peut-être envie de lire tout cela. Un groupe de vers obscènes me fit hésiter ; je finis somme toute par l’inclure. Nos plus honnêtes gens en écrivent de tels. Ils s’en font un jeu ; j’eusse préféré que les miens fussent autre chose, l’image exacte d’une vérité nue. Mais là comme ailleurs les lieux communs nous encagent je commençais à comprendre que l’audace de l’esprit ne suffit pas à elle seule pour s’en débarrasser, et que le poète ne triomphe des routines et n’impose aux mots sa pensée que grâce à des efforts aussi longs et aussi assidus que mes travaux d’empereur. p. 236 31S’il parvient à un regard objectif et détaché sur des écrits pourtant extrêmement personnels, c’est parce qu’il adopte le regard distant de ses éventuels lecteurs à venir ; de ce point d’optique, le poète » apparaît clairement comme l’autre, celui à qui il ressemble peut-être, celui qu’il aurait aimé être sans doute, mais celui qu’il n’est pas. 21 Mes ennemis, l’affreux Servianus en tête, [...] prétendaient que l’ambition et la curiosité avai ... 32Hadrien pressent donc les futurs lecteurs de son œuvre, parmi lesquels Marguerite Yourcenar elle-même. Il les préfigure également, ou plus exactement préfigure le lecteur de Mémoires d’Hadrien, dont il est le double potentiel, bien mieux que Marc Aurèle, destinataire premier à la fois trop individualisé pour être un support d’identification, et trop absent pour incarner l’activité de lecture. Il est des pages de Mémoires d’Hadrien où le livre se métamorphose en un miroir dans lequel le lecteur peut se voir en train de lire celles où le narrateur lui-même lit des lettres. La lettre écrite m’a enseigné à écouter la voix humaine, tout comme les grandes attitudes des statues m’ont appris à apprécier les gestes », confie très tôt l’empereur p. 30. De même que la statuaire classique, parcourue d’âmes mais délivrée du hiératisme, sublime dans le marbre le mouvement humain, la lettre écrite » pérennise, clarifie, épure la parole prononcée le parallèle suggère qu’Hadrien a su trouver dans l’épistolaire ce que précisément Marguerite Yourcenar souhaitait offrir à ses lecteurs le portrait d’une voix » p. 330. Il est même permis d’imaginer Hadrien trouvant cette inflexion pure de la voix humaine dans des lettres qui ne lui sont pas destinées, tout comme que le lecteur des Mémoires d’Hadrien la rencontre dans la lettre à Marc Aurèle. On sait en effet l’empereur avide de découvrir l’être humain dans tous les documents qui peuvent le lui révéler, confidence de ses maîtresses21, rapports de police, et peut-être lettres interceptées. Il se défend des accusations de curiosité malsaine en alléguant son désir de connaître l’autre sans fard On m’a reproché d’aimer à lire les rapports de la police de Rome ; j’y découvre sans cesse des sujets de surprise ; amis ou suspects, inconnus ou familiers, ces gens m’étonnent » p. 31. Un tel rapport au document n’est pas sans lien avec les recherches minutieuses menées par Marguerite Yourcenar pour amasser les pierres authentiques » p. 342 à l’aide desquelles elle bâtit son récit ; il témoigne surtout d’un goût de la lecture en prise directe avec l’homme vrai, qui laisse à penser qu’Hadrien eût aimé lire les Mémoires d’Hadrien. 22 Voir Henriette Levillain, Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar, op. cit., p. 87 et suiv. 23 Rémy Poignault, L’Antiquité dans l’œuvre de Marguerite Yourcenar, op. cit., t. II, p. 433 pour un ... 33La lettre dévoile la voix et la vie des autres ; elle peut aussi, parfois, enseigner la vie. Si Marguerite Yourcenar assigne explicitement aux Mémoires d’Hadrien la première de ces deux fonctions, elle ne renonce pas à la seconde, suggérée par la dimension discrètement didactique de l’épître à Marc Aurèle, et surtout par le rôle-clef que remplit la missive d’Arrien, véritable miroir tendu tout à la fois à Hadrien et au lecteur22. Dans ce texte dont elle propose une adaptation assez libre23 », Marguerite Yourcenar trouve la substantifique moelle de son protagoniste Dans l’absence de tout autre document, la lettre d’Arrien à l’empereur Hadrien au sujet du périple de la mer Noire suffirait à recréer dans ses grandes lignes cette figure impériale », affirme-t-elle dans les Carnets de notes p. 339. Sans doute reflète-t-elle aussi, dans les effets produits sur Hadrien par cette lecture, les ambitions de son propre roman comme les Mémoires d’Hadrien, la lettre d’Arrien articule l’évocation d’une œuvre politique à la passion de l’art, les grandes scansions d’une existence à la fascination du mythe et, par cet entrelacement subtil, aide à penser la vie. En dépit de ses efforts, Hadrien ne s’est pas toujours montré bon lecteur de l’homme et du mythe ; sur les terres glorieuses de l’Iliade il s’égare et se montre inapte à interpréter les signes que lui adresse Antinoüs Je trouvai quelques moments pour me recueillir sur la tombe d’Hector ; Antinoüs alla rêver sur celle de Patrocle. Je ne sus pas reconnaître dans le jeune faon qui m’accompagnait l’émule du camarade d’Achille je tournai en dérision ces fidélités passionnées qui fleurissent surtout dans les livres ; le bel être insulté rougit jusqu’au sang. p. 194 24 Rémy Poignault, Deux amis d’Hadrien Arrien et Plotine », art. cité, p. 184. Rémy Poignault cit ... 34L’épisode est lourd de présages tragiques sous un ciel vert de catastrophe », une inondation chang[e] en îlots les tumulus des tombeaux antiques » ibid. et les hommes, littéralement isolés, échouent à communiquer. L’air vivifiant de l’île d’Achille décrite par Arrien vient dissiper ces nuages la lettre rétablit la compréhension et l’harmonie parce qu’elle est l’œuvre d’un ami, moins passionné que Patrocle et Antinoüs, mais non moins dévoué, ainsi que l’a montré Rémy Poignault [Hadrien] trouve [...] en Arrien un ultime soutien l’auteur du Périple du Pont-Euxin remplit ainsi l’un des devoirs de l’amitié selon Lélius “eniti et efficere, ut amici iacentem animum excitet” ; mais il fait mieux il lui procure une réconciliation avec lui-même et un accès à l’éternité24. » La relation amicale pourrait ainsi fournir le modèle d’une relation littéraire dans laquelle le lecteur, grâce à la connaissance de l’autre, accède à la connaissance de soi. Hadrien goûte en effet pleinement la sagesse d’Arrien, qui constitue certainement l’un des socles les plus solides de sa propre Patientia » Arrien comme toujours a bien travaillé. Mais, cette fois, il fait plus il m’offre un don nécessaire pour mourir en paix ; il me renvoie une image de ma vie telle que j’aurais voulu qu’elle fût. Arrien sait que ce qui compte est ce qui ne figurera pas dans les biographies officielles, ce qu’on n’inscrit pas sur les tombes ; il sait aussi que le passage du temps ne fait qu’ajouter au malheur un vertige de plus. Vue par lui, l’aventure de mon existence prend un sens, s’organise comme dans un poème. p. 297 35Hadrien lit ainsi entre les lignes sa propre biographie, qu’il recompose mais qui a été écrite par un autre en somme il lit les Mémoires d’Hadrien. C’est alors que le présent fait irruption dans le texte, que le temps de sa lecture coïncide tout à la fois avec le temps de l’écriture de la lettre et celui de la lecture du roman. Par la grâce de l’écriture d’Arrien mêlée à celle de Marguerite Yourcenar, Hadrien, Achille et celui qui, à dix-huit siècles de distance lit leur double histoire, pour un instant ne font plus qu’un. Je et les autres 25 Colette Gaudin, Marguerite Yourcenar à la surface du temps, op. cit., p. 95. 36Pour Colette Gaudin, Yourcenar a voulu battre les historiens au jeu de l’objectivité » Ce qui est original pour un écrivain de fiction, c’est qu’elle le fait en décrivant sa participation subjective au récit25. » Présence de l’écrivain dans le roman, mais aussi, évidemment, Carnets de notes et Note finale constituent des éléments de l’écriture de soi intégrés aux Mémoires d’Hadrien. Dans quelle mesure est-il pertinent d’évoquer une dimension autobiographique réelle à l’œuvre derrière l’autobiographie fictive d’Hadrien et en quoi le, les je » du texte, se construisent-ils à l’aune de l’altérité ? Mémoires de Marguerite ? 37Dans les Carnets de notes, Marguerite Yourcenar interdit explicitement tout raccourci interprétatif sur le choix de la première personne et pointe du doigt la [g]rossièreté de ceux qui vous disent “Hadrien, c’est vous” » p. 341. Ainsi la possibilité d’une lecture autobiographique du roman semble-t-elle d’emblée récusée par les propos de l’auteur dont on sait l’importance dans l’exégèse critique de ses propres textes. S’il paraît indispensable de s’interroger sur le choix de l’écriture à la première personne, la démarche autobiographique est certes à envisager dans une perspective très différente des lectures visant à repérer des points communs entre l’auteur et son personnage, tout d’abord en raison de la vision même de l’auteur. 38En effet, Marguerite Yourcenar témoigne d’un certain mépris pour ce qu’on pourrait appeler l’exposition de sa personnalité ; elle s’en explique longuement dans les entretiens avec Matthieu Galey en évoquant tout d’abord son dédain pour la posture égocentrique et vaine qui consiste à parler de soi dans les moindres détails Cette obsession française du culte de la personnalité » la sienne chez la personne qui écrit ou qui parle me stupéfie toujours. Oserais-je dire que je la trouve affreusement petite-bourgeoise ? je, moi, me, mon, ma, mes... Ou tout est dans tout, ou rien ne vaut la peine qu’on en parle. Pour mon compte, dans une réunion dite mondaine », je m’écarte aussi discrètement que je peux de la dame qui m’apprend qu’elle aime beaucoup les marrons glacés, ses » confiseries favorites, ou du monsieur, généralement sénile, qui se montre disposé à me raconter ses » aventures d’amour. YO, p. 205 26 Alain Trouvé, Leçon littéraire sur Mémoires d’Hadrien, op. cit., p. 113. 39Ce manque d’intérêt pour les accidents de sa propre personnalité conduit d’ailleurs Marguerite Yourcenar à l’absence dans ses textes autobiographiques dans Archives du Nord, c’est la filiation qui l’intéresse, non le récit de sa propre enfance, et la romancière avoue son désintérêt pour ce je du passé que les autobiographes tentent pourtant de retrouver Franchement, je ne comprends pas cette insistance sur le “je”, quand ce “je” s’applique à une enfant née en juin 1903 et devenue peu à peu l’être humain que je suis ou essaie d’être » YO, p. 212. Il est vrai que [d]ans la plus grande partie du Labyrinthe du monde, ses Mémoires [...], la narratrice n’est le plus souvent présente qu’en tant que témoin ou biographe » Ce qu’elle raconte, ce sont ses proches, sa famille, ses ascendants26. » Ainsi, même les textes dits autobiographiques de Marguerite Yourcenar sont-ils finalement dégagés de l’omniprésence d’une personnalité, d’une singularité identitaire que l’autobiographe chercherait à saisir. 40D’ailleurs la romancière exprime nettement l’inanité d’une reconstitution autobiographique dans la mesure où le je est aussi étranger à lui-même que ne l’est autrui Tout nous échappe, et tous, et nous-mêmes. La vie de mon père m’est plus inconnue que celle d’Hadrien. Ma propre existence, si j’avais à l’écrire, serait reconstituée par moi du dehors, péniblement, comme celle d’un autre ; j’aurais à m’adresser à des lettres, aux souvenirs d’autrui, pour fixer ces flottantes mémoires. Ce ne sont jamais que murs écroulés, pans d’ombre. S’arranger pour que les lacunes de nos textes, en ce qui concerne la vie d’Hadrien, coïncident avec ce qu’eussent été ses propres oublis. p. 331 41Qu’il s’agisse de soi-même, d’un parent ou d’un personnage, qu’il s’agisse d’une autobiographie, d’une biographie ou d’un roman, la démarche est la même qui consiste à saisir l’existence par une reconstitution. 42Désintérêt profond pour les accidents de sa propre personnalité et impossibilité de saisir son moi » si démarche autobiographique il y a, elle n’est pas à chercher dans les contingences d’un récit de vie. Aussi [l]e public qui chercher des confidences personnelles dans le livre d’un écrivain est un public qui ne sait pas lire » YO, p. 205 tenter de repérer l’ombre portée de l’auteur dans tel détail de vie, dans telle inclination, dans telle opinion d’Hadrien, constitue une aporie aux yeux de Marguerite Yourcenar. Est-ce à dire que la romancière s’efface entièrement dans son personnage ? N’y a-t-il pas de traces de sa présence dans le roman ? Fait-elle véritablement silence ? 27 Alain Trouvé, Leçon littéraire sur Mémoires d’Hadrien » de Marguerite Yourcenar, op. cit., p. 11 ... 43S’il est un espace autobiographique dans Mémoires d’Hadrien, il s’agit clairement des Carnets de notes. Le paratexte délivre en effet de nombreux éléments de la vie de l’auteur circonstances datées, formation et déroulement du projet d’écriture, sentiments personnels. Dans les Carnets se donne à lire quelque chose de l’ordre de la formation de la personnalité évoquée par Philippe Lejeune dans sa définition de l’autobiographie. Alain Trouvé l’affirme clairement malgré leur disposition en fragments, les Carnets incluent un véritable récit de vie et répondent exactement à la définition de l’autobiographie proposée par Philippe Lejeune. » En effet, outre une organisation chronologique et des regroupements thématiques qui prouvent que ces notes ne sont pas restituées telles qu’elles ont été écrites », les Carnets se caractérisent par [l]a présence continue d’un je narrateur-personnage qui réfère à l’auteur réel Marguerite Yourcenar » ainsi que par l’emploi des temps du passé au lieu du présent attendu qui narrativisent nettement l’ensemble27 ». Si les Carnets relèvent donc pour partie du récit autobiographique, qu’en est-il du roman lui-même ? 44Si elle rejette catégoriquement une lecture autobiographique, strictement individuelle, dont il faudrait retrouver trace dans le roman, Marguerite Yourcenar confie malgré tout s’être servi de sa propre expérience pour écrire Mémoires d’Hadrien et avoir par exemple [u]tilis[é] pour mieux comprendre un commencement de maladie de cœur » p. 333 28 Michèle Goslar, Yourcenar biographie, op. cit., p. 160-161. Dès la fin de l’été 1944, Marguerite Yourcenar ressent les premiers symptômes d’une faiblesse cardiaque. Trois semaines plus tard, à New York, un malaise la surprend dans la rue. Elle se réfugie chez ses amis Kayaloff et est contrainte au repos. À quarante et un ans, elle sait qu’elle est malade du cœur et se persuade qu’elle peut mourir à tout moment d’une attaque. Elle se servira de cette expérience personnelle dans un prochain livre qu’elle n’imagine pas encore écrire28. 29 Rémy Poignault, L’Antiquité dans l’œuvre de Marguerite Yourcenar, op. cit., t. II, p. 757. 45Ses inclinations personnelles transparaissent aussi parfois derrière Hadrien, de son propre aveu Quand je fais parler Hadrien de son amour des pays barbares, c’est par moments mon propre goût pour eux qui fait écho au sien » YO, p. 304. Comme le note Rémy Poignault, [c]e goût pour les pays barbares [...] qui appartient aussi à Marguerite Yourcenar, est une création qui lui est propre et qui contraste avec l’extension du limes ou le “panhellénisme antibarbare” qui caractérise la politique de l’empereur29 ». La comparaison entre le prince tel que le présente la romancière et tel que le présentent les documents historiques témoigne ainsi des infléchissements donnés par la création romanesque. Mais cette présence auctoriale ne signale en rien une volonté de paraître derrière le personnage ou de livrer des clés de lecture autobiographiques si Marguerite Yourcenar est présente derrière Hadrien, c’est que sa démarche d’écriture s’inscrit dans une traversée de soi qui vise à dépasser les singularités pour renouer avec l’humanité inscrite en nous-mêmes. 46 Tout être qui a vécu l’aventure humaine est moi » p. 342 c’est là que réside la singularité de l’écriture yourcenarienne, dans cette intégration d’une individualité à la sienne propre pour mieux toucher l’universalité de l’expérience humaine. Cette démarche qui entend saisir l’humanité en soi n’est d’ailleurs pas propre à la fiction et informe également l’écriture de soi Toute l’humanité et toute la vie passent en nous, et si elles ont pris ce chemin d’une famille et d’un milieu en particulier qui fut celui de notre enfance, ce n’est qu’un hasard parmi tous nos hasards » YO, p. 204. La présence de Marguerite Yourcenar dans Mémoires d’Hadrien ne se situe donc pas dans des détails autobiographiques, mais dans une traversée de soi pour toucher l’humain. 47C’est précisément dans cette tentative d’appréhender ce qui nous fait hommes par-delà les siècles et les cultures que naît la démarche autobiographique de Marguerite Yourcenar. En regardant en elle-même les traces de l’humanité, elle entend prendre seulement ce qu’il y a de plus durable, de plus essentiel en nous, dans les émotions des sens ou dans les opérations de l’esprit, comme point de contact avec ces hommes qui comme nous croquèrent des olives, burent du vin, s’engluèrent les doigts de miel, luttèrent contre le vent aigre et la pluie aveuglante et cherchèrent en été l’ombre d’un platane, et jouirent, et pensèrent, et vieillirent, et moururent » p. 332. Point de détails anecdotiques dans cette perception de soi, mais une volonté d’être l’instrument traversé par le sentiment de l’humanité. 48À cet égard, la romancière se perçoit comme un intermédiaire destiné à susciter ou à redonner vie à des personnages inventés ou morts. Marguerite Yourcenar explique ainsi son manque d’intérêt pour elle-même c’est pourquoi je n’ai au fond qu’un intérêt limité pour moi-même. J’ai l’impression d’être un instrument à travers lequel des courants, des vibrations sont passés. Et cela vaut pour tous mes livres, et je dirais même pour toute ma vie » YO, p. 309. Dans cette perspective où l’auteur est un intermédiaire dont le rôle consiste à insuffler la vie, se dessine un processus de création proche d’une véritable gestation. 49En effet, Marguerite Yourcenar emploie systématiquement le lexique de la vie, du mouvement, voire de la chair, pour évoquer le processus de création à l’œuvre ainsi écrit-elle avoir tâch[é] de rendre leur mobilité, leur souplesse vivante, à ces visages de pierre » dans Mémoires d’Hadrien p. 332, et avoir cherché à rendre l’empereur vivant On a le curriculum vitae d’Hadrien, c’est-à-dire qu’on sait, année après année, les différents emplois, les différents dignités dont il a été revêtu. Mais on ne sait pas grand-chose de plus. On sait le nom de quelques-uns de ses amis ; on connaît un peu son groupe à Rome, sa vie personnelle. Alors j’ai tâché de reconstituer tout cela, à partir des documents, mais en m’efforçant de les revivifier ; tant qu’on ne fait pas entrer toute sa propre intensité dans un document, il est mort, quel qu’il soit. YO, p. 146 50Dans cette perspective, l’auteur doit savoir se taire et n’être qu’un réceptacle à la voix du personnage comme une matrice nourrirait un être à venir sans pour autant lui imposer sa propre forme, [o]n doit tâcher d’entendre, de faire silence en soi pour entendre ce qu’Hadrien pourrait dire, ou ce que Zénon pourrait dire dans telle ou telle circonstance » Ne jamais y mettre du sien, ou alors inconsciemment, en nourrissant les êtres de sa substance, comme on les nourrirait de sa chair, ce qui n’est pas du tout la même chose que de les nourrir de sa propre petite personnalité, de ces tics qui nous font nous » YO, p. 69. Ici se donne clairement à lire la métaphore de la gestation. Récusant absolument l’identité entre elle-même et ses personnages, Marguerite Yourcenar se place comme l’être pourvoyeur d’une substance vivante nécessaire à la création 30 Son père, figure centrale d'Archives du Nord et de Quoi ? l’Éternité, les deux derniers volets du ... Je ne suis pas plus Michel30 que je suis Zénon ou Hadrien. J’ai essayé de le reconstituer – comme tout romancier – à partir de ma substance, mais c’est une substance indifférenciée. On nourrit de sa substance le personnage qu’on crée c’est un peu un phénomène de gestation. Il faut bien, pour lui donner ou lui rendre la vie, le fortifier d’un apport humain, mais il ne s’ensuit pas qu’il soit nous ou que nous soyons lui. Les entités restent différentes. YO, p. 211 51Ainsi la présence de Marguerite Yourcenar ne vaut-elle, à ses yeux, que dans la stricte mesure où elle existe en tant que membre de l’humanité tout particularisme, toute communauté de personnalité semble alors dérisoire tant la vision de soi atteint l’universalité. 52De ce processus créatif naît un paradoxe finalement, Hadrien se trouve peut-être davantage en Marguerite qu’elle-même ne se trouve en lui. C’est en tout cas ce qu’elle semble signifier lorsqu’elle met l’accent sur l’importance du personnage dans sa vie, et sur le fait qu’il a existé et existe encore à ses côtés. Tout autant qu’un infléchissement de l’auteur sur le personnage, c’est le personnage qui semble in fine laisser sa trace sur l’auteur Il semble que tout ce que j’ai tenté d’exprimer au sujet d’Hadrien rejaillisse en quelque sorte sur moi. Sa lucidité fortifie le peu de lucidité que je possède ; je me souviens, en cas de crise, qu’il en a traversé et les a surmontées ; sa disciplina augusta, sa virtus augusta me soutiennent, et plus encore me convient sa dernière devise de malade Patientia. YO, p. 227 31 Henriette Levillain, Mémoires d’Hadrien » de Marguerite Yourcenar, op. cit., p. 179. 53Henriette Levillain écrit d’ailleurs que, [sur] un autre plan plus personnel, mais à plus long terme, Hadrien appartient à la généalogie mi-reconstituée, mi-rêvée des ancêtres de Marguerite de Crayencour » Au fur et à mesure que l’auteur des Archives du Nord décline les noms de ses ancêtres flamands, elle note, ou provoque, toutes sortes de coïncidences entre la vie, la culture et la personnalité de l’empereur romain et celles de ses ascendants31. » 54La vie réelle se mêle alors aux constructions de l’imaginaire pour former un espace intérieur dont la complexité dépasse la frontière entre fiction et réalité il en va ainsi des [l]ieux où l’on a choisi de vivre, résidences invisibles qu’on s’est construites à l’écart du temps ». J’ai habité Tibur, écrit-elle, j’y mourrai peut-être, comme Hadrien dans l’Île d’Achille. » p. 347. Marguerite Yourcenar signale alors l’aporie d’une distinction entre sa propre vie et celle de ses personnages, allant jusqu’à récuser la distinction entre fiction et non-fiction, tant est profonde et réciproque son immersion créative Vous avouerais-je que je n’ai jamais eu le sentiment d’écrire de la fiction » ? J’ai toujours attendu que ce que j’écrivais fût assez incorporé à moi pour n’être pas différent de ce que seraient mes propres souvenirs [...] ; la maladie d’Hadrien me paraît aussi authentique que mes maladies. YO, p. 307 L’art délicat du portrait 55Dans les Carnets de notes, Marguerite Yourcenar écrit qu’elle aurait souhaité développer le portrait » d’un certain nombre d’êtres », tels Plotine, Sabine, Arrien, Suétone, mais que le choix de l’écriture personnelle imposait un regard nécessairement partiel et partial, lacunaire et erroné. En effet, Hadrien ne pouvait les voir que de biais. Antinoüs lui-même ne peut être aperçu que par réfraction, à travers les souvenirs de l’empereur, c’est-à-dire avec une minutie passionnée, et quelques erreurs » p. 335. Pour autant, dans le roman se dessinent les visages d’êtres dont le lecteur ressent l’importance Antinoüs, évidemment, mais aussi Plotine, présences entourant l’existence d’Hadrien dans la pierre et dans la vie. Les pierres... 56Amoureux de l’art et de la pensée hellénique, Hadrien voit dans la sculpture une image de la vie mais aussi de l’amour si la lettre écrite [lui] a enseigné à écouter la voix humaine », ce sont les grandes attitudes immobiles des statues [qui lui] ont appris à apprécier les gestes » p. 30. La statue semble indissociable de l’amour, tout se passant comme si la beauté et la grâce sensuelle étaient transfigurées et saisies dans leur acmé par l’art sculptural. Ces liaisons, agréables quand ces femmes étaient habiles, devenaient émouvantes quand elles étaient belles. J’étudiais les arts ; je me familiarisais avec des statues ; j’apprenais à mieux connaître la Vénus de Cnide ou la Léda tremblant sous le poids du cygne » p. 74 Hadrien relie explicitement son expérience amoureuse au sentiment esthétique, les femmes aimées rejoignant Vénus et Léda dans une communauté vivante. 57D’emblée s’exprime ainsi le paradoxe tenu dans le roman entre l’immobilité et le mouvement, entre la rigidité et la vie, entre la mort et l’amour, la statue fixant une forme d’essence vitale dans un processus presque démiurgique. Les réflexions d’Hadrien sur la construction, longuement développées dans Tellus stabilita », soulignent bien la part vivante contenue dans la pierre Notre art est parfait », écrit Hadrien, c’est-à-dire accompli, mais sa perfection est susceptible de modulations aussi variées que celles d’une voix pure » p. 145. Si la pierre peut contenir le souffle et la vie, dans quelle mesure Hadrien se rêve-t-il en Pygmalion ? 58La question du portrait porte en effet en elle-même celle de la création et du rapport entre le créateur et son œuvre. À ce titre, portraits, statues, sculptures et monuments abondent dans le roman et signalent la volonté impériale de figer l’amour disparu, qu’il s’agisse d’Antinoüs ou de Plotine. Les statues et monuments érigés par Hadrien naissent en effet du désir de renouer avec les disparus ainsi des chapelles d’Antinoüs, et ses temples, chambres magiques, monuments d’un mystérieux passage entre la vie et la mort, oratoires d’une douleur et d’un bonheur étouffants, [...] lieu de la prière et de la réapparition » où Hadrien se livre à [s]on deuil » p. 142. De la même manière, à Nîmes, Hadrien établi[t] le plan d’une basilique dédiée à Plotine et destinée à devenir un jour son temple » p. 154. 59L’omniprésence des portraits d’Antinoüs dans le roman n’est pas une invention de l’auteur mais témoigne bel et bien d’une réalité historique ils abondent, et vont de l’incomparable au médiocre. Tous, en dépit des variations dues à l’art du sculpteur ou à l’âge du modèle, à la différence entre les portraits faits d’après le vivant et les portraits exécutés en l’honneur du mort, bouleversent par l’incroyable réalisme de cette figure toujours immédiatement reconnaissable et pourtant si diversement interprétée, par cet exemple, unique dans l’Antiquité, de survivance et de multiplication dans la pierre d’un visage qui ne fut ni celui d’un homme d’État ni celui d’un philosophe, mais simplement qui fut aimé. p. 336 60Hadrien a multiplié les images d’Antinoüs et s’il n’existe pas de monnaie romaine à son effigie, c’est en raison de l’opposition du Sénat et non d’une volonté impériale ; l’abondance des portraits d’Antinoüs dans le roman s’inscrit donc dans la référentialité historique. 61Pour autant, Markus Meßling voit dans l’importance donnée à la sculpture dans le roman une dimension symbolique très forte dépassant largement le cadre de la reconstitution historique La statue grecque n’est pas seulement un moyen pour l’écrivain de faire revivre la pensée hellénique d’un prince romain. Étant la concrétion pierreuse du corps humain et subissant les forces modificatrices du temps, la sculpture dépasse son statut uniquement historique dans l’ouvrage de Marguerite Yourcenar et devient ainsi une image modèle à partir de laquelle l’écrivain dépeint sa vision poético-philosophique du temps et de l’existence humaine. 32 Markus Meßling, La fonction de la sculpture dans Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar par ... Comme la sculpture est mutilée par les éléments naturels, à mesure que le temps passe, l’homme en tant qu’individu, lui-même sculpture, se voit soumis à un temps destructeur qui dévore » son œuvre. Mais de même que l’intention du sculpteur résiste au temps car elle ressort encore incontestablement de la ruine d’une statue classique, les structures, voire la substance même de l’existence humaine ressortent de cette chaîne » de pertes perpétuelles. Le passé paraît ainsi comme un grand écran » qui reflète l’immuable nature de l’homme. C’est dans ce sens que l’historicité tourne dans l’universalité dans l’œuvre de Marguerite Yourcenar32. 62Ainsi la pierre porte-t-elle la trace de la temporalité et engage-t-elle dans le roman une méditation sur la vanité de l’existence et du pouvoir soumis, comme toute construction humaine, à la ruine. L’érection de monuments et la création sculpturale sont alors à envisager dans le cadre d’une réflexion sur la destruction et la mort la création porterait en elle-même la trace de sa destruction future, comme une naissance porte sa propre mort. Dans cette entreprise qui consiste à conserver une forme de vie se lit ainsi le désir démiurgique de résister au temps. 63Hadrien explicite d’ailleurs le lien de la construction à la temporalité et à la vie [c]onstruire, écrit-il, c’est collaborer avec la terre c’est mettre une marque humaine sur un paysage qui en sera modifié à jamais » ; reconstruire, c’est collaborer avec le temps sous son aspect de passé, en saisir ou en modifier l’esprit, lui servir de relais vers un plus long avenir ; c’est retrouver sous les pierres les secrets des sources. » Ici la voix de Marguerite Yourcenar, rêvant dans les Carnets du contact avec les siècles passés via la pierre ou l’objet, semble se faire entendre derrière celle d’Hadrien, lorsqu’il écrit Notre vie est brève nous parlons sans cesse des siècles qui précèdent ou qui suivent le nôtre comme s’ils nous étaient totalement étrangers ; j’y touchais pourtant dans mes jeux avec la pierre. Ces murs que j’étaie sont encore chauds du contact de corps disparus ; des mains qui n’existent pas encore caresseront ces fûts de colonnes. Plus j’ai médité sur ma mort, et surtout sur celle d’un autre, plus j’ai essayé d’ajouter à nos vies ces rallonges presque indestructibles. p. 141 64La construction dans la brique éternelle » de Rome et le marbre natal » de Grèce ou d’Asie relèvent ainsi d’une recherche de l’humanité et la sculpture devient monde Je suis comme nos sculpteurs l’humain me satisfait ; j’y trouve tout, jusqu’à l’éternel. La forêt tant aimée se ramasse pour moi tout entière dans l’image du centaure ; la tempête ne respire jamais mieux que dans l’écharpe ballonnée d’une déesse marine. Les objets naturels, les emblèmes sacrés, ne valent qu’alourdis d’associations humaines la pomme de pin phallique et funèbre, la vasque aux colombes qui suggère la sieste au bord des fontaines, le griffon qui emporte le bien-aimé au ciel. p. 146 65En accord avec sa vision de l’art, Hadrien confesse que [l’]art du portrait [l’]intéressait peu » dans la mesure où les portraits romains n’ont qu’une valeur de chronique copies marquées de rides exactes ou de verrues uniques, décalques de modèles qu’on coudoie distraitement dans la vie et qu’on oublie sitôt morts » p. 146 ce qu’Hadrien rejette, c’est l’individualité, la singularité peinte dans le portrait puisqu’il n’y voit là que détail, contingence, anecdote. Les Grecs au contraire ont aimé la perfection humaine au point de se soucier assez peu du visage varié des hommes » et dans cette perspective, le portrait véritable accède à l’universalité. C’est pourquoi – et la voix de Marguerite Yourcenar se fait sans doute entendre ici encore – Hadrien affirme ne jet[er] qu’un coup d’œil à [sa] propre image, cette figure basanée, dénaturée par la blancheur du marbre, ces yeux grands ouverts, cette bouche mince et pourtant charnue, contrôlée jusqu’à trembler » p. 146. 66Antinoüs va pourtant bouleverser cette conception de l’art comme accès à l’humanité, le portrait devenant symbole de l’obsession d’Hadrien à faire revivre le disparu le visage d’un autre m’a préoccupé davantage. Sitôt qu’il compta dans ma vie, l’art cessa d’être un luxe, devint une ressource, une forme de secours. J’ai imposé au monde cette image il existe aujourd’hui plus de portraits de cet enfant que de n’importe quel homme illustre, de n’importe quelle reine. J’eus d’abord à cœur de faire enregistrer par la statuaire la beauté successive d’une forme qui change ; l’art devint ensuite une sorte d’opération magique capable d’évoquer un visage perdu. Les effigies colossales semblaient un moyen d’exprimer ces vraies proportions que l’amour donne aux êtres ; ces images, je les voulais énormes comme une figure vue de tout près, hautes et solennelles comme les visions et les apparitions du cauchemar, pesantes comme l’est resté ce souvenir ibid. 67La mort d’Antinoüs signe alors une conception nouvelle de l’art chargé de porter le deuil et de rendre la vie, et Hadrien distingue lui-même entre les statues et portraits du jeune vivant » destinés à saisir le mouvement de la vie changeante, le passage du corps adolescent à l’âge adulte dans toutes ses variations, et les portraits d’après la mort, et où la mort a passé, ces grands visages aux lèvres savantes, chargés de secrets qui ne sont plus les [s]iens, parce que ce ne sont plus ceux de la vie » p. 147. La statue touche alors au sacré et teinte la volonté créatrice d’une dimension presque magique. 33 Dans les Carnets de notes, Marguerite Yourcenar souligne d’ailleurs l’élément presque faustien d ... 68En effet, si Hadrien s’entoure de statues à la mort du bien-aimé, son rapport à la sculpture change et atteint précisément une forme de désir presque faustien33 34 Philippe Berthier, Regarder les images jusqu’à les faire bouger », dans Les Diagonales du temps. ... C’est bien d’opération cabalistique qu’il convient de parler dans cette initiative pathétique – parce qu’on la sait vaine – d’extravaser sur un mannequin inerte un monde d’affects qui le ressusciterait. Dans sa folie sublime, cette démarche est celle-là même de l’écrivain. Lorsqu’elle entreprend en effet de resituer Antinoüs à l’intérieur de la restitution d’Hadrien, Yourcenar se livre à des manipulations sorcières qui sont exactement mimétiques de celles de l’empereur34... 69Dans cette perspective, qu’il s’agisse d’Hadrien ou de Marguerite Yourcenar, l’art du portrait s’inscrit dans une démarche presque démiurgique à l’image de Pygmalion, l’empereur et la romancière cherchent à donner ou redonner la vie à l’être rigidifié par la mort, le symbolisme de la pierre étant à cet égard tout à fait explicite. À ce titre, la description de l’embaumement d’Antinoüs révèle combien la volonté de figer la vie aboutit à un atroce chef d’œuvre » p. 217, indice de la dimension paradoxale d’un art devenu mortifère. Mais là où la pierre fige ces êtres dans des espaces mortuaires, Marguerite Yourcenar insuffle une voix à Hadrien, lui donnant à jamais la mesure de la vie. ...et les voix 70Les Mémoires d’Hadrien sont avant tout le [p]ortrait d’une voix » Si j’ai choisi d’écrire ces Mémoires d’Hadrien à la première personne, c’est pour me passer le plus possible de tout intermédiaire, fût-ce de moi-même », écrit Marguerite Yourcenar. Hadrien pouvait parler de sa vie plus fermement et plus subtilement que moi. » p. 330. Le roman ne propose pas le portrait physique de l’empereur à l’exception de la maladie ouvrant la lettre à Marc Aurèle et des méditations sur l’importance des sens dans l’expérience du monde, le corps d’Hadrien ne fait pas l’objet d’une peinture dans le roman. Par ailleurs, si la voix d’Hadrien dresse le portrait d’êtres qui l’entourent, ces derniers n’ont pas la parole et leurs voix ne se font pas véritablement entendre. Marguerite Yourcenar explique cette absence dialogique par l’impossibilité historiographique de transcrire le ton de la conversation Hadrien, pour jeter ce long coup d’œil sur sa vie, devait se servir de cet instrument de lucidité qu’était pour le monde gréco-romain, dont il est le représentant parfait, la parole organisée, presque impersonnelle. Je me suis rendu compte que le monologue était la seule forme possible, et je n’ai pas introduit dans le texte de conversations, parce que nous ignorons comment ces gens-là se parlaient. J’ai publié, beaucoup plus tard, un long essai dans la Nouvelle Revue française, qui paraîtra un de ces jours en volume, dans lequel j’ai exprimé l’immense difficulté de faire parler entre eux les gens de l’Antiquité. Nous avons des comédies latines, certes, imitées elles-mêmes de ce qu’on appelle la nouvelle comédie » grecque, et datant d’au moins deux siècles et demi avant Hadrien elles oscillent entre le langage de la rue, les quolibets et les injures, comme chez Plaute, et un langage artificiellement raffiné de gens bien élevés, tels qu’ils s’expriment sur la scène, comme chez Térence, et cela dans des situations romanesques toujours plus ou moins invariables. Rien dans tout cela qui nous donne le ton exact de ce qu’ont pu être les propos d’Hadrien avec Trajan, avec Antinoüs ou avec Plotine. YO, p. 141 71Absence de voix autres, donc, mais présence de portraits peints par la voix d’Hadrien ainsi lit-on de Plotine un portrait ample et précis au travers duquel la personnalité de l’impératrice se dessine davantage que ses traits physiques. [F]igure en vêtements blancs, aussi simples que peuvent l’être ceux d’une femme », portant les lourdes tresses qu’exigeait la mode » p. 95-96, Plotine est surtout le visage de la dignité, du respect et de l’amitié. L’une des images les plus emblématiques du personnage se situe lors de la scène du bûcher de Trajan Calme, distante, un peu creusée par la fièvre, elle demeurait comme toujours clairement impénétrable » p. 105 et c’est son beau silence » p. 121 et son effacement qui fondent paradoxalement son omniprésence dans la vie d’Hadrien comme dans le roman. Appréciée pour ses silences, [...] ses paroles mesurées qui n’étaient jamais que des réponses, et les plus nettes possible », ils partagent tous deux la passion d’orner, puis de dépouiller [leur] âme, d’éprouver [leur] esprit à toutes les pierres de touche » p. 95. Hadrien écrit Elle inclinait à la philosophie épicurienne, ce lit étroit, mais propre, sur lequel j’ai parfois étendu ma pensée. Le mystère des dieux, qui me hantait, ne l’inquiétait pas ; elle n’avait pas non plus mon goût passionné des corps. Elle était chaste par dégoût du facile, généreuse par décision plutôt que par nature, sagement méfiante, mais prête à tout accepter d’un ami, même ses inévitables erreurs p. 96. 72Celle qui a toujours été pour Hadrien un esprit, une pensée à laquelle s’était mariée la [s]ienne » p. 182 trouve son pendant charnel avec Antinoüs, dont le portrait physique est en revanche extrêmement développé. 73Ce sont tout d’abord les portraits véritables du jeune homme qui sont évoqués, retraçant l’adoration d’Hadrien Il y a les statues et les peintures du jeune vivant, celles qui reflètent ce paysage immense et changeant qui va de la quinzième à la vingtième année le profil sérieux de l’enfant sage ; cette statue où un sculpteur de Corinthe a osé garder le laisser-aller du jeune garçon qui bombe le ventre en effaçant les épaules, la main sur la hanche, comme s’il surveillait au coin d’une rue une partie de dés. Il y a ce marbre où Papias d’Aphrodisie a tracé un corps plus que nu, désarmé, d’une fraîcheur fragile de narcisse. Et Aristéas a sculpté sous mes ordres, dans une pierre un peu rugueuse, cette petite tête impérieuse et fière. p. 147 74Le portrait d’Antinoüs se poursuit au travers des souvenirs d’Hadrien et il est révélateur qu’à l’instar de Plotine, Antinoüs, pourtant omniprésent, reste silencieux tant dans le roman que dans la diégèse [s]a présence », écrit Hadrien, était extraordinairement silencieuse il m’a suivi comme un animal ou comme un génie familier » p. 170. Hadrien détaille précisément cette beauté si visible » p. 171 dans tout ce qu’elle a de changeant les figures que nous cherchons désespérément nous échappent ce n’est jamais qu’un moment... Je retrouve une tête inclinée sous une chevelure nocturne, des yeux que l’allongement des paupières faisait paraître obliques, un jeune visage large et comme couché. Ce tendre corps s’est modifié sans cesse, à la façon d’une plante, et quelques-unes de ces altérations sont imputables au temps. L’enfant a changé ; il a grandi. [...] La moue boudeuse des lèvres s’est chargée d’une amertume ardente, d’une satiété triste. En vérité, ce visage changeait comme si nuit et jour je l’avais sculpté. p. 171 75Dans cette image d’Hadrien sculpteur se lit la tentation démiurgique soulignée plus haut en même temps que s’exprime implicitement la part de culpabilité qui, plus tard, le rongera, comme s’il était responsable du destin de sa créature. 76Ainsi le monologue d’Hadrien est-il bien le portrait d’une voix » qui dresse à son tour le portrait d’êtres ayant empli son existence sans pour autant que ces derniers puissent accéder à la parole dans le roman Plotine comme Antinoüs demeurent des figures silencieuses. Pourtant, il pourrait sembler plus évident à une femme écrivain de donner la parole à une voix féminine comme celle de Plotine. À ce titre, on a souvent interrogé Marguerite Yourcenar sur la moindre importance des femmes dans ses textes et sur l’idée, qu’elle rejette scandalisée, qu’elle se serait cachée derrière des voix d’hommes Dans Mémoires d’Hadrien, il s’agissait de faire passer une dernière vision du monde antique vue par un de ses derniers grands représentants, et que cet être eût l’expérience du pouvoir suprême, celle de la guerre, celle d’immenses voyages, celle du grand commis occupé de réformes économiques et civiles aucune figure historique de femme n’était dans ces conditions-là, mais Hadrien, dans une pénombre discrète, a sa parèdre féminine. Je ne parle pas de quelques jeunes maîtresses, qui ont été pour lui une distraction, je parle de Plotine, la conseillère et l’amie, avec qui le liait une amitié amoureuse », dit textuellement l’un des chroniqueurs antiques. YO, p. 271 77Dans les Carnets de notes, Marguerite Yourcenar explique déjà cette [i]mpossibilité [...] de prendre pour figure centrale un personnage féminin, de donner, par exemple, pour axe à [s]on récit, au lieu d’Hadrien, Plotine ». La raison en est culturelle La vie des femmes est trop limitée, ou trop secrète. Qu’une femme se raconte, et le premier reproche qu’on lui fera est de n’être plus femme. Il est déjà assez difficile de mettre quelque vérité à l’intérieur d’une bouche d’homme » p. 329. 78Enfin, en dépit de l’insistance de Marguerite Yourcenar sur la nécessité de faire silence en elle pour faire advenir la parole d’Hadrien, c’est par sa propre voix qu’elle insuffle la vie à son personnage. Paola Ricciulli remarque ainsi que l’insistance sur le silence de l’auteur est trop marquée pour n’être pas suspecte. Derrière la neutralité apparente, de discrètes traces de subjectivité transparaissent les goûts, les réflexions, le style communs au narrateur et à l’auteur, visibles par exemple dans l’abondance des maximes, ou encore la langue elle-même, trahissent cette communauté de voix 35 Paola Ricciulli, Voix de l’auteur et voix du narrateur dans Mémoires d’Hadrien », dans Hadrien o ... Le véhicule de la communication est donc la langue de l’auteur et non celle du narrateur. Il ne s’agit pas là d’une intervention » négligeable de la part de Yourcenar si l’on considère l’ensemble des fonctions et des valeurs » exprimées, même indirectement, par la langue. Un choix dicté certainement par l’immense difficulté de faire parler entre eux les gens de l’Antiquité », mais qui transforme, objectivement, ce chant intime » en un chant à deux voix »35. 79Ainsi ce portrait d’une voix », traversé par des visages, figures omniprésentes mais silencieuses, comme autant d’ombres portées sur l’existence d’Hadrien, se veut-il plongée dans l’intériorité protéiforme d’un être auquel l’auteur prête sa voix. À travers la reconstitution de ces souvenirs, Marguerite Yourcenar cherche à saisir Hadrien toute la complexité de ce qui le fait individu, personnage, homme 36 La citation est extraite de Mishima ou la vision du vide. 37 Yves-Alain Favre, Conscience du sacré et sacré de la conscience dans l’œuvre de Marguerite Yourc ... tout d’abord l’individu, changeant, épars et contradictoire, qui tantôt se cache et tantôt se rend visible, véritable Protée qui demeure difficile à saisir ; ensuite le personnage, forgé par l’individu et destiné à servir de masque ou d’écran afin de se protéger ou de sciemment provoquer autrui ; on peut aisément le définir, mais il n’apporte guère de révélation décisive. En fin, plus profondément, l’homme réel et ce ce secret impénétrable qui est celui de toute vie36 ». Cette essence de l’être reste énigmatique pour autrui ; le terme d’ impénétrable » montre bien qu’il s’agit d’un secret, donc d’une réalité sacrée, qui échappe à toute prise de l’intelligence37. 80C’est précisément dans cette triple perception de l’être que se dessine l’universalité à laquelle aspire Marguerite Yourcenar est-ce à dire qu’en dépit d’une inscription historique forte, Mémoires d’Hadrien porte la trace de l’éternité ? Le grand pan n’est pas mort 38 Voir Philippe Borgeaud, La mort du grand Pan. Problèmes d’interprétation », Revue de l’histoire ... 81Au IIe siècle après Jésus-Christ, Plutarque annonce, dans un passage énigmatique de son traité Sur la disparition des oracles, la mort du grand Pan38 », figure du paganisme et du Tout. En recréant la vie d’un empereur contemporain de Plutarque, et qui fut son admirateur et son hôte p. 87, Marguerite Yourcenar démontre exactement le contraire. Hadrien s’attache à préserver les traditions polythéistes de la Grèce et de Rome, mais surtout il incarne la possibilité pour l’individu de se savoir partie d’un tout qui lui demeure accessible. Figure prismatique, reflet changeant du lecteur et de l’auteur, personnage insaisissable et voix encore audible, il atteste la porosité des frontières de l’être. À travers le bâtisseur du Panthéon, et par la démarche même qui préside à son écriture, Marguerite Yourcenar témoigne que Tout » est encore présent à qui sait le reconnaître. Hadrien, homme de tous les temps 82En réinventant les Mémoires d’un personnage historique, Marguerite Yourcenar peint une période bien précise, et à nulle autre pareille, ce IIe siècle [...] des derniers hommes libres », dont elle admet dans les Carnets de notes que nous sommes peut-être déjà fort loin » p. 342. Mais la modalisation apportée par ce peut-être » en dit long sur l’aura d’éternité qui émane d’Hadrien. Marguerite Yourcenar choisit de redonner parole et vie à un personnage à la fois attaché aux traditions dans ce qu’elles ont de plus fécond et de moins sclérosant – la pensée libre des Grecs –, et tourné vers le progrès au sens le plus simple et le plus noble du terme – la marche raisonnée de Rome et du monde Le moment semblait venu », estime-t-il, de réévaluer toutes les prescriptions anciennes dans l’intérêt de l’humanité » p. 128. Dans cet être qui n’ignore ni les origines ni l’avenir de son monde, elle retrouve ainsi ce qu’il y a d’immuable en l’homme. Parce qu’il est soumis au temps et inscrit dans le temps, Hadrien peut devenir l’image de l’homme inchangé, et l’auteur fait de ce paradoxe l’une des règles de son écriture [...] prendre seulement ce qu’il y a de plus durable, de plus essentiel en nous, dans les émotions des sens ou dans les opérations de l’esprit, comme point de contact avec ces hommes qui comme nous croquèrent des olives, burent du vin, s’engluèrent les doigts de miel, luttèrent contre le vent aigre et la pluie aveuglante, et cherchèrent en été l’ombre d’un platane, et jouirent, et pensèrent, et vieillirent, et moururent. p. 332 83Hadrien lui-même possède la conscience de cette permanence des émotions et sensations humaines en ce qu’elles ont de plus pur et de plus simple, peut-être de plus instinctif. Par ses ancêtres, et notamment son grand-père Marullinus, il se sent lié à des temps primitifs, mais non totalement disparus La dureté presque impénétrable de Marullinus remontait plus loin, à des époques plus antiques. C’était l’homme de la tribu, l’incarnation d’un monde sacré et presque effrayant dont j’ai parfois retrouvé les vestiges chez nos nécromanciens étrusques », se souvient-il lorsqu’il commence à relater son existence p. 40. Il pressent aussi la parenté qui l’unit à ceux qui viendront après lui. Alors qu’il achève son récit, il songe au successeur encore lointain qui transformera le visage de Rome, mais ne s’en émeut guère Il héritera de nos palais et de nos archives ; il différera de nous moins qu’on pourrait le croire » p. 314. Apaisante, cette conscience de la continuité n’est pourtant pas la marque d’un optimisme ou d’une confiance inconsidérés. On décèle aussi chez l’empereur une forme de résignation, née de la certitude que les plus tristes aspects de la condition humaine sont eux aussi inchangeables. Sa clairvoyance se fait souvent sombre, aussi ne s’illusionne-t-il pas sur les effets de ses tentatives de réformer le sort des esclaves Je doute que toute la philosophie du monde parvienne à supprimer l’esclavage on en changera tout au plus le nom. Je suis capable d’imaginer des formes de servitude pires que les nôtres, parce que plus insidieuses soit qu’on réussisse à transformer les hommes en machines stupides et satisfaites, qui se croient libres alors qu’elles sont asservies, soit qu’on développe chez eux, à l’exclusion des loisirs et des plaisirs humains, un goût du travail aussi forcené que la passion de la guerre chez les races barbares. p. 129 84En un siècle encore très près de la libre vérité du pied nu », l’empereur entrevoit déjà les déformations à venir, qui pourtant ne suffisent pas à altérer la substance, la structure humaine » p. 333. 85La perception conjointe de l’immuable et du changeant permet à Marguerite Yourcenar de faire de son personnage un homme de tous les temps, sans pour cela verser dans une indifférenciation des siècles qui serait simplificatrice et mensongère. Hadrien reflète en vérité un certain mouvement de l’histoire, une disposition de l’esprit humain qui refait surface de distance en distance et assure la continuité en même temps qu’elle la révèle. Dans Les Yeux ouverts, Marguerite Yourcenar dit reconnaître en cet empereur somme toute si peu romain un homme d’un autre temps, bien plus près de nous que le typique empereur romain de Suétone, ou des films et des romans à grand spectacle ; en un sens, c’est un homme de la Renaissance » YO, p. 152. Mécène avisé, humaniste avant l’heure, épris de toutes les humanités », voyageur libre et passionné de grandes découvertes, Hadrien tient à la fois de Laurent le Magnifique, d’Érasme et de Montaigne, et peut-être parfois, dans son pragmatisme politique, de Machiavel. Ces rencontres d’esprits, néanmoins, n’arrachent pas Hadrien à son siècle lui-même signale que ses idéaux sont fort partagés et relèvent d’un esprit des temps » Humanitas, Felicitas, Libertas ces beaux mots qui figurent sur les monnaies de mon règne, je ne les ai pas inventés. N’importe quel philosophe grec, presque tout Romain cultivé se propose du monde la même image que moi » p. 126. Mais c’est précisément parce qu’elle est en prise avec son époque tout en la débordant que l’œuvre d’Hadrien est grande et éveille des résonances renaissantes en faisant renaître la Grèce, en bâtissant temples et bibliothèques, il assure l’un des relais qui permettront aux hommes du XVIe siècle de faire à leur tour renaître Rome. Conscient de travailler avec les hommes du passé, il tend aussi la main à ceux des siècles futurs J’avais collaboré avec les âges, avec la vie grecque elle-même ; l’autorité que j’exerçais était moins un pouvoir qu’une mystérieuse puissance, supérieure à l’homme, mais qui n’agit efficacement qu’à travers l’intermédiaire d’une personne humaine ; le mariage de Rome et d’Athènes s’était accompli ; le passé reprenait un visage d’avenir p. 192. 86De renaissance en renaissance, l’action de quelques hommes d’exception sur la marche du temps permet d’espérer, en plein XXe siècle, le retour d’un saeculum aureum » qui prendrait le visage de cette paix à la fois fragile et exceptionnellement durable gagnée par Hadrien. Le personnage yourcenarien élabore en effet une théorie de l’harmonie des peuples d’autant plus porteuse d’espoir qu’elle émane d’un pragmatique et non d’un utopiste [...] chaque heure d’accalmie était une victoire, précaire comme elles le sont toutes ; chaque dispute arbitrée un précédent, un gage pour l’avenir. Il m’importait assez peu que l’accord fut extérieur, imposé du dehors, probablement temporaire je savais que le bien comme le mal est affaire de routine, que le temporaire se prolonge, que l’extérieur s’infiltre au-dedans, et que le masque, à la longue, devient visage. Puisque la haine, la sottise, le délire ont des effets durables, je ne voyais pas pourquoi la lucidité, la justice, la bienveillance n’auraient pas les leurs. p. 111 87Ce précédent » d’apaisement que représente le règne d’Hadrien acquiert un éclat tout particulier en 1951, celui des rêves que l’on croit sur le point de se réaliser. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la renaissance de la pax romana est plus que jamais désirable et, reconsidérant son roman une trentaine d’années après sa parution, Marguerite Yourcenar admet l’avoir crue possible Les Nations unies, à ce moment-là, cela comptait. Enfin, on pouvait imaginer un manipulateur de génie capable de rétablir la paix pendant cinquante ans, une pax americana ou europeana, peu importe. On ne l’a pas eu. Il ne s’est présenté que de brillants seconds. Mais, à l’époque, j’avais la naïveté de croire que c’était encore possible. On pouvait se dire qu’un homme plus intelligent, plus capable de naviguer dans une passe difficile, avait des chances de réussite... Je me rends compte maintenant que c’était une illusion. C’est ce qui fait que je suis passée d’Hadrien à L’Œuvre au noir. Mais au temps où j’écrivais Mémoires d’Hadrien, il était possible d’espérer, pour une période très courte encore, dans cette euphorie qui suit la fin des guerres... YO, p. 149 88Œuvre en apparence si détachée de son siècle, Mémoires d’Hadrien s’avère ainsi être le fruit d’une explosion de violence – Avoir vécu dans un monde qui se défait m’enseignait l’importance du Prince », reconnaît l’auteur p. 328 – et d’une étroite période d’espérance. En ce sens, le roman est bien un reflet de son temps. Il ne s’agit pas pour Marguerite Yourcenar de tendre à ses contemporains un miroir idéal de leur époque – son personnage lui-même récuse tout idéalisme La paix était mon but, mais point du tout mon idole ; le mot même d’idéal me déplairait comme trop éloigné du réel » p. 111. Sans doute songe-t-elle moins encore à offrir aux hommes d’État de son temps un modèle de bon gouvernement elle ne s’attendait guère à ce que son livre soit lu, moins encore à ce qu’il soit compris Seuls, quelques amateurs de destinée humaine comprendront », écrit-elle dans les Carnets de notes p. 340. Elle n’en témoigne pas moins d’une foi peut-être passagère mais qui traduit la survivance d’une ambition humaine jamais tout à fait éteinte dans le personnage d’Hadrien perdurent et renaissent les espoirs de l’empereur qui régnait sur les derniers hommes libres ». Homo sum... 39 Térence, L’Héautontimorouménos, dans Comédies II, J. Marouzeau et J. Gérard trad., Paris, Les Be ... 89Homme de tous les temps, Hadrien le multiple est aussi potentiellement tous les hommes. L’empereur pourrait faire sienne la phrase célèbre de l’ancien esclave Térence Homo sum ; nihil a me alienum puto39 » il est homme, et rien de ce qui est humain ne semble lui être étranger. Humanistes, les Mémoires d’Hadrien le sont par leurs affinités avec le courant de pensée renaissant, mais aussi plus immédiatement par l’attention soutenue et souvent humble que le narrateur accorde à l’humain. Sans cesse en mouvement, mais symboliquement au centre de l’empire et de tout, Hadrien interroge sa place et sa mesure d’homme, ouvrant ainsi l’humanisme sur un universalisme. L’aventure humaine » 90 En un sens, toute vie racontée est exemplaire », écrit Marguerite Yourcenar dans les Carnets de notes p. 342, avant de souligner les dangers que fait courir au biographe un propos exclusivement démonstratif le propos y perd de ses nécessaires nuances, la vie racontée » de sa complexité. De quoi Hadrien, grand homme, certes, mais homme faillible, est-il l’exemple ? Les Carnets de notes suggèrent peu après une réponse à la fois simple et paradoxale il est celui qui a, par excellence et pleinement, vécu l’aventure humaine » ibid., exemplaire moins par l’exceptionnel statut qui le distingue des autres hommes que par sa faculté à être à la fois lui-même et eux tous. Alors qu’il s’apprête à retracer son existence, il résume par la négative cette ambivalence féconde Tantôt ma vie m’apparaît banale, au point de ne pas valoir d’être, non seulement écrite, mais même un peu longuement contemplée, nullement plus importante, même à mes propres yeux, que celle du premier venu. Tantôt elle me semble unique, et par là même sans valeur, inutile, parce qu’impossible à réduire à l’expérience du commun des hommes p. 34. 91Par cette dualité, les Mémoires d’Hadrien mettent au jour ce que l’on pourrait nommer l’extraordinaire banalité – ou l’ordinaire exception – de chaque expérience. L’existence d’un empereur tout comme celle d’un homme obscur », tel le Nathanaël du dernier roman de Marguerite Yourcenar, porte en elle une irréductible unicité en même temps que la marque du destin commun. Et que le protagoniste soit doté d’une position et d’une lucidité d’exception ne fait que rendre plus perceptible cette tension. 40 Comme l’eau qui coule est le titre donné par Marguerite Yourcenar au recueil qui regroupe Anna, so ... 92Son aventure », Hadrien la mène en effet au sens étymologique du terme il traverse tout ce qui doit advenir » dans une vie d’homme, plaisir et souffrance, bonheur et détresse, amour, passion, deuil et maladie. L’imminence de son décès le rend même apte à témoigner de cette grande aventure commune qu’est la mort, aventure dans laquelle chaque être est en permanence engagé, mais qui demeure généralement inconnaissable et donc indicible Dire que mes jours sont comptés ne signifie rien ; il en fut toujours ainsi ; il en est ainsi pour nous tous », admet l’empereur mourant p. 12. Mais aussitôt il identifie ce qui déjà le sépare des vivants, tout en lui permettant de comprendre mieux qu’eux-mêmes leur condition Mais l’incertitude du lieu, du temps, et du mode, qui nous empêche de bien distinguer ce but vers lequel nous avançons sans cesse, diminue pour moi à mesure que progresse ma maladie mortelle » ibid. S’il lui est ainsi donné de connaître le but » de toute aventure humaine », Hadrien a aussi l’humilité d’en accepter l’absence, non pas de sens, mais de direction perceptible. Bien qu’il ait savamment construit sa carrière impériale, il se sait aussi confusément formé par les remous d’un sort dont il n’a pas la maîtrise Je perçois bien dans cette diversité, dans ce désordre, la présence d’une personne, mais sa forme semble presque toujours tracée par la pression des circonstances ; ses traits se brouillent comme une image reflétée sur l’eau » p. 33. Narcisse détourné de sa propre contemplation par les rapides d’une vie qui passe comme l’eau qui coule40 », Hadrien est à même d’apercevoir, au-delà du miroir des apparences, son insaisissable visage d’homme. Ses aveux d’impuissances sont en ce sens les meilleurs révélateurs de sa clairvoyance il sait sa vue bornée et brouillée, mais le fait même d’en avoir conscience, et de comprendre le pourquoi de cette défaillance, est déjà un correctif, ainsi que le suggèrent les dernières analyses, résignées et lucides, d’ Animula vagula blandula » [...] l’esprit humain répugne à s’accepter des mains du hasard, à n’être que le produit passager de chances auxquelles aucun dieu ne préside, surtout pas lui-même. Une partie de chaque vie, et même de chaque vie fort peu digne de regard, se passe à rechercher les raisons d’être, les points de départ, les sources. p. 35 93L’Hadrien yourcenarien ne diffère en somme des autres hommes que par le fait de se savoir tout à fait homme, sans fausse modestie ni fatuité. Aussi affirme-t-il sereinement sa supériorité Il n’y a qu’un seul point sur lequel je me sens supérieur aux autres hommes je suis tout ensemble plus libre et plus soumis qu’ils n’osent l’être. Presque tous méconnaissent également leur juste liberté et leur vraie servitude » p. 52. 94Reconnaître en l’autre son semblable ne signifie pas nécessairement le connaître ou le comprendre, ni même se connaître ou se comprendre Tout nous échappe, et tous, et nous-mêmes », écrit Marguerite Yourcenar p. 331, et elle confère cette certitude à son personnage. Mais c’est s’offrir la possibilité d’entrer, même passagèrement, dans la vie d’un autre, et de découvrir ainsi une autre facette de l’humain. Hadrien paraît en effet doué de la faculté de cerner au plus près même ceux qui diffèrent radicalement de lui, et peut-être surtout ceux qui diffèrent de lui. Trop proche, Antinoüs lui demeure illisible il semble à l’empereur que, par son dévouement même, le favori abdique en quelque sorte une part de son altérité Je m’émerveillais de cette dure douceur ; de ce dévouement sombre qui engageait tout l’être. Et pourtant, cette soumission n’était pas aveugle ; ces paupières si souvent baissées dans l’acquiescement ou dans le songe se relevaient ; les yeux les plus attentifs du monde me regardaient en face ; je me sentais jugé. Mais je l’étais comme un dieu l’est par son fidèle mes duretés, mes accès de méfiance car j’en eus plus tard étaient patiemment, gravement acceptés. Je n’ai été maître absolu qu’une fois, et que d’un seul être. p. 171 95Même au-delà de la mort, Antinoüs demeure ce bel étranger que reste malgré tout chaque être qu’on aime » p. 189. Bien plus accessibles en revanche sont les êtres que tout, a priori, éloigne d’Hadrien. Il parvient ainsi à observer dans toute sa vérité la maîtresse infidèle à laquelle il offre de quoi acheter l’amour d’un autre, le danseur Bathylle Elle s’assit par terre, petite figure nette de joueuse d’osselets, vida le sac sur le pavement, et se mit à diviser en tas le luisant monceau. Je savais que pour elle, comme pour nous tous, prodigues, ces pièces d’or n’étaient pas des espèces trébuchantes marquées d’une tête de César, mais une matière magique, une monnaie personnelle, frappée à l’effigie d’une chimère, au coin du danseur Bathylle. Je n’existais plus. Elle était seule. Presque laide, plissant le front avec une délicieuse indifférence à sa propre beauté, elle faisait et refaisait sur ses doigts, avec une moue d’écolier, les additions difficiles. Elle ne m’a jamais tant charmé. p. 78 96De même que l’homme riche sait comprendre la femme qui a d’immenses besoins d’argent » ibid., le maître de Rome devine les motivations et les réactions de l’obscur esclave des mines de Tarragone qui cherche à le tuer Point illogiquement, il se vengeait sur l’empereur de ses quarante-trois ans de servitude. Je le désarmai facilement ; sa fureur tomba ; il se transforma en ce qu’il était vraiment, un être pas moins sensé que les autres, et plus fidèle que beaucoup » p. 128. Dans une moindre mesure, il parvient même à se rapprocher de l’ennemi par excellence, Bar Kochba. La révolte juive dont ce dernier est le meneur lui est incompréhensible, mais l’ascension de l’ aventurier » de Jérusalem n’est peut-être pas sans rapport avec la sienne Je ne puis juger ce Simon que par ouï-dire ; je ne l’ai vu qu’une fois face à face, le jour où un centurion m’apporta sa tête coupée. Mais je suis disposé à lui reconnaître cette part de génie qu’il faut toujours pour s’élever si vite et si haut dans les affaires humaines ; on ne s’impose pas ainsi sans posséder au moins quelque habileté grossière. p. 254 97Partiellement opaque à lui-même, Hadrien n’en est que plus capable de percer l’opacité des autres, ne serait-ce que parce qu’il la respecte. Sans s’exagérer les ressemblances ni les différences, il s’éprouve ainsi homme parmi les hommes, et admet je suis comme eux, du moins par moments, ou j’aurais pu l’être » p. 51. En lui, Marguerite Yourcenar construit un personnage exemplairement homme. Hommes et bêtes 41 Sur ce sujet, voir Loredana Primozich, Kou-Kou-Haï ou le rêve de de l’universel », dans Maria Jo ... 42 Cette couverture et cette défroque pendue à un clou sentaient le suint, le lait et le sang. Ces ... 43 Même les âges, les sexes, et jusqu’aux espèces, lui paraissaient plus proches qu’on ne le croit ... 44 Rémy Poignault, Hadrien, le limes et l’exil », dans Marguerite Yourcenar, Cume an spearwa... » ... 98Les efforts de compréhension d’Hadrien ne se circonscrivent toutefois pas à l’homme ; ils tendent à s’ouvrir à tout ce qui l’entoure. Si l’humain se définit pour une part dans son rapport au divin, il ne trouve son exacte place qu’en s’inscrivant dans le monde naturel. Cette préoccupation, constante chez Marguerite Yourcenar, s’est exprimée dans ses prises de position écologistes et ses engagements en faveur de la cause animale, mais également dans son œuvre littéraire, depuis Suite d’estampes pour Kou-Kou-Haï », texte poétique composé en 1927 en hommage à l’un de ses chiens dont elle fait une figure de l’universel41, jusqu’à sa conférence du 8 avril 1981 intitulée, d’après l’Ecclésiaste, Qui sait si l’âme des bêtes s’en va en bas ? » et publiée dans Le Temps, ce grand sculpteur. La thématique demeure relativement discrète dans Mémoires d’Hadrien l’auteur se garde de projeter sur son personnage ses engagements personnels. Hadrien ne va pas jusqu’aux méditations de Zénon, qui retrouve dans chaque objet l’être dont il provient42, ou de Nathanaël qui fraternise avec tout ce qui existe43. Il lui arrive néanmoins de communier avec les éléments lorsque, malade, le plaisir de la nage lui est défendu, il parvient à le revivre en pensée et à dépasser le souvenir des sensations humaines pour se fondre dans une eau dont il éprouve ainsi la libre mobilité Il y eut des moments où cette compréhension s’efforça de dépasser l’humain, alla du nageur à la vague » p. 15. Il exauce alors mieux que jamais son propre vœu d’immersion dans le Tout, évoqué par Rémy Poignault Le personnage de Marguerite Yourcenar, dans un souci d’indépendance, souhaiterait abolir toutes les limites ainsi l’humain, atteignant l’universel, coïncidant avec le Tout, il n’y aura plus aucune possibilité ouverte à un quelconque exil44 » – instant sans doute miraculeux pour un homme immobilisé qui se meurt d’hydropisie. 99C’est cependant surtout dans son rapport au règne animal qu’Hadrien s’avère capable de franchir les limites de l’humain. Féru d’art cynégétique, il exerce dans la chasse une violence instinctive qui traduit son amour d’une faune qu’il respecte et divinise. Ainsi affirme-t-il avoir toujours entretenu avec la Diane des forêts les rapports changeants et passionnés d’un homme avec l’objet aimé » p. 13. Tuer une proie n’est pas, dans l’esprit du chasseur, le moyen d’affirmer la suprématie des hommes sur les bêtes, mais au contraire une manière de s’égaler à elles, en réintégrant le cycle naturel des vies et des morts. Hadrien renoue avec d’ancestrales représentations du chasseur lorsqu’il détaille l’émotion qui le saisit au passage d’un cerf Même ici, à Tibur, l’ébrouement soudain d’un cerf sous les feuilles suffit [...] à faire tressaillir en moi un instinct plus ancien que tous les autres, et par la grâce duquel je me sens guépard aussi bien qu’empereur » p. 14. Mieux encore que la bête sauvage, l’animal domestiqué enseigne à l’homme ce qu’il est profondément un fauve n’est qu’un adversaire, mais un cheval était un ami », se souvient Hadrien ibid. Le cheval Borysthènes, auquel l’Hadrien historique fit élever un tombeau et dont le nom est donné à un village p. 304, paraît occuper dans la vie de l’empereur une place aussi importante que Céler, ami des dernières années et aide de camp chargé des montures de l’empereur vieillissant. La parfaite docilité du cheval repose en effet sur une compréhension étroite et réciproque entre l’homme et l’animal il savait exactement, et mieux que moi peut-être, le point où ma volonté divorçait d’avec ma force » p. 15. Grâce à lui, Hadrien semble bien avoir été par instant cette créature hybride dans laquelle il projette son moi idéal Si l’on m’avait laissé le choix de ma condition, j’eusse opté pour celle de Centaure », affirme-t-il p. 14 – et l’allusion mythologique est ici bien plus qu’une hyperbole destinée à traduire la passion de l’art équestre. 45 Cette image de Lucius a-t-elle été suggérée à Marguerite Yourcenar par la performance révolutionna ... 46 Voir la signification que Victor Hugo confère à cette figure mythologique dans Le Satyre » prem ... 100À l’image de cet autoportrait en Centaure, les comparaisons et métaphores choisies par le narrateur traduisent sa perception des êtres, et d’un monde où les frontières sont ténues entre l’humain et l’animal. Pour traduire la légèreté et l’effronterie capricantes du jeune Lucius, Hadrien évoque un demi-dieu aux pieds et cornes de bouc ce jeune faune dansant45 occupa six mois de ma vie » p. 122. La silhouette de Pan, en qui se rejoignent animalité et humanité46, et auquel les faunes sont apparentés, se profile alors. C’est également sous le signe de celui dont le nom signifie Tout » qu’est placée la rencontre avec Antinoüs l’éraste remarque pour la première fois l’éromène lors d’une réunion qui se déroule au bord d’une source consacrée à Pan » p. 169. En compagnie de son favori, Hadrien s’adonne aux plaisirs de la musique, et joue - est-ce un hasard ? – de la flûte, instrument associé à la figure mythologique de Pan p. 175. On ne s’étonne guère que, placé sous de tels auspices, le jeune Bythinien ne cesse d’être lui-même dépeint comme une créature mi-humaine mi-animale. Hadrien voit en lui tantôt un beau lévrier avide de caresses et d’ordres » p. 170, tantôt un chevreau mis en présence d’un reptile » p. 195, tantôt un jeune faon » p. 194. Si ce réseau métaphorique suggère le caractère fragile et sauvage d’Antinoüs, et met en relief l’autorité qu’exerce sur lui Hadrien, il est loin d’être le signe de l’incommunicabilité tragique qui peu à peu sépare les deux hommes. Ces images d’animalité sont peut-être au contraire le peu que l’empereur a su saisir de son favori, fidèle et dévoué jusqu’à s’assimiler lui-même, par son suicide, à l’un des animaux familiers d’Hadrien. Les préceptes de la sorcière de Canope, qu’Antinoüs respecte à la lettre, spécifient en effet que le sacrifice est d’autant plus efficace que la créature immolée est proche du bénéficiaire Autant que possible », rappelle Hadrien, la victime devait m’avoir appartenu ; il ne pouvait s’agir d’un chien, bête que la superstition égyptienne croit immonde ; un oiseau eût convenu » p. 211. Antinoüs fait tout d’abord l’offrande de son faucon, dont la petite tête ensommeillée et sauvage » p. 212 n’est pas sans rappeler le portrait qu’Hadrien trace du jeune homme. Il choisit ensuite de devenir lui-même l’oiseau sacrifié, et se métamorphose ainsi en un nouvel Osiris, dieu noyé et père d’Horus, divinité solaire à tête de faucon. Dans le regard d’Hadrien, dans le geste d’Antinoüs, dans l’écriture de Marguerite Yourcenar, l’animal, l’homme et le dieu parfois se confondent, unissant l’individuel et l’universel. Vers un savoir universel 101Homme de la Renaissance avant l’heure, maître d’un monde mais aussi explorateur d’un monde plus vaste encore au regard duquel il questionne ses propres limites, Hadrien ressemble à l’Adam évoqué par Pic de la Mirandole dans un extrait de l’Oratio de hominis dignitate placé par Marguerite Yourcenar en épigraphe de L’Œuvre au noir 47 L’Œuvre au noir, op. cit., p. 10. Je ne t’ai donné ni visage, ni place qui te soit propre, ni aucun don qui te soit particulier, ô Adam, afin que ton visage, ta place, et tes dons, tu les veuilles, les conquières et les possèdes par toi-même. Nature enferme d’autres espèces en des lois par moi établies. Mais toi, que ne limite aucune borne, par ton propre arbitre, entre les mains duquel je t’ai placé, tu te définis toi-même. Je t’ai placé au milieu de ce monde, afin que tu pusses mieux contempler ce que contient le monde. Je ne t’ai fait ni céleste ni terrestre, mortel ou immortel, afin que toi-même, librement, à la façon d’un bon peintre ou d’un sculpteur habile, tu achèves ta propre forme47. 48 De toutes choses connaissables », devise de Pic de la Mirandole. 102Amant passionné des statues, Hadrien se sculpte lui-même par la Disciplina augusta » et la Patientia », mais également par la contemplation et la connaissance, qui lui permettent d’amalgamer à sa propre substance l’infinie diversité du monde. Humain aussi par ses faiblesses, l’Hadrien yourcenarien ne prétend pas pouvoir témoigner de omni re scibili48 » ; à travers lui, Marguerite Yourcenar soulève néanmoins la question de la possibilité même d’un savoir qui tendrait vers l’universel. Libido sciendi... 103Les Mémoires d’Hadrien peuvent se lire comme la biographie d’un homme érudit recomposée par une femme qui ne l’est pas moins ; ils constituent donc, pour le lecteur, le mode d’accès au savoir d’un être et de son temps, en même temps qu’une source d’informations sur cet être et ce temps. Rien de documentaire pourtant dans l’œuvre de Marguerite Yourcenar le savoir y vaut moins pour lui-même que pour les réflexions qu’il suscite. 49 Voir Beatrice Ness, Mystification et créativité dans l’œuvre romanesque de Marguerite Yourcenar, ... 104L’existence même de Mémoires d’Hadrien est le fruit d’un savoir livresque dont la Note finale permet de saisir l’ampleur et la profondeur rien de ce qui touche, de près ou de loin, à Hadrien n’a semble-t-il échappé à Marguerite Yourcenar, qui énumère minutieusement ses sources, et justifie jusqu’aux moindres détails de son œuvre, expliquant par exemple que le nom d’Arété, bien qu’ arbitrairement [...] donné à l’intendante de le Villa », provient d’un poème authentique d’Hadrien » p. 351. C’est de l’authenticité de sa reconstitution » que l’auteur témoigne en dévoilant l’immense travail d’érudition qui sous-tend le récit, persuadée que sa valeur humaine est [...] singulièrement augmentée par la fidélité aux faits » p. 350. Le savoir, et l’accès à la véridicité qui en émane, seraient donc des valeurs » humaines et littéraires donnant au récit son poids, à l’écriture son prix, et à l’auteur sa raison d’être elle a le sentiment d’appartenir à une espèce de Gens Ælia, de faire partie de la foule des secrétaires du grand homme, de participer à cette relève de la garde impériale que montent les humanistes et les poètes se relayant autour d’un grand souvenir » p. 344. Cependant Marguerite Yourcenar s’attache à gommer autant que possible de son œuvre les traces de ce savoir la Note est un texte tardif, qui ne lui a pas toujours paru indispensable aux Mémoires d’Hadrien et dont elle remet en cause l’utilité, alors même qu’elle la publie Une reconstitution du genre de celle qu’on vient de lire [...] touche par certains côtés au roman et par d’autres à la poésie ; elle pourrait donc se passer de pièces justificatives » p. 351. Interrogée sur ses méthodes de travail par Matthieu Galey, elle nie avoir effectué des recherches systématiques en bibliothèque, et met en avant un long et profond processus d’imprégnation, qui n’a pas nécessairement été mené en vue de la rédaction des Mémoires d’Hadrien YO, p. 139-140 la passion de connaître est bien là, mais non le désir de savoir dans un but purement utilitaire. Dans le récit lui-même enfin, tout ce qui pourrait rappeler au lecteur le sous-bassement érudit de l’œuvre disparaît l’étude génétique du roman49 révèle que Marguerite Yourcenar, en même temps qu’elle corrigeait ce que son lexique pouvait avoir de trop actuel, a supprimé des fragments de texte consacrés à la description des mœurs romaines. 105Cette volonté de fondre dans le creuset du livre la somme de connaissances qui entre dans sa composition relève d’abord d’un souci de vraisemblance. Ce qui n’est accessible à l’écrivain ou au lecteur du XXe siècle que grâce à des fouilles presque archéologiques dans d’épaisses strates de témoignages et de documents est familier à Hadrien et à son correspondant rien ne justifierait donc que l’épistolier s’attarde longuement sur les realia du monde romain, moins encore qu’il s’attache à les expliquer. Mais la défiance que l’on perçoit chez Marguerite Yourcenar à l’égard du substrat savant qu’elle considère pourtant comme indispensable à son écriture a également des raisons plus profondes, dont la lettre d’Hadrien se fait l’écho. Apprendre tout ne suffit pas à tout savoir, telle semble être la conviction partagée par l’auteur et son personnage. Avant d’entreprendre le récit de son existence, Hadrien examine en effet les moyens de connaissance qui s’offrent à lui pour parler au plus juste, et les déclare tous imparfaits Comme tout le monde, je n’ai à mon service que trois moyens d’évaluer l’existence humaine l’étude de soi, la plus difficile et la plus dangereuse, mais aussi la plus féconde des méthodes ; l’observation des hommes, qui s’arrangent le plus souvent pour nous cacher leurs secrets ou pour nous faire croire qu’ils en ont ; les livres, avec les erreurs particulières de perspectives qui naissent entre leurs lignes. p. 30 106S’il déclare préférer la connaissance par les livres à l’observation directe des hommes », méthode moins complète encore » p. 31, il juge lacunaire par nature le savoir livresque, qui ne fait sens qu’au regard de l’expérience la vie [lui] a éclairci les livres » p. 30, et ses réserves rejoignent et explicitent tout à la fois l’attitude prudente de Marguerite Yourcenar à l’égard de ses sources. Selon Hadrien, l’écrit, transmutation du réel, n’en retient qu’un reflet fragmentaire ou épuré, c’est-à-dire nécessairement faussé, gauchi Je m’accommoderais fort mal d’un monde sans livres, mais la réalité n’est pas là, parce qu’elle n’y tient pas tout entière », résume-t-il p. 31. 50 Les philosophes font subir à la réalité, pour pouvoir l’étudier pure, à peu près les mêmes trans ... 107Livre bâti avec et sur des livres, les Mémoires d’Hadrien disent la passion de lire, le caractère indispensable de la lecture, les pouvoirs du livre, et notamment de la fiction à propos des contes, Hadrien admet bien que ces derniers soient réputés frivoles, je leur dois peut-être plus d’informations que je n’en ai recueilli dans les situations assez variées de ma propre vie » p. 30. Marguerite Yourcenar, et Hadrien plus encore, qui vit à une époque où une culture exhaustive est encore possible, semblent avoir lu tous les livres » J’ai lu à peu près tout ce que nos historiens, nos poètes, et même nos conteurs ont écrit », affirme l’empereur ibid. Ils y puisent un savoir immense, mais aussi la conscience aiguë de ce qui leur échappe les livres, lieu de naissance de l’Hadrien pensant qui a pu y port[er] pour la première fois un coup d’œil intelligent sur soi-même » p. 43, ne suffisent cependant pas à lui expliquer sa propre vie. De même, pour Marguerite Yourcenar recomposant l’homme qu’il a été, Hadrien n’est pas, ou n’est plus, ou n’est pas tout entier dans les livres qui le dépeignent, ni même dans les textes qu’il a écrit. Est-il davantage dans Mémoires d’Hadrien ? Le roman peut-il autre chose qu’approcher la vérité d’un être tout en suggérant honnêtement, sinon sa propre vanité, du moins ses limites ? Les impressions éprouvées par le lecteur et par l’auteur elle-même au cours de son travail laissent à penser que oui. Hadrien parle Hadrien pouvait parler de sa vie plus fermement et plus subtilement que moi », disent les Carnets de notes, p. 330, il ment, parfois À de certains moments, d’ailleurs peu nombreux, il m’est même arrivé de sentir que l’empereur mentait. Il fallait alors le laisser mentir, comme nous tous », p. 341 et, parce qu’il ment, s’affranchit ce cette réalité pure mais atomisée des philosophes que lui-même récuse50 le temps d’une lecture, Hadrien existe, parce qu’à l’amour du savoir et de la sagesse se mêlent, dans l’écriture de Marguerite Yourcenar, d’autres amours. ... et magie sympathique » 108La connaissance, et en particulier la connaissance de l’autre ses contemporains pour Hadrien, et Hadrien lui-même pour Marguerite Yourcenar, ne relève en effet pas exclusivement de la saisie intellectuelle. Elle peut aussi être le fruit d’une rencontre plus intuitive, presque d’ordre mystique. À seize ans, Hadrien apprend du médecin Léotichyde, esprit positif et adepte d’une méthode empirique à préférer les choses aux mots » p. 47. C’est pourtant bien grâce aux mots, et plus précisément grâce à la rhétorique, qu’il a découvert peu auparavant la faculté de devenir autre par un effort de l’esprit Quant aux exercices de rhétorique où nous étions successivement Xerxès et Thémistocle, Octave et Marc-Antoine, ils m’enivrèrent ; je me sentis Protée. Il m’apprirent à entrer tour à tour dans la pensée de chaque homme, à comprendre que chacun décide, vit et meurt selon ses propres lois. p. 44 51 Edith Marcq, L’empathie ou une manière d’écriture yourcenarienne », dans Marguerite Yourcenar, é ... 109L’ivresse à la fois naïve et profonde de l’étudiant grec » n’est pas sans lien avec les rituels d’écriture mis en place par Marguerite Yourcenar elle-même, que les mots mènent aux choses et aux êtres. La connaissance érudite et aussi exhaustive que possible de son sujet lui offre en effet la possibilité d’une intimité véritable avec les êtres qu’elle évoque comme on évoque un esprit. Les Carnets de notes décrivent une méthode dans laquelle savoir et sensation sont indissociables, et qui conduit à un contact, à une communication, voire à une communion avec ce qui échappe à l’intellect Un pied dans l’érudition, l’autre dans la magie, ou plus exactement, et sans métaphore, dans cette magie sympathique qui consiste à se transporter en pensée à l’intérieur de quelqu’un » p. 330. Pour que les Mémoires d’Hadrien dépassent l’aporie des livres où la réalité n’entre pas tout entière », il ne suffit pas de tout savoir de l’empereur l’auteur éprouve également le besoin de sentir avec lui, de sentir en lui ce qu’il a été. La sympathie est alors à entendre dans son sens le plus courant comme dans son sens étymologique la magie » sans doute, ne saurait opérer sans certaines affinités électives qui unissent la créatrice et son personnage, mais elle consiste à participer à ses joies, à ses peines, à ses passions, à éprouver les propres lois » de l’autre, à un tel degré que l’on a pu qualifier d’empathique l’écriture yourcenarienne51. 110Et peut-être est-ce par ce goût et cette faculté de se fondre en l’autre que Marguerite Yourcenar rejoint le plus étroitement le personnage qu’elle réinvente. Il s’agit là en effet de l’une des préoccupations constantes d’Hadrien tel qu’elle le représente, tel qu’elle dit l’avoir entendu. Tout au long de son existence, il semble chercher à retrouver l’éblouissement causé par les exercices de rhétorique qui avaient ressuscité en lui d’illustres disparus. Mais le prodige, alors, s’étend aux vivants comme aux morts, aux intimes comme aux inconnus, et potentiellement à tout être. Lorsqu’il s’agit d’Antinoüs, ces tentatives achoppent les marbres les plus criants de ressemblance ne peuvent redonner vie au défunt, les efforts les plus douloureux pour retrouver ses ultimes sensations ne peuvent permettre à l’endeuillé de vivre sa mort Je reconstituais le fléchissement de la passerelle sous les pas pressés, la berge aride, le dallage plat ; le couteau qui scie une boucle au bord de la tempe ; le corps incliné ; la jambe qui se replie pour permettre à la main de dénouer la sandale ; une manière unique d’écarter les lèvres en fermant les yeux. Il avait fallu au bon nageur une résolution désespérée pour étouffer dans cette boue noire. l’essayai d’aller en pensée jusqu’à cette révolution par où nous passerons tous, le coeur qui renonce, le cerveau qui s’enraye, les poumons qui cessent d’aspirer la vie. Je subirai un bouleversement analogue. Mais chaque agonie est différente ; mes efforts pour imaginer la sienne n’aboutissaient qu’à une fabrication sans valeur il était mort seul. p. 223-224 111Le caractère ineffable et incompréhensible de chaque mort n’est cependant peut-être pas le véritable obstacle à cette tentative de souffrir le trépas d’un autre. Marguerite Yourcenar dit s’y être essayée, et semble-t-il avec plus de succès, puisque l’expérience de la mort revécue d’Hadrien a donné naissance aux dernières pages du livre Le 26 décembre 1950, par un soir glacé, au bord de l’Atlantique, dans le silence presque polaire de l’Île des Monts Déserts, aux États-Unis, j’ai essayé de revivre la chaleur, la suffocation d’un jour de juillet 138 à Baïes, le poids du drap sur les jambes lourdes et lasses, le bruit presque imperceptible de cette mer sans marées arrivant çà et là à un homme occupé des rumeurs de sa propre agonie. J’ai essayé d’aller jusqu’à la dernière gorgée d’eau, le dernier malaise, la dernière image. L’empereur n’a plus qu’à mourir. p. 342-343 112Si Hadrien ne peut faire l’expérience des derniers instants d’Antinoüs, c’est plus vraisemblablement parce que la solitude extrême, par essence, ne se partage pas rejoindre le jeune homme, sympathiser avec lui dans son suicide impliquerait qu’il cesse d’être lui-même, et Hadrien se montre attentif à ne pas dénaturer le dernier acte de son amant, dût-il pour cela renoncer à le comprendre En prenant sur moi toute la faute, je réduis cette jeune figure aux proportions d’une statuette de cire que j’aurais pétrie, puis écrasée entre mes mains. Je n’ai pas le droit de déprécier le singulier chef-d’œuvre de son départ ; je dois laisser à cet enfant le mérite de sa propre mort » p. 189. 113Hors de cet extrême, tout paraît avoir été accessible aux facultés sympathiques d’Hadrien. Sans doute même a-t-il vu parfois la figure opaque d’Antinoüs s’éclairer pour lui grâce à la communion sensuelle dans laquelle il trouve le plus sûr moyen de connaître véritablement l’autre J’ai rêvé parfois d’élaborer un système de connaissance humaine basé sur l’érotique, une théorie du contact, où le mystère et la dignité d’autrui consisteraient précisément à offrir au Moi ce point d’appui d’un autre Monde. La volupté serait dans cette philosophie une forme plus complète, mais aussi plus spécialisée, de cette approche de l’Autre, une technique de plus mise au service de la connaissance de ce qui n’est pas nous. Dans les rencontres les moins sensuelles, c’est encore dans le contact que l’émotion s’achève ou prend naissance [...]. Avec la plupart des êtres, les plus superficiels de ces contacts suffisent à notre envie, ou même l’excèdent déjà. Qu’ils insistent, se multiplient autour d’une créature unique jusqu’à la cerner tout entière ; que chaque parcelle d’un corps se charge pour nous d’autant de significations bouleversantes que les traits d’un visage ; qu’un seul être, au lieu de nous inspirer tout au plus de l’irritation, ou du plaisir, ou de l’ennui, nous hante comme une musique et nous tourmente comme un problème ; qu’il passe de la périphérie de notre univers à son centre, nous devienne plus indispensable que nous-mêmes, et l’étonnant prodige a lieu, où je vois bien davantage un envahissement de la chair par l’esprit qu’un simple jeu de la chair. p. 22-23 114Sous les espèces du prodige et du jeu sérieux où tout l’être s’engage, c’est bien d’un rituel magique que le narrateur construit ici la théorie, et il ne diffère somme toute guère des pratiques apotropaïques de la sorcière de Canope. De même que le sacrifice d’une créature protège son propriétaire selon une logique de contiguïté, le contact avec un corps permet d’atteindre l’esprit qu’il recèle. Une fois de plus, les méditations du personnages viennent redoubler les expériences qui ont présidé à sa création, car Marguerite Yourcenar a elle aussi vécu des rencontres spirituelles suscitées par un contact physique. L’émotion avec laquelle elle décrit, dans les Carnets de notes, un profil d’Antinoüs ciselé dans une sardoine laisse deviner les vertus qu’elle accorde à cet objet ; la pierre lui permet de rejoindre, non pas l’éphèbe dont elle garde l’image, ni même l’artiste qui l’a finement sculptée, mais l’homme qui l’a tenue entre ses mains Le second de ces chefs-d’œuvre est l’illustre sardoine qui porte le nom de Gemme Marlborough, parce qu’elle appartient à cette collection aujourd’hui dispersée ; cette belle intaille semblait égarée ou rentrée sous terre depuis plus de trente ans. Une vente publique l’a remise en lumière en janvier 1952 ; le goût éclairé du grand collectionneur Giorgio Sangiorgi l’a ramenée à Rome. J’ai dû à la bienveillance de ce dernier de voir et de toucher cette pièce unique. [...] De tous les objets encore présents aujourd’hui à la surface de la terre, c’est le seul dont on puisse présumer avec quelque certitude qu’il a souvent été tenu entre les mains d’Hadrien. p. 338 115Le puissant rituel du contact n’est toutefois pas toujours nécessaire pour qu’opère la magie de la rencontre sympathique. Une alchimie immédiate, au-delà des gestes et des mots, permet ainsi la compréhension parfaite et réciproque d’Hadrien et de Plotine L’intimité des corps, qui n’exista jamais entre nous, a été compensée par ce contact de deux esprits étroitement mêlés l’un à l’autre. Notre entente se passa d’aveux, d’explications, ou de réticences les faits eux-mêmes suffisaient », se souvient l’empereur p. 96. Aussi le miracle d’une communion poursuivie au-delà de la mort peut-il advenir la mort changeait peu de chose à cette intimité qui depuis des années se passait de présence ; l’impératrice restait ce qu’elle avait été pour moi un esprit, une pensée à laquelle s’était mariée la mienne » p. 182. Et l’on se plaît à imaginer que Marguerite Yourcenar, nouvelle Plotine, n’avait pas même besoin d’une gemme passée entre les mains de son personnage pour marier sa pensée à la sienne. À travers lui, elle accède également à la connaissance de chaque être, puisqu’Hadrien affirme y être parvenu par la mémoire des gestes et des sensations auxquels la maladie l’a contraint de renoncer Ainsi, de chaque art pratiqué en son temps, je tire une connaissance qui me dédommage en partie des plaisirs perdus. J’ai cru, et dans mes bons moments je crois encore, qu’il serait possible de la sorte de partager l’existence de tous, et cette sympathie serait l’une des espèces les moins révocables de l’immortalité. p. 15 116 L’une des espèces [...] de l’immortalité », et non la seule, écrit Hadrien. Le livre en est une autre. En immortalisant par l’écriture un être auquel elle donne la conscience d’avoir été relié à tout et tous, Marguerite Yourcenar prolonge la grande chaîne des sympathies et offre à ses lecteurs de s’y rattacher. Vecteur d’un autre contact magique, un petit volume de papier imprimé, parce qu’il peut être multiplié presque à l’infini, s’avère un talisman plus puissant encore que l’unique et sublime sardoine où se lit le profil d’un adolescent grec.
RomanSenior dès 11/12 ans Le destin de Menî est tracé : héritier du trône de Haute Egypte, il doit succéder à son père, Antaref. Pour l'heure

Écrit par Alain Surget un écrivain français, L’œil d’Horus est un roman historique paru en France en 1999 aux éditions Flammarion. Ce livre d’aventure et de jeunesse relate une histoire qui se déroule à l’époque de l’Égypte antique, c’est-à-dire de manière approximative vers 3150 avant notre ère. Cet ouvrage retrace l’histoire de Menîn jeune fils et digne héritier Antaref, roi de Haute-Egypte. Ce dernier a un destin tout tracé celui de succéder à son père. Cependant, le roi trouve son fils trop mou et donc incapable de diriger son royaume. Menîn doit donc prouver à son père et partant à tout le peuple qu’il dispose d’atouts nécessaires pour conduire convenablement les affaires du royaume. Pour ce faire, il doit subir trois épreuves afin de prouver qu’il a toutes les capacités pour être un pharaon digne de ce nom. Cela dit, Alain Surget va tout au long des 159 pages de ce roman montrer aux lecteurs les différentes épreuves par lesquelles le fils du roi est passé pour prouver à tous et principalement à son père qu’il est capable de lui succéder. Menîn doit faire ses preuves Un pharaon symbolise la force et la puissance. Et le roi de Haute-Egypte Antaref ne retrouve pas de telles qualités chez son fils. Pourtant ce dernier doit lui succéder au trône. Le Pharaon doit se rassurer et avec lui son peuple que son héritier est digne de diriger son royaume au temps opportun. La seule manière de s’en convaincre est de faire subir à ce dernier des tests. Et trois épreuves de taille sont choisies par le roi. L’objectif étant de démontrer que Minîn possède les atouts nécessaires pour diriger les affaires du royaume. Comme première épreuve, il doit affronter et vaincre le grand dieu crocodile nommé Solek. Celui-ci habite une caverne connue pour être humide et sombre. Pour ce qui est du deuxième test, le fils du roi devra livrer bataille contre Sekhmet la lionne qui se distingue à la fois par sa cruauté et surtout son côté sanguinaire. Pour y parvenir, il faudra se rendre dans les étendues arides du désert. Quant à la troisième épreuve, elle consiste à soutenir le dieu faucon Horus en contrant par tous les moyens les plans maléfiques de Seth. Au total, les tests sont spécifiquement choisis pour permettre à Minîn d’asseoir de manière définitive sa légitimité. Ce qui lui permettra de gouverner avec toute l’autorité nécessaire à son rang de pharaon. La question se pose dès lors de savoir si ce fils présenté comme mou et incapable parviendra à surmonter toutes ces différentes épreuves. A ce stade de l’analyse, il serait de difficile de répondre avec précision à cette question essentielle dans la mesure où Minîn ne montre aucun signe permettant de croire qu’il reviendra victorieux de ces différents tests. En effet, ce dernier a pour seul centre d’intérêt les animaux qui lui sont familiers. La rencontre avec Thouyi, un facteur déterminant dans la victoire de Minîn Pour chacune des épreuves auxquelles il est confronté, personne ne pouvait dire avec certitude si oui ou non Minîn avait la capacité de les surmonter de toutes. Toutefois, on peut dire que sa rencontre avec Thouyi, la voleuse surnommée l’hirondelle va aider le fils du roi à réussir les trois tests l’un après l’autre. Pour l’histoire, Thouyi est poursuivie pour avoir volé la pâtisserie du boulanger Natsi. C’est donc dans sa fuite qu’elle rencontre Minîn qui lui ne manque pas de lui dévoiler son identité et les raisons de sa présence aux abords du Nil. Après que les présentations soient faites, les deux vont unir leurs forces pour affronter ensemble les différentes épreuves. Pour ce faire, ils devront combattre les montagnes abruptes ainsi que l’hostilité d’un désert aride. Nos deux jeunes avec un courage extraordinaire affrontent avec la plus grande détermination les épreuves imposées par le roi Antaref à son fils. Ainsi, au prix de mille efforts, c’est d’abord Solek, le tout puissant dieu crocodile qui sera combattu par les deux jeunes plus jamais que liés. Ensuite, ils sortent victorieux de leur confrontation avec la lionne Sekhmet connue pour être non seulement très sanguinaire mais surtout d’une cruauté indescriptible. Enfin, ce sont les plans machiavéliques de Seth qui sont contrés par ce duo afin de soutenir Horus. On peut remarquer qu’au fil des épreuves, les deux jeunes sont plus déterminés et gagnent plus en assurance. Le prix du courage Minîn aidé de Thouyi dite l’hirondelle est parvenu à surmonter les différents tests que son père le roi Antaref lui a imposés afin de savoir s’il est capable de diriger de son royaume. Ce dernier a su fait montre d’un courage que personne dans cette Égypte antique ne pouvait prédire. En effet, les trois épreuves choisies par le pharaon son père sont très difficiles et même terrifiantes à en juger par l’identité des divinités à affronter. Mais malgré cela, Minîn qui avait l’apparence d’une personne molle et incapable va réussir ses différents tests. Avec cette histoire, on peut retenir qu’il ne faut pas juger les personnes sur l’apparence. Qui pouvait imaginer un seul instant que ce jeune fils de roi qui ne s’intéresse qu’aux animaux puisse affronter de telles épreuves ? Minîn a parfaitement démontré que le courage et la force sont souvent cachés en chaque homme et qu’il suffit d’un rien pour les mettre en mouvement. Grâce à son courage légendaire, ce dernier est parvenu à prouver à son père qu’il est capable de régner sur le peuple. Mieux grâce à son intelligence et sa sagesse, il réussit à réunifier les deux Égypte au cours de son règne.

MÉMOIRESD’ORION extrait du chapitre 2 Publié par la-PG le 15 juin 2019 15 juin 2019. Merci de votre soutien ! Sethi Sun étant un haut dignitaire de Sirius, on lui octroya un magnifique vaisseau pour son voyage vers Meissa. Plusieurs des membres aînés de la Fédération avaient à leur disposition de magnifiques vaisseaux. Ceux-ci étaient pilotés suivant les
Je me suis laissée tenter par cette suite grâce à la fin du tome précédent. J’ai nettement préféré ce tome-ci. Alors que le tome 1 mettait les bases avec la présentation des personnages, les différents groupes et tout ce qui est gadget et artefact, le second tome approfondit cet aspect aventure. Effectivement fini les présentations, nous rentrons plus dans le vif du sujet. La Légion de l’œil d’Horus est toujours là et elle veut s’emparer de Chintamani, la fameuse pierre philosophale. Vigilance décide d’aller empêcher la Légion de la prendre avant que l’Humanité sombre. Ce roman commence dans l’action avec une question pourquoi on veut le tuer ? Ce tome, outre l’aspect sauver le monde et l’aventure, nous apprend plus sur Edge, vous savez l’hacker de génie ?! Nous poursuivons ensuite sur Evan et sa capacité de rien à foutre de l’école et nous avec. Beh ouais, on veut savoir ce qu’il se passe et foncer dans l’aventure. Ça ne rate pas ! Le roman est toujours du point de vue d’Evan avec des passages aux opposants. J’aime beaucoup cette dualité, ça nous permet d’être en même temps dans la tête d’Evan et ses questionnements et, également, de savoir et comprendre d’autres personnages et leurs objectifs ainsi que leurs pensées. Donc Edge est plus mis en avant. Notre hacker favori se dévoile et un pan de son passé est révélé. J’ai apprécié ce personnage, il est moins distant ici, et nous voyons que ses amies sont très importants. En plus, on voit une autre facette de lui-même si je m’en doutais, ouais j’avoue j’espérais. Vu qui il est, ça semblait dans un sens logique. De même que nous le comprenons mieux par rapport aux révélations faites. C’est un personnage qui est entre deux chaises si je puis dire. Lui a un lien avec les deux groupes, ce qui fait qu’il est d’autant plus mystérieux et un air de monsieur je sais tout. Il ne change pas ici mais ce tome éclaircit des points, nous montre un Edge moins mystérieux et cachottier en même temps y a des révélations, logiques ! et comment il en est arrivé là avec son sacré caractère. Et pour les autres personnages ? Ce sont toujours les mêmes et y en a des nouveaux ! Les nouveaux servent à exposer Edge et ont bien une identité propre. Dans la plupart de roman, des personnages sont présents juste pour activer un élément de l’intrigue ou la bouger, ils servent à combler un trou pour plus de facilité. Dans Dossier Evan Cartier ce n’est pas le cas et j’en suis ravie ! Nous apprenons à les connaître, certains à aimer, d’autres à détester ou à apprécier ! De même un passage nous dévoile davantage la cruauté de la Légion, qui renforce mieux le côté dramatique, perfide et vicieux, la barbarie dont elle est capable. On a eu un aperçu dans le tome 1 mais avec une personne. Une scène a de l’ampleur. Pourtant, j’ai senti un retrait par rapport à une scène et du sadisme renvoyé au lecteur. Même si le grand méchant loup du tome 1 était ridicule, ici c’est plus une version collective non ridicule et plus concrète. Ils sont plus concrets avec certes des stéréotypes, un peu trop dichotomique, mais ça marche bien. Léa, toujours égale à elle-même aimant les statistiques et être autant chiante qu’attachante. Louise et Evan ne change pas des masses. Evan a mûri, le deuil est passé » et se concentre sur Vigilance. Leur amitié à tous deux est vraiment superbe, j’espère que ça va rester comme ça. Les amitiés telles quelles sont rares dans les romans. Concernant l’intrigue de ce tome, j’ai beaucoup aimé. L’adrénaline parcourt les pages et notre corps. Nous courons avec les personnages tant que les rebondissements vont bon train. Les énigmes sont très sympas, et l’endroit recherchait mélange mystère et un brin fantastique ! Des situations très imagées, rappelant les films et les séries, rocambolesques, prévisibles et réalistes, et très drôles. Je me suis dit il va se passer un truc, BINGO ! En plus de cette intrigue, une autre en fond s’installe plus profondément avec de nouveaux éléments. Ça permet d’avoir des histoires sur un tome et sur plusieurs tomes. L’humour ponctue toujours l’intrigue et les remarques sarcastiques donnent une atmosphère et un autre dynamisme à l’histoire. Le hic à la fin, c’est que j’aurais aimé voir l’arrivée et non dans la page suivante passer à l’épilogue. J’ai l’impression qu’il me manque un bout et que ça se termine sans réellement de conclusion. Je ne parle pas de l’épilogue en soi qui relance l’intrigue et qui nous dicte FONCE DANS LE TOME 3 que s’est-il passé ? Comme les bases étaient posés dans le tome précédent, nous avons un second tome approfondissant aventure, passé dévoilé et amitié. Il n’y a pas un temps mort, et l’intrigue de fond prend de l’ampleur. Hâte de lire le troisième tome ! L OEIL D'HORUS. Ajouter un commentaire. Nom. E-mail. Site Internet. Message. Aperçu. Ajouter. Menu Copie de l'Autoportrait d'Elis GEISHA SOLENE LE GAMIN (façon vieux tableau) PORTRAIT DE FAYOUM (Copie) BONSAÏ EN FLEURS Napoléon III (Bienfaiteur de l
Dans la mythologie égyptienne, dieu du Ciel, de la Lumière et de la Bonté. Horus était le fils d’Isis, déesse de la Nature et d’Osiris, dieu du Monde souterrain. Sommaire Présentation Iconographie Un dieu complexe Mythe archaïque Origines de l’État pharaonique Dieu dynastique Horus dans le mythe osirien Horus contre Seth Bibliographie Horus de l’égyptien Hor / Horou est l’une des plus anciennes divinités égyptiennes. Les représentations les plus communes le dépeignent comme un faucon couronné du pschent ou comme un homme hiéracocéphale. Son nom signifie le Lointain » en référence au vol majestueux du rapace. Son culte remonte à la préhistoire égyptienne. La plus ancienne cité à s’être placée sous son patronage semble être Nekhen, la Ville du Faucon » Hiérakonpolis. Dès les origines, Horus se trouve étroitement associé à la monarchie pharaonique en tant que dieu protecteur et dynastique. Les Suivants d’Horus sont ainsi les premiers souverains à s’être placés sous son obédience. Aux débuts de l’époque historique, le faucon sacré figure sur la palette du roi Narmer et, dès lors, sera constamment associé au pouvoir royal. Dans le mythe le plus archaïque, Horus forme avec Seth un binôme divin caractérisé par la rivalité, chacun blessant l’autre. De cet affrontement est issu Thot, le dieu lunaire, considéré comme leur fils commun. Vers la fin de l’Ancien Empire, ce mythe est réinterprété par les prêtres d’Héliopolis en intégrant le personnage d’Osiris, l’archétype du pharaon défunt divinisé. Cette nouvelle théologie marque l’apparition du mythe osirien où Horus est présenté comme le fils posthume d’Osiris né des œuvres magiques d’Isis, sa mère. Dans ce cadre, Horus joue un rôle majeur. En tant que fils attentionné, il combat son oncle Seth, le meurtrier de son père, le défait et le capture. Seth humilié, Horus est couronné pharaon d’Égypte et son père intronisé roi de l’au-delà. Cependant, avant de pouvoir combattre vigoureusement son oncle, Horus n’est qu’un être chétif. En tant que dieu-enfant Harpocrate, Horus est l’archétype du bambin soumis à tous les dangers de la vie. Frôlant la mort à plusieurs reprises, il est aussi l’enfant qui, toujours, surmonte les difficultés de l’existence. À ce titre, il est un dieu guérisseur et sauveur très efficace contre les forces hostiles. Outre ses traits dynastiques et royaux, Horus est une divinité cosmique, un être fabuleux dont les deux yeux sont le Soleil et la Lune. L’œil gauche d’Horus, ou Œil oudjat, est un puissant symbole associé aux offrandes funéraires, à Thot, à la Lune et à ses phases. Cet œil, blessé par Seth et guéri par Thot, est l’astre nocturne qui constamment disparaît et réapparaît dans le ciel. Sans cesse régénérée, la lune est l’espoir pour tous les défunts égyptiens d’une possible renaissance. Sous ses multiples aspects, Horus est vénéré dans toutes les régions égyptiennes. À Edfou, un des plus beaux temples ptolémaïques, le dieu reçoit la visite annuelle de la statue de la déesse Hathor de Dendérah et forme, avec Harsomtous, une triade divine. À Kôm Ombo, Horus l’Ancien est associé à Sobek, le dieu crocodile. Fort de cette renommée, le culte d’Horus s’est exporté hors d’Égypte, plus particulièrement en Nubie. À partir de la Basse époque, grâce aux cultes isiaques, la figure d’Harpocrate s’est largement popularisée à travers tout le bassin méditerranéen sous influence hellénistique puis romaine. PrésentationDieu faucon Horus est l’une des plus anciennes divinités égyptiennes. Ses origines se perdent dans les brumes de la préhistoire africaine. À l’instar des autres principales déités du panthéon égyptien, il est présent dans l’iconographie dès le quatrième millénaire avant notre ère. La dénomination contemporaine d’Horus est issue du théonyme grec Ὧρο Hōros élaboré au cours du premier millénaire avant notre ère au moment de la rencontre des cultures égyptienne et grecque. Ce théonyme est lui-même issu de l’égyptien ancien Hor qui étymologiquement signifie le lointain », le supérieur ». L’écriture hiéroglyphique ne restituant pas les voyelles, l’exacte prononciation égyptienne n’est plus connue, probablement Horou ou Hârou. Dans la langue proto-égyptienne, Horus devait désigner le faucon d’où son idéogramme. Dès la période protodynastique aux alentours de 3300 avant notre ère, le hiéroglyphe du faucon Hor désigne aussi le souverain, qu’il soit en exercice ou défunt, et peut même équivaloir au mot netjer, dieu », avec toutefois une connotation de souveraineté. Dans les Textes des pyramides, l’expression Hor em iakhou, Horus dans le rayonnement », désigne ainsi le roi défunt, devenu un dieu parmi les dieux à son entrée dans l’au-delà. En Égypte antique, plusieurs espèces de faucons ont coexisté. Les représentations de l’oiseau d’Horus étant le plus souvent très stylisées, il est assez difficile de l’identifier formellement à une espèce en particulier. Il semble toutefois que l’on puisse y voir une image du faucon pèlerin Falco peregrinus. Ce rapace de taille moyenne et au cri perçant est réputé pour sa rapidité en piqué lorsque, du haut du ciel, il fond sur ses petites proies terrestres. Ce faucon présente aussi la particularité d’avoir des plumes sombres sous les yeux la moustache » selon les ornithologues qui dessinent une sorte de croissant. Cette marque distinctive n’est pas sans rappeler le graphisme de l’œil oudjat associé à Horus et aux autres dieux Hiéracocéphales. Iconographie La divinité d’Horus se manifeste dans l’iconographie de multiples façons. Dans la plupart des cas, il est représenté comme un faucon, comme un homme à tête de faucon ou, pour évoquer sa jeunesse, comme un jeune enfant nu et chauve. La forme animale est la plus ancienne. Jusqu’à la fin de la période protodynastique, les animaux, dont le faucon, apparaissent comme étant bien plus efficaces et bien supérieurs aux hommes. De ce fait, les puissances divines sont alors exclusivement figurées sous une forme animale. Le faucon et son majestueux vol planant dans le ciel ont été manifestement interprétés comme la marque ou le symbole du Soleil, son nom le Lointain » faisant référence à l’astre diurne. Vers la fin de la Ire dynastie, aux alentours de -2800, en parallèle au développement de la civilisation égyptienne diffusion de l’agriculture, de l’irrigation et de l’urbanisme, la mentalité religieuse s’infléchit et les forces divines commencent à s’humaniser. À cette époque apparaissent les premiers dieux entièrement anthropomorphes et momiformes Min et Ptah. Concernant Horus, durant les deux premières dynasties, la forme animale reste la règle. Les premières formes composites hommes à tête animale font leur apparition à la fin de la IIe dynastie et, en l’état des connaissances, la plus ancienne représentation connue d’Horus en homme hiéracocéphale date de la IIIe dynastie. Elle figure sur une stèle à présent conservée au Musée du Louvren où le dieu est montré en compagnie du roi Houni-Qahedjet.. Parmi les plus célèbres représentations figure un fragment d’une statue conservée au Musée égyptien du Caire et montrant Khéphren assis sur son trône IVe dynastie. Le faucon est debout sur le dossier du siège et ses deux ailes ouvertes enveloppent la nuque royale afin de signifier sa protection. Dans le même musée est conservée la statue en or de l’Horus de Nekhen. Sa datation est discutée VIe ou XIIe dynastie . Il ne subsiste plus que la tête du falconidé coiffée d’une couronne constituée de deux hautes plumes stylisées. Ses yeux en pierre d’obsidienne imitent le regard perçant de l’oiseau vivant. Le Musée du Louvre présente à l’entrée de ses collections égyptiennes une statue d’Horus d’environ un mètre de haut, datée de la Troisième Période intermédiaire. Le Metropolitan Museum of Art de New York possède quant à lui une statuette où le roi Nectanébo II de la XXXe dynastie, dernier pharaon de l’Égypte indépendante, est montré petit et debout entre les pattes d’un majestueux faucon couronné du pschent. Un dieu complexe Le panthéon égyptien compte un grand nombre de dieux faucons ; Sokar, Sopdou, Hemen, Houroun, Dédoun, Hormerty. Horus et ses multiples formes occupent toutefois la première place. Dieu à multiples facettes, les mythes qui le concernent s’enchevêtrent. Il est toutefois possible de distinguer deux aspects principaux une forme juvénile et une forme adulte. Dans sa pleine puissance guerrière et sa maturité sexuelle, Horus est Horakhty, le soleil au zénith. À Héliopolis, en tant que tel, il est vénéré concurremment avec Rê. Dans les Textes des pyramides, le pharaon défunt ressuscite sous cette apparence de faucon solaire. Par un syncrétisme fréquent dans la religion égyptienne, Horakhty fusionne avec le démiurge héliopolitain, sous la forme de Rê-Horakhty. À Edfou, il est Horbehedety, le soleil ailé des temps primordiaux. À Kôm Ombo, il est Horus l’Ancien Haroëris, un dieu céleste imaginé comme un immense faucon dont les yeux sont le Soleil et la Lune. Quand ces astres sont absents du ciel, cet Horus est dit aveugle. À Nekhen Hiérakonpolis, la capitale des tout premiers pharaons, ce faucon céleste est Hor-Nekheny, dont les aspects guerriers et royaux sont très prononcés. Le jeune Horus apparaît lui aussi sous de multiples formes. Dans le mythe osirien, Horus est le fils d’Osiris et d’Isis. Osiris, assassiné par son frère Seth, est ramené à la vie, le temps d’une union charnelle, grâce aux efforts conjugués d’Isis et de Nephtys. C’est de cette union miraculeuse que naît Horus l’Enfant, Harpocrate, aussi dénommé Harsiesis, Horus fils d’Isis et Hornedjitef Horus qui prend soin de son père. Sous ce dernier aspect, pour venger la mort de son père, Horus affronte son oncle Seth. Après moult péripéties, il gagne le combat et reçoit le trône d’Égypte en héritage. La vaillance et la fidélité familiale d’Horus font de ce dieu l’archétype du pharaon. Cependant, sa légitimité est sans cesse contestée par Seth. Lors d’un combat qui l’oppose à son rival, Horus perd son œil gauche, qui est reconstitué par Thot. Appelé Oudjat ou œil d’Horus, cet œil, que les Égyptiens ont porté sur eux sous forme d’amulette, possède des vertus magiques et prophylactiques. Cet œil gauche reconstitué morceau par morceau par Thot représente la lune qui jour après jour s’accroît. À l’opposé de Seth, qui représente la violence et le chaos, Horus pour sa part incarne l’ordre et, tout comme pharaon, il est l’un des garants de l’harmonie universelle ; cependant, il ne faut pas réduire la théologie complexe des Égyptiens à une conception manichéenne du Bien et du Mal, car, dans un autre mythe, Seth est l’auxiliaire indispensable de Rê dans son combat nocturne contre le serpent Apophis. Bien et mal sont des aspects complémentaires de la création, tous deux présents en toute divinité. Mythe archaïque Dès les origines de l’État pharaonique, Horus est la divinité protectrice de la monarchie. Le dieu faucon, plus particulièrement celui adoré à Nekhen, est la puissance à laquelle Pharaon s’identifie en se voyant comme son successeur et son héritier. Avant même la création du mythe osirien, le combat d’Horus et Seth est à la base de l’idéologie royale. La réconciliation des deux divinités rivales en la personne du roi en exercice est lourde de signification et transparaît notamment lors des cérémonies d’investiture. Origines de l’État pharaoniquePouvoir pharaonique Le pouvoir pharaonique apparaît vers 3300 avant notre ère, ce qui fait de l’Égypte antique le premier État connu au monde. Sa durée couvre plus de trente-cinq siècles et, durant toute cette période, le faucon Horus est le dieu protecteur des pharaons. Depuis l’historien Manéthon, un Égyptien hellénisé au service de Ptolémée II, la chronologie des règnes est découpée en trente dynasties, des origines jusqu’à la conquête du pays par Alexandre le Grand en -322. Le premier nom de cette liste royale est celui du pharaon Ménès, Celui qui fonde » ou Celui qui établit l’État ». L’identité de ce personnage reste problématique ; il s’agit soit d’un personnage mythique, soit d’un souverain réel, Narmer ou Aha selon les propositions communément avancées. L’émergence d’une autorité unique sur le territoire égyptien résulte de multiples facteurs géographie, économie, politique, etc.. Les détails de ce processus d’unification restent encore nébuleux. Il s’est peut-être d’abord produit une agrégation des populations dans le sud de la vallée du Nil, en Haute-Égypte autour de deux ou plusieurs chefs puis d’un seul victoire de la ville de Nekhen sur Noubt. Puis, soumission de la Basse-Égypte par Ménès et ses successeurs. Dès les origines, le mythe de la victoire d’Horus le faucon sur Seth, la créature du désert, sert à symboliser le pouvoir du pharaon. Les actions royales, qu’elles soient guerrières ou pacifiques, s’inscrivent dans des rituels politico-religieux où le roi, considéré comme le successeur d’Horus, est capable d’influer sur les cycles naturels crue du Nil, courses du soleil et de la lune afin de satisfaire aux besoins matériels de ses sujets. La Palette de Narmer inaugure une scène rituelle qui perdure jusqu’à la fin de la civilisation égyptienne le massacre des ennemis, dont la tête est fracassée par une massue vigoureusement brandie par Pharaon. Sur la palette, Narmer debout et coiffé de la couronne blanche assomme un ennemi agenouillé qu’il maintient immobile en l’empoignant par les cheveux. Au-dessus de la victime, la présence et l’approbation d’Horus se manifestent sous la forme d’un faucon qui maintient enchaîné un fourré de papyrus muni d’une tête, symbole probable de la victoire du Sud sur le Nord. Suivants d’Horus D’après les fouilles archéologiques menées dans la haute vallée du Nil, il semble qu’aux alentours de -3500, les deux villes dominantes aient été Nekhen et Noubt, respectivement patronnées par Horus et Seth. Après la victoire de la première sur la seconde, les rois de Nekhen ont réalisé l’unification politique de l’Égypte. Avant le règne du pharaon Narmer-Ménès vers -3100, le premier représentant de la Ire dynastie, une douzaine de roitelets se sont succédé à Nekhen dynastie 0. Ces dynastes se sont tous placés sous la protection du dieu faucon en adoptant un Nom d’Horus » Hor, Ny-Hor, Hat-Hor, Pe-Hor, etc.. À des degrés divers, tous ont joué un rôle éminent dans la formation du pays. Dans la pensée religieuse égyptienne, le souvenir de ces roitelets a perduré sous l’expression des Suivants d’Horus ». Dans le Papyrus de Turin, ces Suivants sont magnifiés et idéalisés en voyant placée leur lignée entre la dynastie de dieux de l’Ennéade et celles des pharaons humains historiques. Les Textes des pyramides, les plus anciens textes religieux égyptiens, accordent très naturellement une place importante au dieu faucon de Nekhen adoré par les Suivants d’Horus. On le trouve désigné sous différentes expressions Horus de Nekhen », Taureau de Nekhen », Horus du Sud », Horus, seigneur de l’élite », Horus qui réside dans la Grande Cour », Horus qui est dans la Grande Cour », etc. Nekhen Hiérakonpolis Connue des Grecs sous le toponyme de Hiérakonpolis, la Ville des Faucons », Nekhen est une très antique cité aujourd’hui identifiée aux ruines arasées du Kôm el-Ahmar, la Butte Rouge ». Fondée à la Préhistoire, vers la fin du quatrième millénaire, Nekhen est durant la période prédynastique la capitale de la Haute-Égypte. Par la suite, durant la période pharaonique, Nekhen sur la rive gauche du Nil et Nekheb sur la rive droite forment la capitale du IIIe nome de Haute-Égypte. Dès sa fondation, Nekhen dispose d’une forte enceinte en briques crues large de dix mètres qui enserre un espace de sept hectares. D’après les secteurs fouillés, la ville s’organise en des rues quasi-rectilignes se coupant à angle droit. Le centre est occupé par un bâtiment officiel, sans doute un palais résidentiel muni de sa propre enceinte afin de l’isoler du reste de la ville. Le temple d’Horus, souvent remanié, occupait l’angle sud-ouest mais ses vestiges ne se signalent plus que par une butte artificielle vaguement circulaire. En 1897, deux fouilleurs anglais, James Edward Quibell et Frederick William Green, explorent le site du temple de Nekhen et découvrent un trésor » de pièces archéologiques une tête de faucon d’or, des objets en ivoire, des vases, des palettes, des étiquettes commémoratives, des statuettes humaines et animales. Ces reliques de la période prédynastique, conservées par les premiers pharaons memphites, ont probablement été confiées, pour préservation, aux prêtres de l’Horus de Nekhen. Il est tentant d’imaginer que ce don pieux soit l’œuvre de Pépy Ier VIe dynastie, une statue en cuivre grandeur nature le représentant avec son fils Mérenrê ayant été découverte près du dépôt principal. Dieu dynastiqueLes Deux Combattants Dans la mythologie égyptienne, Horus est surtout connu pour être le fils d’Osiris et le neveu de Seth ainsi que l’assassin de ce dernier. Si les déités Horus et Seth sont très anciennement attestées — dès la période prédynastique —, la figure d’Osiris est apparue bien plus tardivement, au tournant des IVe et Ve dynasties. L’intégration d’Osiris, au cours du XXVe siècle, dans le mythe d’Horus et Seth est par conséquent le résultat d’une reformulation théologique qualifiée par l’égyptologue français Bernard Mathieu de Réforme osirienne ». Les Textes des pyramides sont les plus anciens écrits religieux disponibles. Ces formules magiques et religieuses apparaissent gravées sur les murs des chambres funéraires à la fin de l’Ancien Empire. Leur élaboration est cependant bien plus primitive et certaines strates rédactionnelles semblent remonter à la période thinite Ire et IIe dynasties. Là, certains passages mentionnent un conflit entre Horus et Seth sans que n’intervienne la personne d’Osiris. Ces données peuvent être interprétées comme les traces ténues d’un mythe archaïque pré-osirien. Plusieurs expressions lient Horus et Seth en un binôme en les appelant les Deux Dieux », les Deux Seigneurs », les Deux Hommes », les Deux Rivaux » ou les Deux Combattants ». Leur mythe n’est pas exposé en un récit suivi mais seulement évoqué, çà et là, au moyen d’allusions éparses qui mentionnent qu’Horus et Seth se chamaillent et se blessent l’un l’autre ; le premier perdant son œil, le second ses testicules15 Horus est tombé à cause de son œil, Seth a souffert à cause de ses testicules. § 594a » Horus est tombé à cause de son œil, le Taureau a filé à cause de ses testicules. § 418a » pour qu’Horus se purifie de ce que lui a fait son frère Seth, pour que Seth se purifie de ce que lui a fait son frère Horus § *1944d-*1945a » — Textes des pyramides extraits. Traduction de Bernard Mathieu. Horus ou la victoire sur la confusion En son temps, l’égyptologue allemand Kurt Sethe a postulé que le mythe du conflit d’Horus et Seth trouve son élaboration dans la rivalité entre les deux royaumes primitifs rivaux de la Basse et de la Haute-Égypte. Cette hypothèse est maintenant rejetée et le consensus se porte sur la rivalité archaïque entre les villes de Nekhen et Noubt. Cette idée a été avancée en 1960 par John Gwyn Griffiths dans son ouvrage The Conlict of Horus and Seth. Dès les plus anciennes attestations écrites, le faucon Horus est lié à la ville de Nekhen Hiérakonpolis et son rival Seth à la ville de Noubt Ombos. À la fin de la période protohistorique, ces deux cités de Haute-Égypte jouent un rôle politico-économique essentiel et des tensions tribales existent alors entre les deux villes concurrentes. La lutte des Deux Combattants » pourrait symboliser les guerres menées par les fidèles d’Horus contre ceux de Seth. Sous le roi Narmer, probablement le légendaire Ménès, ce conflit s’est soldé par la victoire de Nekhen. D’autres universitaires comme Henri Frankfort et Adriaan de Buck ont minoré cette théorie en considérant que les Égyptiens, à l’instar d’autres peuplades antiques ou primitives, appréhendent l’univers selon des termes dualistes fondés sur des paires contraires mais complémentaires homme / femme ; rouge / blanc ; ciel / terre ; ordre / désordre ; Sud / Nord, etc. Dans ce cadre, Horus et Seth sont les parfaits antagonistes. Leur lutte symbolise tous les conflits et toutes les disputes où finalement l’ordre incarné par Horus doit soumettre le désordre personnifié par Seth. En 1967, Herman te Velde abonde dans ce sens dans Seth, God of Confusion, une monographie consacrée au turbulent Seth. Il estime que le mythe archaïque de l’affrontement d’Horus et Seth ne peut avoir été entièrement inspiré d’événements guerriers survenus à l’aube de la civilisation pharaonique. Les origines du mythe se perdent dans les brumes des traditions religieuses de la préhistoire. Les mythes ne sont jamais inventés de toutes pièces mais résultent de reformulations successives professées des croyants inspirés. Les maigres données archéologiques qui nous sont parvenues de cette lointaine époque sont d’interprétation délicate et ne peuvent guère aider à reconstituer la genèse de ce mythe. Contrairement à Horus qui incarne l’ordre pharaonique, Seth est un dieu sans limites, irrégulier et confus qui veut avoir des relations tantôt hétérosexuelles, tantôt homosexuelles. Les testicules de Seth symbolisent tant les aspects déchaînés du cosmos tempête, bourrasques, tonnerre que ceux de la vie sociale cruauté, colère, crise, violence. D’un point de vue rituel, l’Œil d’Horus symbolise les offrandes offertes aux dieux et a pour contrepartie les testicules de Seth. Pour que l’harmonie puisse advenir, Horus et Seth doivent être en paix et départagés. Une fois vaincu, Seth forme avec Horus un couple pacifié, symbole de la bonne marche du monde. Lorsque le pharaon est identifié à ces deux divinités, il les incarne donc comme un couple de contraires en équilibre. Investiture pharaonique Le couronnement de pharaon est un enchaînement complexe de rituels variés dont l’ordonnancement exact n’est pas encore bien reconstitué. Le papyrus dramatique du Ramesséum, très fragmentaire, semble être un guide ou un commentaire illustré du rituel mis en place pour l’avènement de Sésostris Ier XIIe dynastie. L’interprétation de ce document difficile à comprendre est encore débattue. Selon l’Allemand Kurt Sethe et le Français Étienne Drioton, l’investiture pharaonique est une sorte de spectacle sacré avec le nouveau souverain pour principal acteur. L’action est centrée sur les dieux Osiris et Horus et son déroulement s’inspire du mythe archaïque de l’affrontement d’Horus et Seth augmenté de l’épisode plus récent d’Horus condamnant Seth à porter la momie d’Osiris. L’Égypte antique a fondé sa civilisation sur le concept de la dualité. Le pays est ainsi perçu comme l’union des Deux Terres ». Principal symbole de la royauté, la couronne Pschent, les Deux Puissances », est la fusion de la couronne rouge de Basse-Égypte avec la couronne blanche de Haute-Égypte. Le pharaon incarne dans sa personne les Deux Combattants », à savoir Horus de Nekhen et Seth de Noubt. Le second est toutefois subordonné au premier et, dans les textes, la préséance est toujours accordée à Horus. Emblème de l’unification rituelle du pays, Horus et Seth désignent l’autorité monarchique. Dès la Ire dynastie, le roi en exercice est un Horus-Seth » comme l’indique une stèle datée du roi Djer où la reine est Celle qui voit Horus, sceptre hétes d’Horus, celle qui épaule Seth ». Plus tard, sous Khéops, ce titre est simplifié et la reine est Celle qui voit Horus-Seth ». Sous la IIe dynastie, le faucon d’Horus et le canidé de Seth surmontent conjointement le Serekh du roi Khâsekhemoui. Dès l’Ancien Empire, l’iconographie royale montre le binôme Horus et Seth en train de couronner le pharaon ou sous le Moyen Empire en train d’unir le papyrus et le lotus, les plantes héraldiques des deux royaumes, dans les scènes du Sema-taouy ou rite de la Réunion des Deux-Terres ». Horus et la titulature royale La titulature du pharaon avait une grande importance et était chargée d’une puissance magique considérable. Elle s’enrichit et se développe à partir de la Ire dynastie et parvient à son aboutissement — cinq noms différents mis ensemble — sous la Ve dynastie. L’assemblage des cinq composantes constitue le ren-maâ ou nom authentique » par lequel pharaon définit sa nature divine. La titulature est établie lors du couronnement mais est susceptible d’évoluer au cours du règne selon les circonstances politiques et les évolutions religieuses du moment. Toute modification signale ainsi des inflexions dans les intentions royales ou des désirs divins nouveaux imposés au souverain. Quels que soient son aspect et son rôle — faucon céleste, dieu créateur ou fils d’Osiris — Horus est le dieu dynastique par excellence. Aussi la première composante de la titulature royale est-elle le Nom d’Horus, déjà porté par les souverains de la Dynastie 0, à savoir les prédécesseurs de Narmer, considéré dans l’historiographie comme le premier des pharaons. Dès les origines, le nom d’Horus s’est inscrit dans le Serekh, un rectangle toujours surmonté du faucon sacré. Le registre inférieur représente la façade stylisée du palais royal vue de face tandis que l’espace où est inscrit le nom est le palais vu en plan. La signification du Serekh est évidente le roi dans son palais est l’Horus terrestre, à la fois l’incarnation du dieu faucon et son successeur légitime sur le trône d’Égypte. Sous la Ire dynastie, se mettent en place le Nom de Nesout-bity, symbole de l’union des Deux-Terres, et le Nom de Nebty patronné par les déesses Ouadjet et Nekhbet. Plus tard, sous la IVe dynastie s’ajoute le Hor Noubt ou Nom de l’Horus d’Or », dont l’interprétation est incertaine ; sous l’Ancien Empire, il semble qu’il ait été perçu comme l’union des dieux Horus et Seth réconciliés en la personne royale. Finalement, sous le règne de Djédefrê apparaît le cinquième nom, le Nom de Sa-Rê ou Fils de Rê » qui place le pharaon sous la filiation spirituelle de Rê, autre dieu faucon aux aspects céleste et solaire. Horus dans le mythe osirien En tant que fils d’Osiris, Horus occupe une grande place dans le mythe osirien. Adulte, le dieu faucon est le défenseur acharné des droits régaliens de son père défunt. Encore enfant, ses années de jeunesse sont troublées par de nombreux aléas. Constamment proche de la mort en raison des attaques de scorpions et de serpents, le jeune Horus, toujours sauvé par Isis, est devenu dans la croyance populaire un dieu sauveur et guérisseur. Horus, protecteur d’OsirisHorus, fils d’Osiris Selon l’égyptologue français Bernard Mathieu, l’apparition d’Osiris au tournant des IVe et Ve dynasties est le résultat d’une réforme religieuse de grande ampleur menée par les théologiens d’Héliopolis. Le mythe osirien provient d’un processus de reformulation où le très archaïque Horus, archétype du dieu-souverain, a d’abord été assimilé aux dieux Atoum-Rê et Geb puis s’est vu doté d’un aspect purement funéraire sous les traits d’Osiris, chef des esprits défunts. La réforme conduit à la création d’une lignée de neuf divinités, l’Ennéade d’Héliopolis composée d’Atoum, Shou, Tefnout, Geb, Nout, Osiris, Isis, Seth et Nephtys. Dans ce mythe renouvelé, Horus devient le fils du couple Osiris-Isis et le neveu de Seth. Ce dernier tue Osiris qui ressuscite grâce à l’intervention d’Isis. Les Textes des pyramides attestent des nouveaux liens familiaux attribués à Horus. L’expression Hor sa Ousir Horus fils d’Osiris » apparaît dans de nombreux passages. Dans une moindre mesure, on rencontre les appellations Hor renpi Horus le jeune » et Hor khered nechen Horus l’enfant nourrisson », préfigurations du théonyme tardif de Hor pa khered Horus l’enfant » Harpocrate seulement forgé après la fin du Nouvel Empire. L’expression Hor sa Aset Horus fils d’Isis » Horsaïsé n’apparaît qu’au sortir de la Première Période intermédiaire. Les Textes des pyramides n’ignorent toutefois la filiation par la mère, dont témoignent les expressions son Horus à elle », son Horus » en parlant d’Isis. Osiris, le dieu assassiné Osiris est le plus célèbre des dieux funéraires égyptiens. Avec Isis, son épouse, sa popularité ira croissante durant toute l’histoire religieuse égyptienne. À la Basse époque puis durant la période gréco-romaine, le dieu bénéficie d’une ou plusieurs chapelles dans les principaux temples du pays. Là, durant le mois de Khoiak, s’exercent les cérémoniels des Mystères d’Osiris qui sont la réactualisation du mythe par la grâce du rite. L’histoire de son assassinat et de son accès à la vie éternelle a fait sa gloire, chaque individu en Égypte s’identifiant à son sort. Les sources égyptiennes sont assez elliptiques à propos du meurtre d’Osiris. Les grandes lignes du mythe ont été exposées pour la première fois par le Grec Plutarque au IIe siècle. Seth, jaloux de son frère, assassine le roi Osiris en l’enfermant dans un coffre et en jetant celui-ci dans le fleuve. Après de longues recherches, Isis retrouve la dépouille à Byblos, la ramène au pays et la cache dans les marais du Delta. Au cours d’une partie de chasse, Seth découvre le corps et, fou furieux, démembre Osiris en quatorze morceaux qu’il jette au loin. Après une longue quête, Isis retrouve les membres épars et reconstitue le corps en le momifiant. Transformé en oiseau-rapace, Isis s’accouple avec son défunt mari et conçoit Horus, un fils prématuré et malingre. Devenu adulte, Horus entre en lutte contre Seth. Après plusieurs combats, Horus défait son rival et se fait proclamer roi d’Égypte Sur Isis et Osiris, § 13-19. Harendotès ou la solidarité familiale Connu en égyptien comme Hor-nedj-itef Horus le défenseur de son père » ou Horus qui prend soin de son père », Harendotès est la forme d’Horus sous l’apparence du fils attentionné. En Égypte antique, l’amour du fils envers le père est une des plus hautes valeurs morales. Cet amour filial est tout aussi important que l’amour qui doit régner au sein du couple homme-femme incarné par la relation Osiris-Isis. Bien que fils posthume, Horus est le défenseur pugnace des droits de son père usurpés par Seth. Après son assassinat, Osiris se trouve retranché de la communauté des dieux et privé de son statut royal. Devenu adulte, Horus ne poursuit qu’un seul but rétablir Osiris dans sa dignité et son honneur de roi. Dès les Textes des pyramides, nombre de textes affirment qu’Horus a rendu à son père ses couronnes et qu’il a fait de lui le roi des dieux et le souverain de l’empire des morts. Le rétablissement social d’Osiris s’incarne dans deux images constamment rappelées dans les liturgies funéraires celle du redressement de la momie Osiris ne gît plus, mais est debout et celle de l’humiliation de Seth, l’assassin étant condamné par Horus à porter la lourde momie d’Osiris vers son tombeau30 Ô Osiris roi ! Horus t’a mis à la tête des dieux, il a fait en sorte que tu prennes possession de la couronne blanche, de la dame ou tout ce qui est tien. Horus t’a trouvé, et c’est heureux pour lui. Sors contre ton ennemi ! Tu es plus grand que lui en ton nom de grand sanctuaire ». Horus a fait en sorte de te soulever en ton nom de grand soulèvement », il t’a arraché à ton ennemi, il t’a protégé en son temps. Geb a vu ta forme et t’a mis sur ton trône. Horus a étendu pour toi ton ennemi sous toi, tu es plus ancien que lui. Tu es le père d’Horus, son géniteur en ton nom de géniteur ». Le cœur d’Horus occupe une place prééminente auprès de toi en ton nom de Khentimenty. » — Textes des pyramides, chap. 371. Traduction de Jan Assmann1. Jugement du mort Bien plus que les Textes des pyramides et les Textes des sarcophages, assez méconnus des contemporains, le Livre des Morts, du fait de ses riches illustrations, bénéficie d’une grande notoriété auprès du grand public. Parmi les illustrations les plus fameuses figure la scène du jugement de l’âme chapitres 33B et 125. Le cœur du mort est posé sur l’un des deux plateaux d’une grande balance à fléau, tandis que la déesse Maât Harmonie, sur l’autre plateau, sert de poids de référence. La mise en image de cette pesée ne remonte pas au-delà du règne d’Amenhotep II début de la XVIIIe dynastie mais sera inlassablement reproduite durant seize siècles jusqu’à la période romaine. Selon les exemplaires du Livre des Morts, Horus sous son aspect d’homme hiéracocéphale est amené à jouer deux rôles différents. Il peut apparaître près de la balance comme le maître de la pesée ». Il maintient à l’horizontale le fléau afin que le cœur et la Maât se trouvent à l’équilibre. Le défunt est considéré comme exempt de fautes et se voit proclamé Juste de voix », c’est-à-dire admis dans la suite d’Osiris. À la fin de la XVIIIe dynastie ce rôle de contrôleur est le plus souvent confié à Anubis. Horus apparaît alors dans le rôle d’ accompagnateur du mort ». Après la pesée, le mort est conduit devant Osiris assis sur son trône et accompagné d’Isis et Nephtys, les deux sœurs debout derrière lui. Dans quelques exemplaires, le rôle d’accompagnateur est dévolu à Thot mais, le plus souvent, c’est à Horus que revient cette charge. D’une main, Horus salue son père et de l’autre, il tient la main du défunt, qui, en signe de respect, s’incline devant le roi de l’au-delà. Reçu en audience, le défunt s’assoit devant Osiris. Le chapitre 173 du Livre des Morts indique les paroles prononcées lors de cette entrevue. Le défunt s’approprie l’identité d’Horus et, dans une longue récitation, énumère une quarantaine de bonnes actions qu’un fils attentionné se doit d’effectuer pour son père défunt dans le cadre d’un culte funéraire efficace Paroles à dire Je te fais adoration, maître des dieux, dieu unique qui vit de la vérité, de la part de ton fils Horus. Je suis venu à toi pour te saluer ; je t’apporte la vérité, là où est ton ennéade ; fais que je sois parmi elle, parmi tes suivants, et que je renverse tous tes ennemis ! J’ai perpétué tes galettes d’offrande sur terre, éternellement et Osiris, je suis ton fils Horus. Je suis venu te saluer, mon père Osiris. Ô Osiris, je suis ton fils Horus. Je suis venu renverser tes ennemis. Ô Osiris, je suis ton fils Horus. Je suis venu chasser tout mal de toi. Ô Osiris, je suis ton fils Horus. Je suis venu abattre ta souffrance. ... Ô Osiris, je suis ton fils Horus. Je suis venu alimenter pour toi tes autels. ... Ô Osiris, je suis ton fils Horus. Je suis venu te consacrer les veaux-qehhout. Ô Osiris, je suis ton fils Horus. Je suis venu égorger pour toi les oies, les canards. Ô Osiris, je suis ton fils Horus. Je suis venu prendre au lasso pour toi tes ennemis dans leurs liens. ... — Paul Barguet, Livre des Morts, extraits du chap. 173 Horus l’EnfantConception posthume d’Horus D’après le mythe osirien rapporté par Plutarque au IIe siècle av. le jeune Horus est le fils posthume d’Osiris, conçu par Isis lors de son union avec la momie de son époux. Cet enfant serait né prématuré et imparfait car faible des membres inférieurs . Dans la pensée pharaonique, les années bénéfiques du règne d’Osiris ne sont qu’une sorte de prélude destiné à justifier la proclamation d’Horus en tant que juste possesseur du trône. La transmission de la royauté depuis Osiris le père assassiné, via Seth le frère usurpateur, vers Horus le fils attentionné, n’est possible que grâce à l’action efficace de la rusée Isis, une magicienne hors norme. Après l’assassinat et le démembrement de son époux, Isis retrouve les membres épars et reconstitue le corps dépecé en le momifiant. Grâce à son pouvoir magique, la déesse parvient à revivifier la dépouille du dieu défunt, juste le temps d’avoir une relation sexuelle avec lui, afin de concevoir Horus. Selon Plutarque, la seule partie du corps d’Osiris qu’Isis ne parvint pas à retrouver est le membre viril car jeté dans le fleuve et dévoré par les poissons pagres, lépidotesn et oxyrhynques. Pour le remplacer, elle en fit une imitation . Cette affirmation n’est cependant pas confirmée par les écrits égyptiens pour qui le membre fut retrouvé à Mendès. L’accouplement mystique d’Osiris et Isis est déjà connu des Textes des pyramides où il s’intègre dans une dimension astrale. Osiris est identifié à la constellation Sah Orion, Isis à la constellation Sopedet Grand Chien et Horus à l’étoile Soped Sirius. Dans l’iconographie, le moment de l’accouplement posthume n’apparaît qu’au Nouvel Empire. La scène figure gravée sur les parois de la chapelle de Sokar dans le [1] en Abydos. Sur l’un des bas-reliefs, Osiris est montré éveillé et couché sur un lit funéraire. À l’image d’Atoum lorsqu’il émergea des eaux primordiales afin de concevoir l’universn 4, Osiris stimule manuellement son pénis en érection afin de provoquer une éjaculation. Sur la paroi d’en face, un second bas-relief montre Osiris, en érection, s’accouplant avec Isis transformée en oiseau rapace et voletant au-dessus du phallus. La déesse est figurée une seconde fois, à la tête du lit funéraire tandis qu’Horus est lui aussi déjà présent, aux pieds de son père, sous l’apparence d’un homme hiéracocéphale. Les deux divinités étendent leurs bras au-dessus d’Osiris en guise de protection. Dans ces deux fresques mythologiques qui se déroulent à l’intérieur même du tombeau d’Osiris, présent et futur se confondent en montrant l’accouplement et en anticipant la réalisation de la future triade divine par la présence conjointe d’Osiris, Isis et Horus. Horus contre Seth Deux épisodes majeurs ponctuent le mythe de la lutte d’Horus et Seth. Le premier est la naissance de Thot, le dieu lunaire, né de la semence d’Horus et issu du front de Seth. Le second est la perte momentanée de l’œil gauche d’Horus, endommagé par Seth. Cet œil est le symbole du cycle lunaire et des rituels destinés à revivifier les défunts. Aventures d’Horus et SethPapyrus Chester Beatty I Le mythe de l’affrontement d’Horus et Seth est attesté dans les plus anciens écrits égyptiens que sont les Textes des pyramides. Cet ensemble de formules magiques et d’hymnes religieux se trouve gravé dans les chambres funéraires des derniers pharaons de l’Ancien Empire. Il ne s’agit toutefois là que d’allusions éparses, ces écrits étant des liturgies destinées à la survie post mortem et non pas des récits mythologiques. Par la suite, ce conflit est évoqué tout aussi allusivement dans les Textes des sarcophages et le Livre des Morts. Dans l’état actuel des connaissances égyptologiques, il faut attendre la fin du Nouvel Empire et la Période ramesside XIIe siècle pour voir rédigé un véritable récit suivi des péripéties des deux divinités rivalesn 6. Le mythe est consigné sur un papyrus en écriture hiératique trouvé à Deir el-Médineh Thèbes dans les restes d’une bibliothèque familiale. Après sa découverte, le papyrus intègre la collection de l’industriel millionnaire Alfred Chester Beatty et demeure depuis conservé à la Bibliothèque Chester Beatty à Dublin. Son premier traducteur est l’égyptologue britannique Alan Henderson Gardiner publié en 1931 par l’Oxford University Press. Depuis lors ce récit est connu sous le titre des Aventures d’Horus et Seth en anglais The Contendings of Horus and Seth. Ce savant a porté un regard assez condescendant sur ce récit qu’il jugeait appartenir à la littérature populaire et ribaude, sa morale puritaine désapprouvant certains épisodes comme les mutilations d’Isis et Horus décapitation, amputation, énucléation ou les penchants homosexuels de Seth. Depuis cette date, les Aventures ont été maintes fois traduites en langue française ; la première étant celle de Gustave Lefebvre en 1949. Dans les travaux égyptologiques récents, on peut se borner à citer la traduction livrée en 1996 par Michèle Broze. Cette analyse poussée a démontré la richesse littéraire et la cohérence subtile d’une œuvre élaborée par un scribe érudit, très habile dans une narration non dénuée d’humour. Résumé du mythe Après la disparition d’Osiris, la couronne d’Égypte revient de droit au jeune Horus, son fils et héritier. Mais son oncle Seth, le jugeant trop inexpérimenté, désire ardemment se faire proclamer roi par l’assemblée des dieux. Horus, appuyé de sa mère Isis, fait convoquer le tribunal des dieux à toute fin de régler ce contentieux. Rê préside, tandis que Thot tient le rôle du greffier. Quatre-vingts ans s’écoulent sans que le débat progresse. Le tribunal est partagé entre les tenants de la royauté légitime revenant à Horus, et Rê qui voit en Seth son perpétuel défenseur contre Apophis le monstrueux serpent des origines. Les débats tournent en rond et nécessitent un avis extérieur. C’est donc à Neith, déesse de Saïs, réputée pour son infinie sagesse, que Thot adresse une missive. La réponse de la déesse est sans ambiguïté la couronne doit revenir à Horus. Cependant, pour ne pas pénaliser Seth, Neith propose de lui offrir les déesses Anat et Astarté comme épouses. Le tribunal se réjouit de cette solution, mais Rê, lui, reste sceptique. Horus ne serait-il pas un peu jeune pour assumer la direction du royaume ? Après quelques heurts entre les deux parties et excédé par tant de tergiversations, Rê ordonne le déplacement des débats vers l’Île-du-Milieu. Furieux contre Isis, Seth demande que les débats se poursuivent en son absence. La requête est acceptée par Rê qui ordonne à Anti d’en interdire l’accès à toute femme. Mais c’était compter sans la ténacité de la déesse. Elle soudoie Anti et se réintroduit dans l’enceinte du tribunal sous les traits d’une belle jeune femme. Rapidement, elle ne manque pas d’attirer l’attention de Seth. Tous deux finissent par converser et, troublé par tant de beauté, Seth s’égare dans des propos compromettants en reconnaissant sous cape la légitimité filiale d’Horus ! La rusée Isis se dévoile alors. Le coup de théâtre laisse Seth sans voix. Quant à Rê, il ne peut que juger de l’imprudence de Seth qui s’est confié, sans prendre garde, à une inconnue. Dépité, il ordonne le couronnement d’Horus et punit Anti pour s’être laissé corrompre par Isis. Mais le colérique Seth n’est pas décidé à en rester là. Il propose à Horus une épreuve aquatique où les deux dieux se transforment en hippopotames. Celui qui restera le plus longtemps sous l’eau pourra devenir roi. Mais Isis, qui suit de près les mésaventures de son fils, perturbe la partie. Elle s’attire finalement le mécontentement d’Horus qui fou de rage la décapite et la transforme en statue de pierre. Mais Thot lui redonne la vie en lui fixant au cou une tête de vache. Après son méfait, Horus, prend la fuite vers le désert. Mais, poursuivi par Seth il est rapidement rattrapé. Prestement, Seth jette Horus à terre et lui arrache les deux yeux qu’il enterre. La déesse Hathor, émue par le triste sort d’Horus, le guérit grâce à un remède de lait d’antilope. Apprenant cette histoire et lassé de ces sempiternelles chamailleries, Rê ordonne la réconciliation des deux belligérants autour d’un banquet. Mais une fois encore, Seth décide de troubler la situation. Il invite son neveu à passer la soirée chez lui, ce que ce dernier accepte. La nuit, Seth s’essaye à féminiser Horus lors d’une relation homosexuelle afin de le rendre indigne du pouvoir royal. Toutefois, Horus parvient à éviter l’assaut et recueille la semence de son oncle entre ses mains. Le jeune dieu accourt vers sa mère. Horrifiée, elle coupe les mains de son fils et les jette dans le fleuve pour les purifier. Par la suite, elle masturbe son fils, recueille sa semence et la dépose sur une laitue du jardin de Seth. Insouciant, Seth mange la laitue et se trouve engrossé. Devant tous les dieux, il donne naissance au disque lunaire qui s’élance hors de son front. Seth veut le fracasser à terre mais Thot s’en saisit et se l’approprie. Après une ultime épreuve aquatique, proposée par Seth et remportée par Horus, Osiris, resté jusqu’alors silencieux, intervient depuis l’au-delà et met directement en cause le tribunal qu’il juge trop laxiste. En tant que dieu de la végétation, il menace de couper les vivres à l’Égypte et de décimer la population par la maladie. Les dieux, bousculés par tant d’autorité, ne tardent pas à rendre un verdict favorable à Horus. Mais Seth n’est pas oublié. Placé aux côtés de Rê, il devient celui qui hurle dans le ciel », le très respecté dieu de l’orage. Mythe de l’Œil d’HorusHorus aveuglé par Seth Dans le papyrus des Aventures d’Horus, Seth pour se départager d’Horus propose qu’ils se transforment tous deux en hippopotames et qu’ils plongent en apnée dans les eaux du fleuve. Celui qui remonte avant trois mois révolus, ne sera pas couronné. Les deux rivaux se jettent dans le Nil. Mais Isis, craignant pour la vie de son fils, décide d’intervenir. Elle confectionne une lance magique afin de harponner Seth pour l’obliger à émerger hors des eaux. Elle lance son harpon mais celui-ci touche malheureusement Horus. Sans s’interrompre, la déesse lance une seconde fois son harpon et touche Seth. Ce dernier l’implore piteusement de lui retirer l’arme hors son corps ; ce qu’elle fait. En constatant cette clémence, Horus se met en colère et décapite sa mère. Aussitôt, Isis se transforme en statue de pierre acéphale Rê-Harakhty poussa un grand cri et dit à l’Ennéade Hâtons-nous et infligeons-lui un grand châtiment ». L’Ennéade grimpa dans les montagnes pour rechercher Horus, le fils d’Isis. Or, Horus était couché sous un arbre au pays de l’oasis. Seth le découvrit et s’empara de lui, le jeta sur le dos sur la montagne, arracha ses deux yeux Oudjat de leur place, les enterra dans la montagne pour qu’ils éclairassent la terre ... Hathor, Dame du sycomore du sud, s’en alla et elle trouva Horus, alors qu’il était effondré en larmes dans le désert. Elle s’empara d’une gazelle, lui prit du lait et dit à Horus Ouvre les yeux, que j’y mette du lait ». Il ouvrit les yeux, et elle y mit le lait elle en plaça dans le droit, elle en plaça dans le gauche, et ... elle le trouva rétabli. » — Aventures d’Horus et Seth extraits. Traduction de Michèle Broze Durant la période gréco-romaine, soit plus d’un millénaire après la rédaction des Aventures d’Horus et Seth, le Papyrus Jumilhac, une monographie consacrée aux légendes anubiennes de la Cynopolitaine, ne manque pas d’évoquer le mythe de la perte des yeux d’Horus. Seth ayant appris que les yeux étaient enfermés dans deux lourds coffrets en pierre ordonne à des complices de les voler. Une fois en ses mains, il charge les coffrets sur son dos, les dépose au sommet d’une montagne et se transforme en gigantesque crocodile pour les surveiller. Mais Anubis transformé en serpent se glisse auprès des coffrets, prend possession des yeux et les dépose dans deux nouveaux coffrets en papyrus. Après les avoir enterrés plus au nord, Anubis s’en retourne auprès de Seth afin de le consumer. À l’endroit où Anubis enterra les yeux émergea un vignoble sacré où Isis établit une chapelle pour rester au plus près d’eux. BibliographieArchitecture Nathalie Baum, le Temple d’Edfou À la découverte du Grand Siège de Rê-Harakhty, Monaco, le Rocher, coll. Champollion », 2007, 366 p. ISBN 9782268057958 S. Aufrère, Golvin, Goyon, L’Égypte restituée Tome 1, Sites et temples de Haute Égypte, Paris, Errance, 1991, 270 p. ISBN 2-87772-063-2 Daniel Soulié, Villes et citadins au temps des pharaons, Paris, Perrin, 2002, 286 p. ISBN 2702870384Généralités Jan Assmann, Mort et au-delà dans l’Égypte ancienne, Monaco, Éditions du Rocher, 2003, 685 p. 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Mario Meunier, Isis et Osiris, Paris, Guy Trédaniel Éditeur, 2001, 237 p. ISBN 2857070454 Jacques Vandier, Le Papyrus Jumilhac, Paris, CNRS, 1961, 349 p.
Pourfaire écho et en complément de la biographie de Hayao Miyazaki, j'ai choisi de vous proposer également l'historique précis d'un des plus grands studios de l'histoire du cinéma d'animation japonais.. En japonais, Ghibli s’écrit ジブリ et se prononce « djibli ». Processus de création. En 1983 la société Tokuma Shoten, éditrice du magazine d’animation Animage, Le destin de Menî est tout tracé il doit succéder à son père, le roi Antaref. Mais pour l'heure, il sait à peine tirer à l'arc et ne s'intéresse... Lire la suite 5,70 € Neuf Poche En stock 5,70 € Ebook Téléchargement immédiat 5,49 € Téléchargement immédiat 5,49 € En stock en ligne Livré chez vous à partir du 30 août Le destin de Menî est tout tracé il doit succéder à son père, le roi Antaref. Mais pour l'heure, il sait à peine tirer à l'arc et ne s'intéresse qu'à ses animaux de compagnie. Antaref lui ordonne alors d'accomplir trois exploits pour prouver qu'il peut être roi. Date de parution 22/05/2019 Editeur ISBN 978-2-08-148639-3 EAN 9782081486393 Format Poche Présentation Broché Nb. de pages 155 pages Poids Kg Dimensions 12,4 cm × 17,7 cm × 1,0 cm Le destin de Menî est tout tracé il doit succéder à son père, le roi Antaref. Mais pour l'heure, il sait à peine tirer à l'arc et ne s'intéresse qu'à ses animaux de compagnie. Antaref lui ordonne alors d'accomplir trois exploits pour prouver qu'il peut être roi. "Je vais te parler non comme un père à son enfant, mais comme un souverain à son successeur. Forge-toi à l'eau du Nil, au sable du désert, au roc des montagnes ! "
Eneffet selon le responsable de l'institut, Silvano Vincenti : "dans l'oeil droit, symboles découverts au microscope dans les yeux de Mona Lisa et sous ce fameux pont qui comme vous l'avez vu dans mes chapitres pécédents correspond exactement à la bouche de l'enfant divin, horus-harpocrate, fils d'Isis et d'Osiris. Il est vivement conseillé pour tout nouveau
Résumé Le sarcophage de la fille du pharaon a disparu. Papyrus, un modeste pêcheur, la retrouve, vivante, au cœur de la forêt interdite, dans le temple de l'oubli. Il apprend par une déesse qu'il a été élu pour défendre l'Égypte contre les forces du Mal... Résumé presse La Deux Listing des épisodes Guide détaillé Forum Recherches Gib' - Sources La Deux, TF1 Saison 1 1998 - 26 épisodes 01 à 26 1 La momie engloutie 2 La colère du dieu lune 3 Le seigneur des crocodiles 4 La vengeance de Ramses 5 Le colosse sans visage Un roi, dont le peuple est sous la coupe d'un sortilège, demande l'aide de Papyrus. Celui-ci accepte. Mais, sans le savoir, il délivre d'une malédiction divine les adorateurs du terrible Seth dont les âmes avaient été condamnées à errer...Résumé presse La Deux 6 Le pharaon maudit Le temple d'Akhénaton, le pharaon maudit, est un endroit oublié de tous. Malheur à celui qui pénètre dans ces funestes lieux. Papyrus et Théti y font une étrange rencontre...Résumé presse La Deux 7 Le soleil noir de Seth 8 La métamorphose d'Imhotep 9 Le labyrinthe Papyrus et Théti accueillent le jeune prince crétois Mélos, qui vient demander à pharaon un remède contre la maladie qui décime les taureaux de Crète. Mais Mélos est grièvement blessé par Apis, le taureau sacré des Égyptiens. L'incident est grave il risque de provoquer une guerre entre l'Égypte et la Crète. Pharaon décide d'envoyer Papyrus en ambassade en presse La Deux 10 Le triomphe de Bastet Papyrus, Théti et Tiya sont à Per Bast, la ville sacrée de la déesse chatte Bastet, où doit se dérouler une grande fête en l'honneur de la déesse. Mais le sage Raouser pressent que les forces maléfiques du dieu Seth préparent un nouveau complot. En effet, la princesse Théti est enlevée par le grand-prêtre félon Chepseska et une bande d'hommes à masques de chats presse La Deux 11 La cité des scribes 12 Le démon des Monts Rouges Papyrus reçoit en rêve un appel à l'aide du sage Raouser qui, craignant le réveil de la terrible lionne démon Pakhet, est parti enquêter dans les Monts Rouges. Un garde confirme les craintes de Papyrus l'escorte de Raouser a été attaquée par une meute de hyènes et le sage a disparu. Papyrus et Théti partent à leur tour dans les Monts Rouges à la recherche de presse La Deux 13 La plume d'or du grand faucon 14 Le réveil du Sphinx rouge 15 L'égyptien blanc 16 La harpe d'Hathor Pharaon attend la visite de Hattusil, le roi des Hittites, pour négocier une paix durable. Mais il est persuadé que Seth va tout faire pour provoquer la guerre. Pharaon attend la visite de Hattusil, le roi des Hittites, pour négocier une paix durable. Mais il est persuadé que Seth va tout faire pour provoquer la guerre. Sur le conseil du sage Raousser, Papyrus et Théti partent donc chercher la harpe de la déesse Hathor. La musique magique de cet instrument de musique a le pouvoir d'apaiser les coeurs. Mais le dieu maléfique Seth prépare un vaste piège...Résumé presse La Deux 17 Le sarcophage oublié 18 La maison de vie 19 La recherche d'Amon 20 La renaissance de l'enfant pharaon Papyrus ignore toujours son vrai nom dont lui a parlé Raouser. Mais le pharaon Merenrê est piqué par un scorpion magique et presse La Deux 21 Les larmes des géants 22 L'enfant hiéroglyphe 23 Le maître des trois portes 24 La pyramide noire Un nouveau fléau frappe l'Egypte les eaux empoisonnées du Nil détruisent végétation et cultures et provoquent une épidémie de fiève. Pharaon lui même est tombé malade. Accompagnés par leur amie Tiya, Papyrus et Théti partent pour une périlleuse expédition loin au sud de l'Egypte, vers les jungles mal connues d'Afrique, à la recherche d'une mystérieuse pyramide presse La Deux 25 Le miroir de Nebou Papyrus et Théti doivent accompagner Pharaon lors d'un voyage à travers l'Égypte. Mais à l'embarquement, la déesse Nebou envoie un appel à l'aide à Papyrus et le transporte loin du bateau grâce à son miroir magique ! Théti décide donc de partir seule, accompagnée de presse La Deux 26 La deuxième crue du fleuve sacré La crue du Nil a été généreuse et l'Égypte en oublie presque la menace de Seth. À tort ! Faisant croire qu'il est à l'agonie, Ahmès attire son frère Pharaon et Théti dans un tombeau où il les enferme traitreusement. Cependant, Papyrus part pour la grande cataracte où se trouve le royaume du dieu Khnoum et où il croit découvrir ses origines. Il ignore qu'il est tombé dans un piège de presse La Deux Saison 2 2000 - 26 épisodes 27 à 52 27 Le sacrilège de Papyrus Comme tous les habitants de Thèbes, Théti et Papyrus se préparent pour la grande fête annuelle d'Opet consacrée au dieu Amon. Papyrus est surpris en train de casser la statue du dieu avec son glaive magique, pensant que c'est celle de Seth...Résumé presse La Deux 28 Mika la magicienne Depuis plusieurs semaines, Papyrus est obsédé par un rêve où lui apparaît une troublante et séduisante jeune femme. Mika la magicienne a passé un pacte avec Seth en échange de la jeunesse éternelle elle doit anéantir Papyrus et Théti...Résumé presse La Deux 29 La trentième case du Senet maudit Tiya entraîne ses amis vers la maison d'Hathor, dans les quartiers populaires de Thèbes, où l'on se distrait en jouant au senet. Un mystérieux joueur défie Théti de le battre à ce jeu. Théti est désormais prisonnière du senet maudit du dieu Seth...Résumé presse La Deux 30 La justice de Thoueris Alors que le roi des Hittites Hattusil se rend à Thèbes pour renouveler le traité de paix avec l'Égypte, sa fille Anitti échappe de justesse, grâce à Papyrus et à son ami Bébo, à une tentative d'enlèvement. Au cours de cette action, Papyrus sauve une maman hippopotame et son petit. Mais, peu après, lors d'une nouvelle tentative d'enlèvement, la princesse Hittite disparaît mystérieusement. Sous l'influence de son conseiller Hamouri, Hattusil accuse les Égyptiens d'avoir enlevé sa presse La Deux 31 Le réveil d'Osiris Le mois d'Akhet est dédié au dieu Osiris, le dieu des morts et du renouveau de la végétation. Mais cette année, plus rien ne pousse dans les champs d'Egypte et la famine menace... Sabou, le grand prêtre d'Abydos, accuse Pharaon d'avoir perdu la confiance du dieu et exige son abdication. Pour mettre en échec ce nouveau complot sethien, Papyrus et Théti vont devoir vaincre le maléfice qui frappe un sanctuaire secret d' presse La Deux 32 Le babouin blanc Aker et son dieu maléfique Seth ont imaginé un nouveau plan détruire le papyrus sacré, conservé dans la divine Cité des Scribes, où a été consigné l'antique jugement des dieux faisant d'Horus le premier des pharaons et condamnant Seth à l'exil. Alors qu'il somnole au bord du Nil, Papyrus rêve qu'il est sur le point de délivrer le dieu faucon Horus de son sarcophage prison avec l'aide d'un étrange "babouin blanc". À son réveil, Papyrus découvre à son cou une amulette - un Œil d'Horus - et, assis près de lui, le babouin blanc de son rêve. Baliba, le babouin blanc, affirme qu'il est envoyé par Thot, le dieu Ibis, pour guider Papyrus jusqu'au royaume de presse La Deux 33 Le pays volé Alors que tout Thèbes attend avec impatience le retour de "l'Œil d'Horus", un navire qui doit ramener du lointain et fabuleux Pays de Pount or, bois précieux, ivoire, encens et parfums, Théti est victime d'un grave et mystérieux malaise. Heureusement, l'Œil d'Horus doit aussi ramener de précieuses plantes médicinales seules capables, selon Raouser, de sauver la vie de la princesse. Mais l'espoir est de courte durée quand il arrive au port de Thèbes, l'Œil d'Horus n'est plus en effet qu'une sorte de navire fantôme, épave folle dont équipage et cargaison ont disparu. Qu'a-t'il pu arriver à l'Œil d'Horus ? En tout cas, Papyrus n'hésite pas et décide de repartir avec presse La Deux 34 Les quatre chapelles de Toutankhamon Pour réaliser le temple de ses rêves, l'architecte Imhoutep a décidé d'utiliser le chiffre sacré de Thot, le nombre d'or. Sur le chantier, Semou, possédé par Seth, introduit des pierres marquées du signe du dieu maléfique...Résumé presse La Deux 35 Le divin potier Merenrê, Théti et Papyrus se rendent à l'atelier de Rahotep, le grand sculpteur royal, qui vient d'achever une statue monumentale de Pharaon destinée à sa future demeure d'éternité. Mais cette même nuit, le "cœur" de pierre de la statue est mystérieusement "arraché" tandis que Pharaon est frappé d'un mal magique mortel. Comment sauver Pharaon ? Pour le vieux sage Raouser, une seule solution Papyrus doit se rendre dans le divin monde de Khnoum, le dieu potier qui façonne tous les êtres vivants et obtenir l'aide du dieu. Cependant, enquêtant de son côté, Théti, aidée par Tiya et Hapou, découvre qu'Ahmès, le frère félon de Pharaon a faussement accusé presse La Deux 36 Le retour de Senkhet Papyrus découvre Tiya pétrifiée devant un coffret contenant une amulette. Un mystérieux étranger lui explique que Tiya a été punie par les dieux pour le vol du coffret. Pour lever la punition, notre héros doit rapporter l'amulette dans le Grand Désert de Pierres. Papyrus accepte... sans se douter qu'il va réveiller ainsi un terrible fléau contre l'Égypte l'armée destructrice de Senkhet, la Reine des Sauterelles !Résumé presse La Deux 37 Le talisman de la Grande Pyramide 38 Yam 39 Le temps de la discorde 40 Les sept nœuds d'Horus 41 Le renoncement de Papyrus 42 Le Nil rouge 43 La couronne sacrée d'Ouadjet 44 Néférourê 45 Les émissaires 46 Princesse Tiya 47 La princesse des étoiles 48 L'enfant sacré d'Ebla 49 L'arbre Ished 50 Le pilier Djed 51 Le procès de Papyrus 52 Le cauchemar Papyrus © Dupuis / TF1 / TVA / CLT-UFA En ligne depuis le 08/06/2008 - Dernières modifications le 14/04/2018Guides similaires . 506 530 332 305 704 42 320 331

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